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Déjantés du ciné
18 février 2009

Chomsky et compagnie

chomsky


Un film de Olivier Azam et Daniel Mermet.

Pays: France

Genre: Documentaire

Durée: 100 min

Sortie en salles 26 novembre 2008

FICHE IMDB

Synopsis : A l'heure où impuissance et résignation l'emporte, le travail de Noam Chomsky est un antidote radical pour tous ceux qui veulent en finir avec la fabrique de l'impuissance et ses chiens de garde intello-médiatiques. Inlassable, inclassable, implacable, "l'intellectuel le plus populaire et le plus cité au monde" poursuit la mise à nu des mécanismes de domination avec une étonnante vitalité. Mais pas d'hagiographie, pas de prêt à penser. Souvent l'intellectuel est celui qui veut nous faire penser comme lui. Au contraire, Chomsky nous incite a développer par nous même en pensée critique contre les différentes formes de pouvoir et les idéologies qui les justifient.

 

Chomsky, linguiste de renommée internationale après avoir révolutionné cette science avec sa théorie sur la grammaire générative et transformationnelle, est actuellement professeur émérite de linguistique au Massachusset institute of  Technology.
Bien qu'âgé de 81 ans, Noam Chomsky est également célèbre pour son engagement politique : il est un sympathisant de la mouvance anarcho-syndicaliste et fait partie de l'Industrial Workers of the World (IWW). Ses critiques portent notamment sur la politique étrangère de certains pays, surtout celle des États-Unis d'Amérique, et le fonctionnement des médias.
Selon Eugene Garfield, Chomsky fait partie des dix auteurs les plus cités dans le monde au XXe siècle entre 1976 et 1983. Plusieurs documentaires lui ont été consacrés : Chomsky, les médias et les illusions nécessaires en 1992, Noam Chomsky : pouvoir et terreur. Entretiens après le 11 septembre de John Junkerman en 2003.
En préambule du film, on retrouve un remerciement aux S.M.G. , les souscripteurs modestes et géniaux : en effet le film a été réalisé dans la plus grande indépendance, financé par des souscriptions.En mai 2007, la série d'entretiens avec Noam Chomsky a été un succès pour l'émission de radio « Là bas si j'y suis » de France Inter. De Paris à boston, de Montréal à Toronto, Olivier Azam et Daniel Mermet en ont fait un film.
Le film, s'il dresse un portrait de Chomsky et son oeuvre, permet également de resituer le personnage et son engagement dans l'histoire, un engagement qui a commencé contre la guerre du Viet Nam et n'a jamais faibli depuis.
C'est, fort de son expérience de linguiste, que  Noam Chomsky s'attache à décrypter les discours politiques et leur terrible logique visant à ôter à tout citoyen la possibilité de s'exprimer comme il le souhaiterait réellement. Les mécanismes, selon lui, sont multiples : tout commence par le traitement arbitraire de l'information.
En effet, exemples historiques à l'appuie,  Noam Chomsky montre que certains faits sont passés sous silence quand d'autres sont surexposés : l'un des exemples les plus criants est celui du massacre du Timor. En effet, alors que toutes les caméras du monde occidental étaient tournées vers le cambodge et alors  même que l'on déplorait le massacre perpétré par les Khmers rouges, alors désignés seuls responsables, personne ne cherchant à savoir comment on en était arrivé là : que les Khmers aient pris le pouvoir en réaction aux bombardements intensifs américains liés à l'élargissement de la guerre du Viet Nam est donc passé mystérieusement sous silence, tout comme la guerre du Timor, intimement liée à la déclaration d'indépendance de ce dernier ainsi qu 'à la richesse de ses ressources naturelles.
Plus inquiétant, Chomsky  nous montre que cette distortion de l'information n'est pas isolée : Oscar Romero, était archevêque de San Salvador (en Amérique centrale) lorsqu’on l’assassina en 1980 pendant qu’il célébrait la Messe , pour avoir osé dénoncé la dictature en place. Le 19 octobre 1984, le père Popieluszko était enlevé par trois officiers de la SB près de Wloclawek, à 120 km au nord de Varsovie pour être exécuté. Son assassinat provoqua un tollé général, alors que celui d' Oscar Romero passa inaperçu. D'après une étude de  Noam Chomsky ce dernier s'aperçu que l'évènement connu une couverture cent fois plus importante pour  le père Popieluszko. Pourquoi un tel écart ? Parce que la Pologne faisait partie du bloc soviétique ? Ou parce que la dictature d'Amérique centrale ne s'était imposée qu'avec le soutien logistique des Etats Unis ?
On serait tenter de stigmatiser le rôle des médias en voyant de tels exemples, mais loin de toute théorie du complot,  Noam Chomsky explique tout simplement que la raison est d'ordre économique : les médias appartiennent à de grands groupes ayant les mêmes intérêts que les gouvernements. Il n' y a donc pas lieu de voir pratiquer une censure telle qu'on a pu en observer dans les dictatures : dans nos démocratie le mécanisme est plus insidieux, puisque toute information peut être dite, seule varie l'exposition qu'on lui accordera, noyée dans la masse des informations et sous exposée, une information passera tout aussi inaperçu.

