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Déjantés du ciné
28 février 2008

Seul contre tous de Gaspar Noé

seulcontretousFilm français de 1998
Durée du film : 1h33
Acteurs principaux : Philippe Nahon, Blandine Lenoir, Frankye Pain, Martine Audrain

FICHE IMDB

Résumé : Ce film narre l'histoire d'un ex boucher, d'abord à Lille puis à Paris où il décide de refaire sa vie...

Seul contre tous est la continuation du moyen métrage de Gaspar Noé intitulé Carne. S'il est des films dont on se souvient toute sa vie parce qu'ils sont une interrogation sur l'existence, Seul contre tous en fait partie.
Ce premier acte de l'apocalypse de Noé (l'apocalypse signifiant la révélation) raconte l'histoire d'un boucher incarné par un formidable Philippe Nahon (aussi bien en tant qu'acteur qu'en voix off) qui éprouve un amour particulièrement malsain (tant ses sentiments sont forts) pour sa fille. La vie de ce boucher est misérable et toute la puissance du film de Noé réside dans les paroles et les réflexions de ce même personnage qui apparaissent particulièrement crues et choquantes (parfois c'est tellement étonnant et surréaliste ce qu'il raconte qu'on arrive à en rire).

Pourtant, et c'est ça qui met forcément le spectateur mal à l'aise, c'est que le boucher n'a pas toujours tort. On arrive même parfois à ressentir de la pitié pour lui. Pourtant, nombre des facettes de son caractère sont condamnables : n'est-il pas raciste ? N'a-t-il pas eu une expérience avec la patronne du bar uniquement pour ouvrir à nouveau (en tout cas c'est ce qu'il pense) une boucherie chevaline ? Que penser de ses crises de folie (liées à son amour démesuré pour sa fille) ou encore de son point de vue sur la vie en général et notamment ce raccourci (si on peut le dire ainsi) entre le fait que l'homme est une bite et la femme est un trou ?

Nombre des paroles et des actions du boucher sont évidemment condamnables mais voilà, son existence est tellement misérable et notre personnage est tellement désabusé qu'on a dès lors du mal à le détester. Noé finit peut-être - probablement c'est voulu - par nuancer un personnage sans nuances. On finit presque par accepter (tout au moins on en n'est pas écœuré) l'acte que le boucher fait à la fin du film quant on pense à ce qui aurait pu se passer quelques minutes auparavant.
Au fond, ce boucher exprime à sa manière toute la complexité d'une société et toute la bassesse des rapports humains. En un certain sens, Noé dresse un portrait social pas très flatteur de notre douce France. Le fait d'avoir créé un personnage aussi " mauvais " et sans nuances que son boucher permet au jeune réalisateur français de critiquer avec d'autant plus de force une société dans laquelle tout n'est pas rose.

La dualité riches/pauvres et l'asymétrie des lois qui en découle est l'une des principales attaques de Noé.Ce dernier montre bien que les lois, contrairement à ce qu'elles semblent signifier, ne sont pas faites pour tout le monde. Ou plus précisément chacun n'est pas mis sur un même pied d'égalité. Les lois ont été faites par les riches afin d'asseoir leur position. On retrouve là exprimé le point de vue de nombre de littéraires qui ont toujours tiré à vue sur les bourgeois et les notables. Ce fut par exemple le cas d'un Honoré de Balzac. Mais Gaspard Noé va plus loin.
C'est en dressant un tableau crasseux de notre société (alors que d'autres auraient critiqué les riches en dressant un tableau quasi idyllique de leur situation) que Noé montre avec un talent certain la mesquinerie, la bassesse, la bêtise, l'injustice qui se trouve partout. Au coin de la rue, dans un café, dans une société industrielle.. Mais il ne faut pas s'y méprendre et tomber dans un pessimisme ambiant.
C'est en effet par ses choix très contestables que notre anti-héros se retrouve seul contre tous. Encore qu'à la fin il n'est plus seul contre tous : le message d'espoir est bien présent et il n'a rien d'illusoire.

En somme, voilà un film qui ne peut laisser indifférent, qui vous fait l'effet de cinquante mille coups reçus en pleine tête. Un film qui vous remue les tripes. On ne sort pas indemne d'un tel voyage même s'il est évident qu'on aura appris nombre de choses intéressantes ou en tout cas instructives sur la nature humaine. Alors maintenant, si cette analyse ne vous a pas rebuté ou choqué, si vous souhaitez voir un autre aspect du cinéma " d'auteur " français, vous savez ce qu'il vous reste à faire.

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