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Déjantés du ciné
14 février 2009

Seven swords de Tsui Hark

Seven_swords Réalisé par Tsui Hark
Titre international : Seven swords
Année : 2005
Origine : Hong Kong
Durée : 153 minutes
Avec : Donnie Yen, Leon Lai, Charlie Young, Liu Chia-liang, Kim So-yeon, Dai Liwu, Duncan Lai, Lu Yi, Ma Jingwu, Sun Honglei, Jason Pai Piao,...


Fiche IMDB

Résumé : A l'aube des années 1660, la Mandchourie annexe la Chine pour y installer la dynastie Ching. A la suite des multiples insurrections contre le gouvernement, ce dernier interdit l'étude et l'exercice des arts martiaux afin de maintenir l'ordre et la discipline dans le pays. Fire-wind, chef militaire de la dynastie antérieure, se dit qu'en aidant le gouvernement à faire appliquer la nouvelle loi il parviendra à s'enrichir rapidement. Il a projeté de s'attaquer à la dernière ville frontière, petite bourgade du nom de Martial Village, dont les habitants sont réputés rebelles et courageux. Fu Qingzhu tente de mettre un terme à cette boucherie et décide de sauver Martial Village. Il convainc deux habitants de l'accompagner jusqu'au Mont Heaven pour solliciter l'appui de Maître Shadow-Glow. Ce dernier leur vient en aide et ordonne à quatre de ses meilleurs disciples de partir.


Ce texte contient des spoilers : il est donc conseillé d'avoir vu le film avant d'en entreprendre la lecture.

Réalisé par Tsui Hark en 2005 après son impressionnant Time and tide, son passionnant La légende de Zu et son délirant Black Mask 2 (un peu Z mais vraiment fun), Seven swords marque le retour du grand cinéaste hongkongais au wu xia pian, genre qu’il avait délaissé en 1995 après son formidable The blade (même si La légende de Zu peut se rapprocher du wu xia pian, c’est de manière détournée), mais le film est ici clairement crépusculaire.

En premier lieu, il faut reconnaître que quelques défauts mineurs émaillent le film. La bande-son composée par Kenji Kawai ne paraît pas très adaptée au métrage (d’autant que le compositeur japonais a écrit de magnifiques partitions pour Mamoru Oshii, notamment celle de Ghost in the shell et de sa suite, Innocence – Ghost in the shell 2). Il est également regrettable que Seven swords ait vu sa durée raccourcir, car des pans entiers de l’histoire semblent échapper au spectateur, notamment les scènes qui concernent l’origine des épées, pourtant superbes, ou encore celles qui s’intéressent au passé des personnages. Il serait d’ailleurs passionnant de découvrir la version de 4 heures que Tsui avait montée au départ, qui était sans doute plus équilibrée, même si cette version longue relèbve aujourd’hui du domaine du rêve, Tsui ayant confirmé qu’elle avait été définitivement détruite.

Malgré ces petites réserves qui heureusement n’empêchent pas de suivre la trame principale, le spectacle est de toute beauté. Si le scénario, sans surprise, n’est qu’un démarquage du célèbre Les sept samouraïs d’Akira Kurosawa (l’un des maîtres cinématographiques de Tsui), la mise en scène de Tsui Hark, d’une virtuosité époustouflante, pare le film d’une force épique peu commune.

Dans Seven swords, elle est un peu moins chaotique que d’habitude, même si certaines séquences semblent un brin décousues (cela reste tout de même la marque de fabrique du cinéaste, qui pense le monde en chaos), s’attardant un peu plus sur les protagonistes et leurs motivations. L’utilisation du format cinémascope magnifie les splendides paysages de la Chine, immenses et dans lesquels les personnages semblent se perdre.

Une phrase prononcée par le personnage interprété par Leon Lai à un enfant éclaire tout à fait le spectateur sur le propos du cinéaste (propos qui se retrouve d’ailleurs dans la plupart de ses films) : le monde est laid, mais la beauté existe et le but de la vie est justement d’avoir la force de trouver cette beauté. Toute la mise en scène de Tsui repose sur ce précepte : le chaos du monde peut, si l’homme en a la volonté, peut déboucher sur la beauté.

