Le refuge de François Ozon
Réalisé par François Ozon
Année : 2010
Origine : France
Durée : 90 minutes
Avec : Isabelle Carré, Louis Ronan-Choisy, Melvil Poupaud, Marie Rivière, etc.
FICHE IMDB
Résumé : Une jeune femme qui est passé près de la mort et qui a perdu son ami victime d'une overdose, apprend qu'elle est enceinte. Elle décide de garder son bébé.
Après un Ricky relativement navrant et dans tous
les cas particulièrement peu clair dans ses intentions, François Ozon nous
revient avec un film plus en phase avec ses obsessions.
Le début du film nous montre un couple d'héroïnomanes, Louis et Mousse, joué respectivement par Melvil Poupaud et Isabelle Carré. Louis fait une overdose et décède, quant à Mousse elle passe proche de la mort mais elle survit. D'ailleurs, elle revient à deux puisque Louis l'a mis enceinte. Ce début du film nous permet de faire un parallèle évident entre Le temps qui reste et Le refuge. Dans ces deux films, il est question du décès d'un personnage, joué à chaque fois par Melvil Poupaud, mais ce dernier est aussi à l'origine de la vie, puisqu'il met enceinte le personnage joué par Valéria Bruni-Tedeschi dans Le temps qui reste et donc Isabelle Carré dans Le refuge.
Dans ce film, François Ozon traite plus que jamais
de la filiation. Mousse est orpheline de son compagnon mais celui-ci lui a
donné un enfant. Cet enfant va d'ailleurs permettre un lien entre Mousse et
Paul (Louis-Ronan Chosy), le frère de Louis. Celui-ci est déconsidéré par sa
famille car il est homosexuel. Mais on comprendra plus tard dans le film que
Paul est moins aimé que son frère décédé car il a été adopté. De façon assez
subtile et de manière implicite, françois Ozon explique au spectateur que Paul
n'a pas eu une enfance facile et qu'il n'a jamais été très proche de son frère.
C'est peut-être la raison pour laquelle il demeure attaché à Mousse, car cette
dernière porte l'enfant de son frère. Les nombreux plans sur le corps en évolution
d'Isabelle Carré du fait de sa grossesse montrent bien qu'elle prend conscience
de sa nouvelle situation et que les hommes, notamment Louis, s'intéressent à
elle.
Comme dans plusieurs autres de ses films, François
Ozon a décidé d'évoquer la question de l'homosexualité de manière frontale.
Cela n'apporte pourtant pas grand chose au récit puisque l'histoire entre Paul
et son ami rencontré dans le village du sud de la France où se situe l'action
du film, n'a finalement aucune incidence sur la suite du film.
En revanche, une thématique que l'on retrouve dans
plusieurs films d'Ozon, et notamment Le temps qui reste, est très bien en phase
avec son film et l'oeuvre de ce cinéaste. Le film nous livre plusieurs scènes
de plage. Au même titre que les scènes qui se déroulent en pleine nature dans le fameux refuge, la plage a un aspect
apaisant. La plage a quelque chose de sécurisant, de positif qui va
complètement à l'opposé du schéma architectural urbain du début du film. La
plage redonne du moral et de l'envie au personnage de Mousse. Elle lui permet
de mieux affronter sa grossesse. On constatera au passage un élément-clé du
film où l'actrice Marie Rivière intervient et explique à Mousse toute la beauté
d'une femme enceinte et le besoin fondamental de parler au bébé et de rester
dans une phase positive.
A cet égard, le refuge évoque sans conteste la
question de la maternité et de la difficulté de devenir femme. Ainsi, Isabelle
Carré joue à merveille cette femme qui quitte progressivement son statut
d'héroïnomane (elle prend de la méthadone pour ne pas être en manque) à celui
de mère. Pourtant, elle n'est pas forcément encore prête à évoluer du tout au
tout comme le prouve la fin du film où elle décide de laisser son enfant Louise
(façon évidente de se souvenir du père de l'enfant, Louis) à Paul. La boucle
est ainsi parfaitement bouclée. Paul, qui a été adopté, va à son tour s'occuper
d'un enfant qui n'est pas le sien à la base.
La mise en scène classique de François Ozon va
parfaitement avec le ton du film, qui évoque tour à tour la question du deuil
(le décès du personnage de Louis) et la difficulté de faire face à celui-ci
puis la question de la grossesse et donc en corollaire la question de mettre au
monde un enfant.
Côté musique, celle-ci reste globalement assez
discrète dans le film. On signalera tout de même le beau morceau chanté au
piano par Louis-Ronan Chosy « Au coeur de la nuit » qui évoque tant
le souvenir du personnage de Louis que le lien qui unit désormais le personnage
de Paul à celui de Mousse.
Au niveau de la distribution, si Isabelle Carré est toujours aussi impeccable, en revanche Louis-Ronan Chosy a par moments un peu de mal à exister. Il reste un peu trop en retrait à mon sens, ce qui est quelque peu dommage.
Au final, Le refuge est un film sur la mort et la
vie ; en somme tout ce qui fait notre existence. La filiation est au coeur de
ce film qui joue par petites touches et se révèle émouvant. Voilà un beau film,
positif sur la vie, qui n'est cependant pas dénué de certains défauts (l'interprétation
globale de Louis-Ronan Chosy qui reste un peu trop en retrait ; la scène de la
discothèque ou encore la rencontre entre le personnage de Mousse avec l'homme
marié qui est dénuée d'intérêt, n'ayant aucune suite).