Mother de Joon-Ho Bong
Réalisé par Joon-Ho Bong
Année : 2010
Origine : Corée du Sud
Durée : 130 minutes
Avec : Won Bin (Do-Joon), Kim Hye-Ja (la mère), Jin Ku (l'ami de Do-Joon), Je
Mun (le lieutenant de police).
Résumé : Son fils, considéré le garçon gentil mais simplet du village, ayant été accusé d'un meurtre et incarcéré par la suite, sa mère part à la recherche du tueur.
Réalisé par Joon-Ho Bong à qui l'on doit les excellents films Barking
dog, Memories of murder ou plus récemment The host, Mother est
finalement un film à l'image de son cinéaste : atypique.
Au départ, on pense que l'on va assister à une sorte de thriller avec
cette mère de famille qui va partir à la quête du tueur du meurtre dont
est accusé son fils, Do-Joon. Au final, on assiste au portrait d'une
femme qui a un amour sans bornes pour fils. Autour de cette relation
particulière entre un fils au quotient intellectuel faible (de manière
schématique il est reconnu comme étant l'idiot du village ) et sa mère,
se noue une intrigue particulièrement retorse.
Joon-Ho Bong se plaît à égarer son spectateur, à le mettre sur de
fausses pistes. Bien malin sera celui qui pourra deviner dès la première
vision du film l'identité du tueur.
Mais l'intérêt du film est loin de se limiter à la connaissance du tueur
qui s'en est pris à une jeune étudiante. Mother vaut aussi et surtout
pour sa capacité à mélanger les genres, sans que cela nuise à la
cohérence de ce long métrage. Ainsi, le film mélange très adroitement
des genres qui a priori sont différents, tels que la comédie, le drame,
le burlesque. Les thématiques sont aussi très hétérogènes avec tout à la
fois une intrigue policière, une chronique sociale et un film familial.
Pour le coup, le cinéaste fait exploser les codes des différents
genres, ce qui lui donne l'occasion de livrer un film très personnel.
Le ton très particulier du long métrage qui passe rapidement du comique à
la tragédie ou inversement, permet de montrer au spectateur de façon
très frontale des actes horribles, qui sont complètement amoraux, même
s'ils suivent une logique certaine. Le film est émaillé de scènes d'une
grande violence, une violence sèche qui n'a d'égal que la passion de
certains personnages du film envers d'autres.
A cet égard, une des grandes forces du film est de réussir à placer le
spectateur dans une situation d'empathie envers cette fameuse mother qui
commet des actes très graves, qui au final s'avèrent nullement
justifiés. C'est d'ailleurs certainement l'une des ironies du film : son
principal personnage poursuit une quête qui est au départ assez juste
dans son intention mais qui se révèle totalement injuste dans sa
finalité.
Tous les acteurs sont très bons dans leurs rôles, et notamment Won Bin
et Kim Hye-Ja, qui jouent respectivement le rôle de Do-Joon et de sa
mère. Jouer aussi brillamment le garçon simple d'esprit, quasiment
débile, insouciant, n'est évidemment pas donné à tout le monde. Le rôle
de cette mère de famille exclusive, qui fait tout pour son fils, n'est
pas non plus évident. Sans nul doute, la réussite du film tient
d'ailleurs dans la relation particulière qui se tisse entre cette mère
de famille et son fils, qui ont toujours pris l'habitude de vivre
ensemble.
En cela, le film Mother rentre parfaitement dans la filmographie de
Joon-Ho Bong, qui s'était déjà intéressé de près à la cellule familiale
avec le film de monstre The host, qui démontrait déjà la capacité du
cinéaste à mélanger les genres sans pour autant handicaper son fils.
L'union des membres de la famille dans The host pour retrouver une des
leurs s'apparente finalement bien au combat de cette mère pour disculper
son fils.
Le peu de sérieux de la police sud-coréenne est également mis en avant,
comme cela avait déjà été le cas dans le très bon thriller Memories of
murder.
Si au niveau des thématiques, on se retrouve parfaitement en phase avec
l'oeuvre naissante de Joon-Ho Bong, il en va de même au niveau de la
mise en scène. Privilégiant les plans marquant une continuité certaine,
Mother est très bien filmé et offre un dynamisme à l'ensemble du film.
Les plans sont superbes et dénotent la grande qualité de metteur en
scène de Joon-Ho Bong. La qualité de la mise en scène sert l'intrigue
policière, qui prend par moments un style proche de celui de sir Alfred
Hitchcock.
Le film vaut également la peine d'être vu par sa très belle
photographie, qui donne un véritable sentiment de liberté, aussi bien au
spectateur qu'aux protagonistes, à l'image de cette mère de famille que
l'on voit errer dans les champs au début et à la fin du film. La boucle
est bouclée, ce long métrage qui nous aura baladé loin des codes
habituels du genre, peut se terminer.