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Déjantés du ciné
13 mars 2008

Wanda's café d'Alan Rudolph

Wanda_s_caf_ Réalisé par Alan Rudolph
Titre original : Trouble in mind
Année : 1985
Origine : Etats-Unis
Durée : 111 minutes
Avec : Keith Carradine, Kris Kristofferson, Lori Singer, Geneviève Bujold, Joe Morton, Divine,...

Fiche IMDB

Résumé : Le café de Wanda est le port d'attache de personnages troubles. Clients au passé chargé, douteux, inquiétant ou misérable : un couple à la dérive, un voleur noir épris de poésie, le roi du recel de la ville, un ex-flic tout juste sorti de taule. Tous tentent de survivre dans un monde qui les rejette...


Ce texte contient des spoilers : il est donc conseillé de ne le lire qu'après avoir vu le film.

Wanda’s café est l’un des chefs d’œuvre d’Alan Rudolph, cinéaste américain atypique. C’est une sorte de polar désenchanté d’une noirceur absolue, situé dans l’Amérique profonde. On y croise des personnages déphasés, marginaux, qui semblent totalement englués dans le décor : il y a Hawkins, interprété par l’imposant Kris Kristofferson (que l’on a déjà pu voir dans l’admirable western de Sam Peckinpah, Pat Garrett et Billy le Kid, et dans l’incompris mais néanmoins magistral La porte de paradis du Michael Cimino), policier fraîchement sorti de prison à la suite du meurtre prémédité d’un gangster notoire ; Wanda (la toujours excellente Geneviève Bujold), la tenancière du bar donnant le titre du film ; et le couple de jeunes marginaux composé de Georgia (la sous-estimée Lori Singer, que l’on a pu revoir avec plaisir dans le magnifique Short cuts de Robert Altman) et de Coop (Keith Carradine, acteur fétiche de Rudolph), parents d’un bébé et sans argent.

L’action du film se déroule dans une ville perdue, paralysée par la pègre et la corruption. C’est alors qu’Hawkins va tomber amoureux de Georgia… Rudolph reprend en gros le schéma de son film précédent, Choose me, avec le même type de héros nonchalant, indifférent aux choses qui l’entourent. Il reprend les poncifs du film noir, mais les détourne au profit d’une étude de personnages. A l’instar de son maître, le regretté Robert Altman, Rudolph opte pour un récit polyphonique, dans lequel on suit les trajectoires de plusieurs personnages, mais à la différence du réalisateur de Nashville (bien que depuis le très réussi Cookie’s fortune, Altman semble moins mépriser ses personnages), il éprouve une grande tendresse pour eux.

Sa mise en scène est élégante, cernant ses protagonistes afin de mieux préserver leurs mystères. Ainsi Hawkins ou Coop resteront énigmatiques jusqu’à la fin du film. En outre, Rudolph insuffle un rythme presque nonchalant (comme le sont ses héros) à ses films, ce qui leur donne leur atmosphère si particulière. Dans Wanda’s café, ce sont les magnifiques chansons de Marianne Faithfull qui donnent le tempo au film, comme son premier film, Welcome to L.A., était rythmé par les chansons que composait son héros. On pourrait d’ailleurs dire de Rudolph qu’il est un metteur en scène plus musical que psychologique, ce qui ne l’empêche pas de dresser des portraits très forts de ses protagonistes.

Wanda’s café décrit en effet des personnages paumés, égarés. Le café de Wanda deviendra leur seul point d’ancrage. Wanda est d’ailleurs le personnage le plus lucide du film, elle est le lien qui permet aux protagonistes de tenir, de survivre. Complice de Hawkins, qu’elle aidera pour séduire Georgia, mère pour Georgia, qu’elle recueille, Wanda est le référent du spectateur. Coop, jeune homme stupide et faible, mari de la fragile Georgia, est prêt à tout pour sortir de la misère. Il s’associe à Rambo (Joe Morton, acteur fétiche de John Sayles), crapule sans envergure, afin de faire de l’argent facilement. C’est un personnage grotesque, mais cependant attachant, constamment humilié par Hawkins. Néanmoins, à la fin du film, il sera devenu aussi désabusé que lui, lors de l’extraordinaire scène finale, où, sous un ballet burlesque et ridicule de balles et de cadavres, il traverse tout l’espace, presque absent, complètement indifférent à ce qui se passe autour de lui. Rudolph lui donne une chance, en le confrontant frontalement à l’absurdité du monde, la seule solution étant de se faire oublier.

Georgia, petit animal fragile, apeuré, sur qui semble reposer toute la misère du monde, vêtue comme une clocharde, est le personnage le plus émouvant du film. Comment oublier la magnifique scène où elle tente de fuir à tout prix sans savoir pourquoi, où, terrorisée, elle traverse la ville entière et finit par abandonner par désespoir son bébé, seul élément qui lui appartient, à une famille bourgeoise ! Personnage complètement désorienté, aspirant à sortir de la misère mais ne sachant pas comment faire, englué dans la pauvreté et la saleté, il suffit de cerner son regard lorsqu’elle s’aperçoit qu’elle a fait une énorme bêtise dans un instant de folie !

Enfin Hawkins, personnage central du film, qui semble avoir renoncé à tout espoir. Il parcourt le film comme un fantôme, une ombre, déambulant dans les rues de la ville sans but, dégoûté par ce qui l’entoure. En voyant Georgia, follement amoureux d’elle, il va cependant retomber dans l’enfer du gangstérisme, mais aura enfin trouver un sens à sa vie. La fin du film, déchirante, nous le montre sur le pas de sa porte, mortellement blessé et rêvant de la vie qu’il aurait pu avoir avec Georgia.

Film fascinant, où l’on ne croise que des fantômes, film au ton étonnant, à la mise en scène nonchalante (comme ses personnages), rythmé par les remarquables chansons mélancoliques de Marianne Faithfull, Wanda’s café reste un des films américains les plus marquants des années 1980 et constitue sans aucun doute l’un des sommets de l’œuvre de Rudolph. On peut noter également la composition étonnante de Divine (Pink flamingos, film cultissime de John Waters), dans le rôle de Hilly, le parrain local, personnage grotesque et ridicule qui fait néanmoins froid dans le dos.      

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Commentaires
D
C'est un film que j'ai vu deux fois à l'époque de sa sortie. J'aime ce que fait Alan Rudolph même s'il ne tourne presque plus (dommage). Et puis la distribution était sympathique avec Geneviève Bujold, Lori Singer (qui a complètement disparu des écrans, redommage). Keith Carradine et Kris Kristofferson qui sont touchants l'un et l'autre.
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