La pivellina de Tizza Covi et Rainer Frimmel
Année : 2010
Origine : Italie
Durée : 100 minutes
Avec : Patrizia Gerardi (Patty), Asia Crippa (Asia), Walter Saabel (Walter), Tairo Caroli (Tairo), etc.
Résumé : Une artiste de cirque trouve une enfant de 2 ans abandonnée par sa mère.
Réalisé par Tizza Covi et Rainer Frimmel, La pivellina part d'un
postulat qui n'est pas sans rappeler L'enfant des frères Dardenne. En
effet, ici, une artiste de cirque, Patty trouve tout à côté de l'endroit
où elle vit une petite fille d'environ 2 ans et demi qui a été
abandonnée par sa mère.
A la différence du film des frères Dardenne, le questionnement ne va pas
être celui de l'abandon et de culpabilité des parents mais au contraire
celui de l'intégration de cette petite fille dans un nouveau cocon
familial.
Filmé dans le style d'un documentaire, La pivellina est clairement un
docu-fiction. Les deux réalisateurs ont cherché à coller au plus proche
de la réalité. Cette caméra qui filme la vie des gens, sans jamais
juger, rappelle immanquablement le néo-naturalisme italien. Cette idée
est d'ailleurs renforcée par la volonté des cinéastes de nous montrer
une réalité qui ne fait pas forcément plaisir à voir. Ainsi, Patty, la
femme aux cheveux rouges, vit dans la périphérie de Rome dans des
conditions pour le moins peu enthousiasmantes. On voit des endroits des
HLM vieillots mais il y a encore pire car Patty se trouve avec son mari
sur un terrain vague, qu'ils occupent avec d'autres artistes de cirque.
L'habitation est pour le moins précaire puisque cela se résume à un
camping. Pour accéder à la douche, il faut aller dans le camping du
jeune Tairo, garçon de 14 ans, dont le père travaille lui aussi dans un
cirque. Mais l'eau pose problème en elle-même : ainsi, ces artistes de
cirque récupèrent l'eau publique qu'ils peuvent trouver dans les
parages. Plus généralement, le matériel pour vivre dont disposent ces
artistes est avant tout de la récupération d'éléments endommagés. La
vétusté des lieux est criante.
La description sociale est saisissante de réalisme. Pour autant, les
réalisateurs n'ont jamais cherché à faire preuve de misérabilisme.
Bien au contraire. Malgré les conditions matérielles difficiles dans
lesquelles vivent ces artisites de cirque et malgré la dureté de la
thématique du film, à savoir l'abandon d'un enfant, La pivellina demeure
plus que jamais un film optimiste sur la vie.
Car la description de ce milieu si particulier que constituent ces
artistes de cirque, ces saltimbanques qui vivent au milieu des animaux,
donne lieu à des scènes d'une grande simplicité, révélateurs d'un grand
bonheur. Patty, Tairo et d'autres personnes qu'ils fréquentent
accueillent la jeune Asia comme l'une des leurs. La fillette, qui est
mignonne comme tout, illumine l'écran par sa spontanéité. On imagine
aisément que Tizza Covi et Rainer Frimmel ont dû passer beaucoup de
temps avant d'obtenir le résultat qu'ils souhaitaient à l'écran.
Toujours est-il que l'on appréciera au plus haut le fait de voir
l'intégration de cette petite fille au sein de sa nouvelle famille. Le
bonheur est dans le pré et cela n'est pas qu'une expression. Ici, des
jeux tous simples, comme réceptionner une balle, jouer dans quelques
centimètres d'eau, ou des gestes simples (le fait de sourire, le fait de
porter un enfant dans ses bras) donnent lieu à des moments de grand
bonheur. Ces gens, qui ont pourtant des moyens très limités, font tout
pour cette enfant : ils lui achètent des couches et de nouveaux
vêtements. Et puis il y a cette très belle scène finale, qui résume à
elle tout ce que l'on a vu jusque-là. La petite Asia a droit pour son
départ supposé (car sa mère naturelle était censée la récupérer) à une
jolie fête avec un gâteau comportant son prénom. Asia, entourée de
nombreux artistes du cirque obtient plusieurs cadeaux, lesquels
signifient clairement tout l'amour de ces gens envers elle.
Car au-delà
des notions d'argent, de difficulté à s'en sortir à la fin de chaque
mois, le film est avant tout caractérisé par une solidarité de tous les
instants entre ces saltimbanques. Cette solidarité, on l'aura vu
s'exprimer de bout en bout dans le film avec notamment l'un des amis de
Patty qui va amener Patty, Tairo et Asia à la mer ou encore ce moment où
les forains vont permettre à ces mêmes personnes d'accéder gratuitement
à des jeux. L'amour qui est rendu à cette fillette fait plaisir à voir
et cette dernière rend également l'amour qui est donné, à tel point
qu'elle en oublie sa maman naturelle, se sentant parfaitement intégrée
là où elle se trouve.
Si la fin du film est ouverte et permet à chacun de se faire son idée
sur la suite des événements, La pivellina est un long métrage qui
respire un humanisme vrai et sincère, qui ne devrait pas manquer de
toucher le spectateur en ces temps où l'individualisme semble primer sur
le collectif.