Precious de Lee Daniels
Réalisé par Lee Daniels
Année : 2010
Origine : Etats-Unis
Durée : 109 minutes
Avec : Gabourey Sidibe, Mo’Nique, Paula Patton, Mariah
Carey, etc.
Résumé : L'histoire de Precious, une jeune femme illettrée issue des quartiers pauvres de Harlem, qui cumule les handicaps mais va décider de s'en sortir dans la vie.
Réalisé par Lee Daniels, Precious est une chronique
sociale qui se déroule dans le quartier chaud de New York, Harlem, en 1987.
Le film raconte l'histoire de Clarisse Precious
Jones, plus communément appelée Precious par ses proches. C'est une jeune femme
de 16 ans, illettrée, qui cumule les malchances. En effet, comment aborder la
vie dans de bonnes conditions quand vous êtes issu de condition modeste ? A
fortiori, comment s'en sortir avec une mère qui vous insulte toute la journée
et est affalée en permanence sur un canapé en train de regarder la télévision
et avec un père (atteint du sida, ce que l'on ne sait pas immédiatement dans le
film) qui vous a violé et vous a fait un enfant ? Ajoutez à cela que l'enfant
de Precious est trisomique, que Precious est enceinte une deuxième fois par son
père et qu'elle doit faire avec un sur-poids important.
L'environnement social n'est pas vraiment idéal
pour s'en sortir. Et l'on peut aisément comprendre que Precious ait décidé de
prime abord de baisser les bras et d'accepter son triste sort.
Pourtant, malgré toutes les injustices que décrit
le film, il montre aussi une jeune femme qui va progressivement de se battre et
de prendre son destin en main. Le déclic a lieu lorsque Precious intègre une
école alternative, ce qui va lui permettre à moyen terme de se remettre à
niveau en lecture et en écriture. Comme lui dit la directrice de son école
adaptée, mademoiselle Rains, le voyage le plus long commence par un simple pas.
Autrement dit, le plus dur est l'acceptation du changement et dans le cas
présent le moment où Precious apprend à lire et écrire.
L'une des qualités du film est incontestablement sa
capacité à décrire la volonté de son personnage principal à prendre sa vie en
main. Sur ce point, l'utilisation de la voix off, omniprésente dans le film,
est judicieuse. L'histoire est racontée par la voix de l'actrice jouant le rôle
de Precious. D'ailleurs, l'actrice est très bonne sur l'ensemble du film par
son jeu tout en finesse où elle interprète un personnage quasiment imperméable
et mutique, qui demeure solide sur le
plan mental, malgré tous les événements qu'elle est amenée à subir. Cette
solidité est certainement entretenue par les rêves éveillés que s'invente Precious
où elle se voit comme une star de la chanson. A l'inverse du ghetto et des
endroits sordides dans lesquels elle évolue, les rêves de Precious sont
clinquants et pleins de couleurs particulièrement voyantes. Si l'idée de cet
échappatoire à la réalité ne manque pas d'intérêt, en revanche les effets
clippesques qui sont associés à ces scènes sont clairement dispensables, quand
ils ne sont pas carrément agaçants.
Si les thèmes développés dans Precious sont loin
d'être plaisants à être vus (le sida, le viol, une cellule familiale éclatée,
un environnement social difficile, etc. ), le cinéaste reste malgré tout
quelque peu optimiste en nous montrant des gens qui choisissent d'aider coûte
que coûte Precious.
Precious est très réceptive à l'aide que lui fournit
mademoiselle Rains et ses nouveaux camarades de classe, qui sont eux aussi dans
une situation scolaire et personnelle pour le moins malaisée. Precious va
connaître enfin ce que constitue l'amour du prochain. Ne connaissant pas cette
attitude, elle se demande pourquoi des gens qu'elle connaît à peine sont tout
de suite plus gentils que son père et sa mère. L'une des phrases les plus
marquantes et les plus fortes sur le plan émotionnel est l'instant où Precious
déclare qu'il y a des gens, comme mademoiselle Rains, qui ont une lumière qui
brille autour d'eux pour les autres. Ce sont de telles personnes, qui font
preuve d'une bonté sincère, qui vont permettre à Precious de se libérer et
d'avouer des choses difficilement avouables en public, comme le fait que son
père a abusé d'elle à de nombreuses reprises et lui a fait deux enfants. On
notera dans le film le très beau parallèle entre la situation de Precious et le
film La Ciociara de Vittorio de Sica avec l'évocation de cette terrible scène
de viol qui s'est déroulée dans une église. C'est d'ailleurs la négation du
viol et des traumatismes qu'a vécus Precious qui explique pourquoi notre
principal personnage décide de se détacher de l'influence de sa mère et de
prendre en charge directement ses deux enfants.
Au-delà de cette décision courageuse, le film est
aussi intéressant par son hymne à la tolérance avec le rappel que les
homosexuels ne sont pas des gens anormaux mais simplement des personnes qui ont
fait des choix de vie différents par rapport à d'autres. Ils ne sont nullement
des êtres mauvais ou malades. Ce sont avant tout les actions de tout un chacun
au quotidien qui comptent et non les habitudes de vie ou la couleur de peau.
Dans cet ordre d'idée, la référence reste bien
Martin Luther King (que l'on voit quelques instants dans le film, à travers des
images d'archives) avec son célèbre « I have a dream », où il prônait
l'existence d'une nouvelle société.
Doté d'une bande son éclectique d'excellente facture (les Platters, Bobby Brown, Lenny Karvitz, Queen Latifah, etc.), le film de Lee Daniels est une oeuvre non dénuée de défauts (le parti pris de la mise en scène, quelques personnages proches de la caricature) mais qui pose globalement un regard juste sur notre société. Le film se révèle malgré tout plutôt optimiste par le souhait de son personnage principal de s'en sortir. Cette jeune femme, Precious, a accumulé les difficultés, mais est désormais prête à se battre pour réussir et élever ses deux enfants.