Un autre mécanisme évoqué par Noam Chomsky pour expliquer les manipulation issues du discours politique est la « fabrique du consentement » : ce concept inventé par Edward Bernays, intégrant des notions de psychanalyse et de sociologie, vise à réduire le discours politique à une propagande substituant des attentes et des besoins ( naissance de la société de consommation et du marketing) aux attentes réelles des citoyens, le libre arbitre de ces derniers étant jugé dangereux par les politiciens. L'apel aux urnes, s'il subsiste n'est là que pour obéir aux obligations démocratiques, une démocratie recherchant toujours l'appuie de ses concitoyens, quitte à l'obtenir de manière discutable : pour entrer en guerre contre le Viet Nam, les Etats Unis évoquèrent l'attaque de l'un de leurs vaisseaux. L'histoire démontra par la suite qu'il ne s'agissait que d'un prétexte, ledit vaisseaux n'ayant pas été victime d'agression. Nul n'ignore ce qui, plus près de nous, a servi de prétexte pour attaquer l'Irak. Tout cela, selon  Noam Chomsky relève de la fabrique du consentement : donner des informations orientées quand il le faut pour agiter les peurs et créer des élans de patriotisme afin de justifier une politique qui dans le fond échappe à toute éthique, quand elle n'échappe pas tout simplement aux citoyens qui les vivent.
Ceci permet même au célèbre linguiste de conclure de manière radicale, mais sans doute juste : la démocratie et le capitalisme sont incompatibles. Le capitalisme vise en effet à la concentration des richesses, certes, mais exige aussi la concentration des forces et des pouvoirs, contrairement à ce qu'exige une démocratie.

Au delà de  Noam Chomsky , l'un des mérites du film est de montrer d'autres intellectuels « héritiers » de cette démarche contestataire : Jean Bricmont, physicien essayiste belge, ayant popularisé et soutenu l'oeuvre de  Chomsky, et Normand Baillargeon , auteur du petit traité d'auto défense intellectuel, visant à dévellopper l'esprit critique s'inscrivent bien dans le sillon chomskyen.
En effet,  Noam Chomsky, malgré sa renommée et son appartenance indiscutable au cercle des intellectuels, ne cherche jamais à se poser en donneur de leçons, ni à nous inciter à penser comme lui : il nous invite plutôt a exercer notre esprit critique et notre curiosité afin de nous faire notre propre avis, notre propre opinion. La notion d'opinion est bien au coeur du problème, ce que  la politique, via les techniques de management et de marketing développées aux Etats Unis dès les années 20 ,  a bien compris, multipliant les moyens de contrôler celle-ci : la lutte contre le terrorisme internationale est venue remplacer à temps la logique de la guerre froide, devenue caduque, pour perenniser une politique extérieure agressive et une politique intérieure liberticide.

Le film, qui aurait pu être rebutant de technicité de par la comlexité de son sujet brille au contraire par sa remarquable clarté, due à la simplicité des intervenants, chomsky en tête n'hésitant pas à vulgariser leur discours et à le nourrir d'exemples parlant à tous.
Le film d' Olivier Azam et Daniel Mermet montre que l'on peut très bien être un intellectuel sans être le chien de garde du pouvoir en place, le tout avec une simplicité, un humaniste et un humour désarmant.

 

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