assuranceASSURANCE SUR LA MORT de Billy Wilder, 1944
titre anglais : double indemnity
Studio : Paramount
Fiche IMDB
Acteurs principaux : Fred MacMurray (Neff), Barbara Stanwyck (Phyllis), Edward G. Robinson (Keyes)
Durée du film : 107 min

FICHE IMDB

Résumé : employé d'une compagnie d'assurance Walter Neff est tombé amoureux d'une de ses clientes, Phyllis Dietrichson. Elle a fait signer une assurance vie à son mari.

Billy Wilder est resté dans l'histoire comme l'un des rois de la comédie avec des chefs d'oeuvre comme Certains l'aiment chaud, Irma la douce...
Cependant, il ne faut pas oublier que Wilder a également réalisé 3 films noirs : Assurance sur la mort (1944), Le Poison (1945) et Boulevard du crépuscule (1950).

Assurance sur la mort  est dans la pure tradition du film noir : femme fatale instrumentalisant un homme, destin tragique, pessimisme sur la nature humaine, photo influencée par l'expressionnisme allemand, décors urbains et souvent de nuit, et enfin voix off (procédé récent introduit depuis Le Roman d'un tricheur de Guitry mais surtout par Citizen Kane de Welles).
Il y a tout de même une originalité pour un film de ce genre : l'absence de policier ou de détective privé. Ici, tout se passe dans le monde de l'assurance.

Wilder a fait le choix d'une narration en flash-back où le héros blessé enregistre ses aveux sur sa sordide mésaventure et explique les faits qui l'ont conduit à cette fin tragique. La narration se fait par le point de vue du meurtrier (Neff) qui semble n'avoir de remords uniquement car, à la fin, il n'a ni argent ni la femme et n'a pas réussi le grand coup, c'est-à-dire, escroquer par son intelligence le service contentieux de son employeur qui repose en fait sur le flair d'un seul homme : Keyes. Ce dernier est d'ailleurs l'ami de Neff et jusqu'à la scène finale, une grande complicité unira ces 2 célibataires.

Il est remarquable de voir que Billy Wilder s'affranchit de tout jugement moral et, dans le montage final, il n'incorpore pas les scènes du procès et de la sentence, pourtant tournées.

L'intérêt du film a priori n'était pas évident. L'histoire est relativement simple : un assureur se rend complice du meurtre du mari d'une garce manipulatrice (mariée uniquement par intérêt financier à un riche homme d'affaires dans le pétrole dont on saura seulement qu'il est veuf et légèrement porté sur la boisson). Plus tard, on apprendra que la réalité est plus complexe et que le personnage de Phyllis est encore plus diabolique que prévu.
Alors que le "pitch" du film nous donnerait droit qu'à un bon épisode d'une série comme Columbo, Assurance sur la mort se révèle être un grand film.
La tension monte au fur et à mesure du dénouement de l'histoire et l'on voit la cupidité des personnages obsédés par le gain.
La femme fatale se sert du courtier en assurance et dès le début, elle ne laisse peu de doutes sur le pourquoi elle veut prendre une assurance vie pour son mari sans que ce dernier le sache.
Mais, contrairement à beaucoup d'autres films où le héros souvent naïf se rend compte seulement à la fin du film de s'être fait manipuler, le héros ici n'est pas dupe. C'est un professionnel talentueux de l'assurance vie, mais ensorcelé par cette magnifique blonde, il ne peut échapper à ce destin. Comme la femme, Il veut avoir le maximum d'argent. Cette thématique récurrente dans le film noir montre une vision cauchemardesque du american way of life. La femme est prisonnière de sa maison chic qui dès le début nous précise le narrateur vaut 30 000 €. 
Cette obsession du toujours plus d'argent sera la chute des deux complices. Neff, l'assureur-assassin a l'idée de faire croire à la mort du mari dans un accident de train puisque les accidents dit rares (comme dans un train qui on le saura plus tard ne roule qu'à 25 km/h) rapportent indemnité double ! D'où le titre du film dans sa version originale  Double Indemnity, titre bien plus cynique qu'un tape-à-l'oeil Assurance sur la mort.
De même, l'une des grandes qualités du film réside dans la qualité des dialogues. Il ne faut jamais oublié que Wilder a d'abord été scénariste avant d'être réalisateur. D'ailleurs, avec l'aide de Raymond Chandler, Billy Wilder co-signe le scénario qui est une adaptation d'un roman éponyme de James Cain publié en 1935. 
Mention spécial à l'acteur Edward Robinson dans le rôle d'un vieux garçon spécialisé dans le contentieux d'assurance qui aura le flair de débusquer cette arnaque à l'assurance. Ce personnage typiquement "wilderien" du film donne un formidable numéro d'acteur lors d'un monologue sur les statistiques des différents types de suicide (seulement un par train, donc c'est impossible).
Enfin, d'un point de vue formel, la photographie est une réussite grâce au travail de l'excellent John F. Seitz (7 nominations aux oscars durant sa carrière). La dernière confrontation quasiment dans la totale pénombre entre Neff et Phyllis rappelle les films allemands des années 20 (ne pas oublier que Wilder est un européen exilé aux Etats-Unis).

En conclusion, Billy Wilder signe un manifeste du film noir, genre qui connaîtra son âge d'or de 1944 à 1959. Pour la petite histoire, la série Twin Peaks (saison 1 épisode 7) rendra hommage au film en appelant le représentant d'assurance Walter Neff.