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Déjantés du ciné
14 juin 2009

No country for old men de Joel et Ethan Coen

No_country_for_old_men Réalisé par Joel et Ethan Coen
Titre original : No country for old men
Année : 2007
Origine : Etats-Unis
Durée : 122 minutes
Avec : Tommy Lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin, Woody Harrelson, Kelly Macdonald, Garret Dillahunt, Tess Harper, Barry Corbin, Rodger Boyce,...

Fiche IMDB

Résumé : 1980. La frontière entre le Mexique et le Texas est un lieu propice au marché de la drogue. Un homme y découvre une scène macabre ; mais aussi un butin de plus de 2 millions de dollars. Il s'en empare. Les ennuis commencent alors...


Après le calamiteux Ladykillers (2004), remake poussif du célèbre Tueurs de dames (1955) de Alexander Mackendrick et sans doute le nadir de l’œuvre des frères Coen, ceux-ci reviennent en très grande forme avec ce formidable polar typique de leur style si particulier, tiré d’un roman de Cormac Mac Carthy.

Dès les majestueux premiers plans, qui montrent la magnificence des espaces américains, tandis qu’une voix off (le spectateur se rendra compte plus tard qu’il s’agit de celle d’Ed Tom, le shérif vieillissant interprété très justement par Tommy Lee Jones) empreinte de mélancolie constate l’injustice du monde, les frères Coen instaurent une atmosphère fataliste, qui oppose la grandeur de la Nature aux actions pathétiques des hommes.

Mélange détonnant de road movie et de film noir, No country for old men narre la cavale particulièrement absurde d’un cow boy sympathique (interprété de manière convaincante par Josh Brolin, acteur qu’on a revu récemment dans le jubilatoire Planète terreur de Robert Rodriguez) qui tombe par hasard sur une mallette remplie de billets de banque et qui décide de la garder pour lui. Trois personnages très différents (un tueur psychopathe indestructible, un autre tueur représentant le crétin texan et joué par Woody Harrelson, le shérif Ed Tom) vont alors se lancer à ses trousses, dans une course effrénée et grotesque qui multipliera les cadavres.

Les immenses paysages désertiques du Texas semblent engluer totalement ces quatre personnages, qui se débattent obstinément dans un monde trop grand pour eux. Les frères Coen multiplient à ce titre les plans où les personnages sont totalement perdus dans des espaces qui s’étirent à perte de vue et qui les dépassent. No country for old men se déroule sur la zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique, dans des lieux qui semblent loin de toute civilisation, laissant les personnages livrés à eux-mêmes. La course-poursuite traverse les contrées inhospitalières d’une Amérique profonde isolée, où les motels miteux se succèdent et se ressemblent.

Le film n’hésite pas à convoquer le récit biblique. En effet, la mallette pleine d’argent devient la cause d’une véritable apocalypse dans laquelle le personnage de tueur magistralement interprété par l’acteur espagnol Javier Bardem serait l’ange exterminateur. Entièrement vêtu de noir, complètement impassible, insensible à la douleur, déambulant la plupart du temps avec un fusil à pompe dans une main et une bouteille à air comprimé dans l’autre, ce tueur psychopathe est l’un des plus impressionnants personnages des frères Coen, voire du cinéma tout court, laissant derrière lui un incroyable amoncellement de cadavres. N’obéissant à aucun code si ce n’est le sien, se donnant le droit de vie et de mort sur les hommes en déterminant s’ils doivent vivre ou mourir à pile ou face, ce personnage indestructible et fantômatique possède une aura quasi-surnaturelle et pourrait personnaliser la mort-même, puisque tous ceux qui croisent son chemin sont inexorablement tués. Cette mallette déclenche l’apocalypse car elle représente tout simplement le pouvoir corrupteur de l’argent qui mène la société à sa perte. Les frères Coen restent d’ailleurs très évasifs sur la provenance de la mallette : le spectateur sait seulement qu’elle vient d’un trafic de stupéfiants et qu’elle implique de nombreuses personnes, de trafiquants mexicains à hommes d’affaire véreux. Ce qui intéresse les frères Coen n’est évidemment pas l’origine de la mallette mais les conséquences absurdes et funestes qu’elle provoque.

Ponctué d’un humour noir corrosif, No country for old men rappelle par son ambiance les géniaux Blood simple (1984) et Fargo (1996), des mêmes frères Coen. Mais ce film semble encore plus noir que les deux films précités, bien qu’il soit souvent très drôle. En effet, les frères Coen ne laissent aucune échappatoire à leurs personnages, qui soit meurent (même ceux qui ne sont pas directement impliqués) soit se retirent définitivement, à l’exception du tueur psychopathe interprété par Bardem.

Dans un monde où l’honneur n’a plus cours, où plus rien n’est sacré, l’argent, l’injustice et la violence continuent de perdurer, entraînant les hommes dans une spirale infernale qui les mène immanquablement à leur perte. Les nombreuses scènes de violence du film, ne lésinant pas sur le sang, sont d’une redoutable efficacité et dénoncent en filigrane le fait que la société actuelle s’est construite sur le sang d’autrui (on pense aussi au génocide indien, car les espaces montrés par les frères Coen rappellent forcément le western et donc le sang répandu des indiens). Les dernières paroles prononcées par le shérif Ed Tom dressent un constat mélancolique sur un monde de valeurs morales qui n’existe déjà plus.

No country for old men est incontestablement une des réussites majeures des frères Coen et redore le blason de leur cinéma (qui avait été mis à mal par Ladykillers). Superbement mis en scène et interprété, ce film parvient à trouver un équilibre miraculeux entre le film noir, la comédie noire, le road movie, le western et le thriller et débouche sur une vision particulièrement pessimiste du monde (comme le prouve la conclusion abrupte du film).

Après ce superbe métrage, les frères Coen sont revenus à la comédie noire en 2008 avec le sympathique Burn after reading, qui est bien loin d'atteindre le niveau d'excellence de No country for old men. J'espère qu'ils reviendront très vite à ce type de cinéma noir et désenchanté car c'est bien là où ils sont les meilleurs...

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