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Déjantés du ciné
16 septembre 2008

Morse de Thomas Alfredson

lettherightoneinRéalisé par Tomas Alfredson
Année : 2008
Origine : Suède
Durée : 114 minutes
Titre original : Lat den ratte komma in
Titre international : Let the right one in
Avec : Kare Hedebrant, Lina Leandersson...

FICHE IMDB

Résumé : La rencontre entre un jeune garçon introverti de 12 ans et une jeune fille d'une même âge qui se révèle être une vampire.

Basé sur le roman de John Ajvide Lindqvist, Let the right one in est l’œuvre du cinéaste suédois Tomas Alfredson. Le film traite d’un mythe qui a été vu 1000 fois au cinéma, celui du vampire. Oui mais voilà Tomas Alfredson a bien quelque chose à dire sur le sujet et son approche se révèle tout à fait originale. D’ailleurs, le film a obtenu lors de la huitième édition  du film fantastique du Neuchâtel, qui s’est déroulée du 1er au 6 juillet 2008, une mention spéciale du Jury, le Méliès d’argent du meilleur long métrage européen et le prix de la jeunesse.

Let the right one in est un film intimiste. Il se déroule dans une petite ville de Suède où le temps est particulièrement peu clément puisqu’il y fait très froid et la neige est omniprésente. Dans ce cadre où la vie semble assez rude, on va suivre la rencontre entre deux personnages qui sont rejetés, exclus par le monde qui les entoure.

Il y a d’abord le jeune Oskar (interprété par Kare Hedebrant), un garçon blondinet qui est assez renfermé et qui est maltraité par ses camarades de classe. Ces derniers s’amusent à en faire leur tête de turc en le frappant, en le fouettant. En somme, ils le font passer pour un moins que rien. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’Oskar reste seul dans son coin et ne va pas à la récréation avec ses camarades, de peur d’être victime de nouvelles brimades. Oskar est en outre bien seul sur le plan familial puisqu’il ne vit qu’avec sa mère, laquelle est souvent absente ou lorsqu’elle est là, elle parle peu à Oskar. C’est donc peu étonnant qu’Oskar passe le soir une partie de son temps à aller dehors alors qu’il fait très froid. Là, il se révolte contre un ennemi imaginaire avec son petit couteau. C’est lors d’une de ses sorties nocturnes qu’Oskar rencontre une jeune fille, Eli ( interprétée par Lina Leandersson), qui vient d’emménager juste à côté de chez lui avec son père.

Il y a donc ensuite Eli. Sa première rencontre avec Oskar est pour le moins abrupte. Elle semble avoir comme Oskar 12 ans. Elle lui fait savoir qu’elle ne pourra pas être son amie. En effet, on comprend rapidement qu’Eli est un vampire. D’ailleurs, son père commet des meurtres atroces pour lui apporter le sang dont elle a besoin pour vivre. Comme la mère d’Oskar avec celui-ci, le père d’Eli n’a que peu de rapports avec elle. Cependant, il faut bien garder en tête qu’il connaît son terrible secret et fait tout pour l’aider, quitte à commettre des actes sanguinaires. Le père d’Eli culpabilise d’ailleurs pour les meurtres qu’il commet et il finit par tenter de suicider. Mais il se rate et se retrouve défiguré. C’est Eli qui viendra le tuer pour abréger ses souffrances et lui permettre d’être en paix avec lui-même. Par la même occasion, Eli s’approprie le sang de celui qui est présenté comme son père.

On saisit assez rapidement que l’élément fantastique a principalement pour but d’être au service du drame qui se déroule sous nos yeux. La situation de vampire d’Eli est pour elle un véritable fardeau. Elle est condamnée à demeurer seule, à commettre directement ou indirectement (par son père) des meurtres pour survivre, à garder la même apparence toute sa vie (cela fait manifestement des dizaines d’années qu’elle a l’apparence d’une fillette de 12 ans), à vivre de façon décalée par rapport aux humains afin d’éviter la lueur du soleil.

Ainsi, tant Oskar qu’Eli sont deux jeunes qui sont rejetés par la société. Au fond, ce n’est pas si étonnant que cela que l’un et l’autre vont être amenés à devenir amis. Pour être réunis, même lorsque la distance les sépare, Oskar et Eli communiquent par le langage morse. Les deux jeunes vivent une très belle histoire d’amitié, voire d’amour platonique. On retiendra notamment cette très belle scène où Oskar est en train de dormir et où Eli, après avoir commis un meurtre d’une grande violence, tape à sa fenêtre pour entrer. Oskar lui permet de rentrer et Eli rentre dans le lit après avoir enlevé ses vêtements. Evidemment, Tomas Alfredson ne filme pas ça de manière complaisante. On voit seulement deux jeunes personnes qui sont réunies, comme c’est le cas lorsque la main d’Eli vient se poser sur celle d’Oskar. Ce dernier lui demande de manière très pudique si elle veut devenir sa petite amie. Ces deux êtres sont rapprochés d’un point de vue sentimental alors qu’ils sont opposés sur le plan physique : Oskar est un être humain et a donc un corps chaud ; à l’inverse Eli a un corps froid. Leur nature les oppose également : Eli connaît sa nature dangereuse et sait qu’elle peut difficilement se contrôler en présence de sang (comme c’est le cas lorsque Oskar souhaite sceller leur amitié par des liens de sang) alors qu’Oskar paraît inoffensif. Ce dernier se retrouve même à condamner l’attitude d’Eli, qui est amenée à tuer des gens, mais comme le dit Eli : « Tu me blâmes, mais si tu pouvais tuer quelqu’un tu le ferais, alors que pour moi c’est une nécessité. » Dans une autre scène fondamentale, on voit qu’Eli attend d’avoir l’autorisation d’Oskar pour pénétrer chez lui ce qui donne lieu à un moment très fort où Eli se désagrège (elle devient toute seule ensanglantée) tant qu’Oskar ne l’accepte pas chez lui. Oskar comprend que la condition de vampire d’Eli rend la vie de son amie d’autant plus difficile à vivre.