Et c’est le miracle qu’accomplit, comme quasiment tous les films précédents du cinéaste, Seven swords, parsemé de séquences barbares, chaotiques, émouvantes ou tragiques, où la fulgurance de certains moments (la Beauté à l’état pur, parfois), au sein-même de certaines scènes décousues, vient contrebalancer le chaos d’un monde qui court à sa perte, corrompu par le pouvoir et l’argent. Tout individu, perdu dans l’immensité des paysages, prisonnier d’un monde qui le dépasse, va être confronté à un choix qui révélera sa véritable nature et sa place au sein de cet univers : courage, honneur, lâcheté ou traîtrise. Seuls les sept épéistes, parés d’une aura surhumaine pour certains, semblent plus grands que ce monde.

La narration du film, qui a souvent recours aux flashbacks, aussi bien pour révéler quelques bribes du passé des sept héros ou encore pour expliquer certaines sous-intrigues qui ont une importance dans les actions et les choix de certains personnages (comme l’histoire passionnante de la jeune esclave coréenne), maintient constamment l’attention du spectateur et donne un relief inattendu au film. Notamment, à la fin du film, l’une des plus grandes audaces de Tsui Hark est de laisser en suspens une action déterminante pour se consacrer au duel final et de reprendre en flashback cette action après le combat titanesque que se livrent le personnage interprété par le grand Donnie Yen et Ravage.

Cette construction rappelle un peu Time and tide qui, à la fin du film, multiplie les combats finaux, au point que le spectateur ne sait plus quelle est vraiment la scène d’action finale. Par ce procédé, Tsui démontre que, justement, toutes les séquences se valent et ont toutes leur importance propre. Et dans Seven swords, le superbe duel final, d’une rare virtuosité (le combat entre les murs du couloir) n’occulte absolument pas le fait que Fang, la jeune villageoise qui est l’institutrice des enfants et également la fille du chef du village, assassiné par le traître, a été sauvée d’une mort certaine par ses propres élèves et qu’elle a tué de sa propre main le traître. Par ailleurs, cette scène, à l’instar de celle dans A toute épreuve de John Woo, dans laquelle le héros interprété par Chow Yun-fat sauve les bébés lors du carnage final, ne dit que cela : sauvons les enfants avant qu’il ne soit trop tard.

Seven swords est d’ailleurs tellement foisonnant qu’il mérite plusieurs visions. Même si le film a été coupé, il conserve toute sa force épique. Certaines critiques estiment que Tsui a aseptisé un peu son style pour plaire à un plus large public : c’est sans doute vrai, car effectivement, il y a très peu d’effusions de sang, ce qui n’occulte nullement la barbarie de certaines scènes (notamment la scène d’introduction du film, qui montre le massacre d’un village par l’armée de Ravage, d’une très grande violence ; l’arrivée des sept épéistes au village, qui font état de leur aptitude incroyable aux arts martiaux en massacrant quelques généraux de Ravage ; le massacre dans la grotte ; le duel final), qui rappellent un peu l’exceptionnel The blade.

Pour finir, il faut noter l’incroyable maîtrise du style de Tsui Hark en ce qui concerne les scènes d’action. Toutes les séquences de combat sont absolument remarquables, toujours originales et empreintes du style inimitable du cinéaste. Et contrairement à ce que pensent certaines personnes ayant vu le film, je trouve ces scènes sont d’une incroyable efficacité tout en restant parfaitement lisibles.

Bref, même troué, Seven swords est une œuvre qui bénéficie d’un souffle épique indéniable. Film à ce jour le plus abordable du cinéaste pour les spectateurs qui ne connaissent pas les films de celui-ci, à défaut d’être son meilleur, Seven swords démontre brillamment que Tsui Hark conserve tout son talent. Si son style s’est peut-être un peu assagi (quoi que…), il demeure toujours unique en son genre et reste le maître moderne incontesté du wu xia pian, lui qui a fortement contribué à sa renaissance dans les années 1980-90, après les films-culte de la Shaw Brothers (avec des films aussi célèbres et formidables que L’hirondelle d’or de King Hu, La rage du tigre de Chang Cheh ou encore Le tigre de jade de Chu Yuan) des années 1960-70. Par ailleurs, le cinéaste hongkongais rend aussi un très bel hommage à Akira Kurosawa. J’espère que Tsui Hark reviendra sans tarder à ce genre qu’il maîtrise si bien…

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