La grande force du film réside bien dans la relation particulière qui se noue entre Oskar et Eli. La mise en scène de Tomas Alfredson est parfaite, privilégiant des gros plans sur les visages qui permettent ainsi de voir les beaux yeux bleus d’Eli, ce qui renforce le côté mystérieux voire envoûtant (ne pas oublier qu’elle est un vampire) de son personnage. Les rapports entre Oskar et Eli sont très forts et chacun apporte quelque chose à l’autre.

Oskar donne à Eli un amour qui est sans équivoque. Il apprécie Eli, même lorsque cette dernière lui demande si il l’aimerait autant s’il apprenait qu’elle n’est pas une fille. L’amour d’Oskar pour Eli a d’autant plus d’importance que celle-ci est désespérément seule (surtout après la mort de son père). Elle trouve en Eli un garçon qui est à son écoute et qui semble plus mature que son jeune âge ne laisse penser.  

Eli apporte également beaucoup à Oskar. Elle lui permet d’abord d’avoir une amie à qui se confier. Elle lui permet ensuite de s’émanciper, de se révolter contre les camarades de classe qui s’en prennent à lui. Eli est aussi l’ange gardien d’Oskar (on est donc loin du personnage uniquement malfaisant du vampire) lorsque celui-ci est sur le point de mourir noyé. Cette scène est d’autant plus remarquable qu’Eli avait, à cet instant du film, quitté la ville. Mais son instinct lui a fait comprendre que son ami est en danger.

Chronique fantastique d’une grande sensibilité, Let the right one in est un véritable bijou.

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Commentaires
L
Belle critique sur Morse, Nico !<br /> <br /> Je tiens juste à apporter quelques éléments supplémentaires.<br /> <br /> Tomas Alfredson garde l'ambiguité sur la relation qui unit Eli à l'homme qui tue pour elle. En effet, Eli le présente comme son père mais on ne sait jamais vraiment. Cela pourrait être aussi son valet (comme dans le films de vampire classiques) ou bien son amant (qui aurait bien sûr vieilli alors qu'Eli ne peut vieillir).<br /> <br /> C'est ce qui rend si touchante cette relation entre eux. Car il s'agit bien d'une relation d'amour, qu'il soit filial (si l'homme est son père) ou passionnel (s'il est son amant).<br /> <br /> C'est pourquoi la fin du film se révèle également très ambiguë. S'il y a bien une relation d'amour entre Eli et Oskar, on peut tout de même se poser la question de ce qui va advenir d'Oskar : sera-t-il une sorte de valet comme l'homme qui accompagnait Eli au début du film ? D'autant qu'Oskar, tout comme l'homme, sera condamné ç vieillir, alors qu'Eli restera toujours dans le corps d'un enfant de 12 ans. D'où une certaine cruauté : n'oublions pas qu'Eli est un personnage tragique, et que sa relation avec Oskar peut aussi être intéressée, bien qu'il y ait une réelle affection entre eux.<br /> <br /> Par ailleurs, un autre point mérite d'être souligné. La première véritable apparition d'Eli a lieu alors qu'Oskar, constamment brimé par ses camarades de classe, se défoule sur un arbre à coup de couteau. C'est à ce moment exacte où Eli apparaît. On peut donc penser qu'Eli est la matérialisation du désir de revanche d'Oskar : d'ailleurs, Eli finit par exterminer, dans la génial scène de la piscine, tous les bourreaux d'Oskar... Eli peut-être vu comme l'ange gardien d'Oskar, mais aussi comme une facette sombre d'Oskar qui ne demande qu'à éclater.<br /> <br /> Enfin, le superbe plan sur le sexe d'Eli amène à se poser également d'autres questions : Qui est vraiment Eli ? Elle-même déclare qu'elle n'est pas vraiment une fille. Le plan montre une cicatrice sur le sexe (ou plutôt l'absence de sexe d'Eli) qui pourrait exprimer une castration... Il paraît que dans l roman (que je n'ai pas lu), Eli serait en fait une petit garçon castré).<br /> <br /> Bref, Morse amène constamment le spectateur à s'interroger. Tomas Alfredson a réalisé ici un film remarquable qui renouvelle très habilement les films de vampire, d'autant qu'il le place dans un contexte très réaliste, qui pourrait rappeler les films de Gus Van Sant sur l'innocence perdue. La blondeur virginale d'Oskar fait d'ailleurs penser au jeune garçon blond du génial Elephant de Van Sant...
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F
Juste pour signaler que nous distribuerons let the right one in (titre français: morse) le 4 février prochain en France.
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