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Déjantés du ciné
17 octobre 2010

The housemaid d'Im Sang-Soo

thehousemaid1Titre du film : The housemaid

Réalisateur : Im Sang-Soo

Année : 2010

Origine : Corée du Sud

Durée : 107 minutes

Avec : Jeon Do-Yeon (Euny) ; Lee Jung-Jae (Hoo) ; Youn Yuh-Jung (Byung Shik) ; Seo Woo (Hera), Ahn Seo-Hyun (Nami), etc.

FICHE IMDB

Résumé : Une jeune femme est engagée dans une famille riche mais sa relation subie avec le père de famille va donner lieu à des actes pour le moins répréhensibles.

Très concerné par la condition féminine depuis qu'il est cinéaste  (Une femme coréenne en 2005 ; Le vieux jardin en 2007), le sud-coréen Im sang-Soo continue dans ce qui constitue sa thématique favorite, sauf que désormais ce sujet prend une ampleur encore plus importante.

Signifiant littéralement « la femme de chambre » ou « la bonne », The housemaid est le remake d'un film de 1960, qui a été remis au goût du jour de notre société actuelle.

Le synopsis de The housemaid est simple : une jeune femme, Euny, est engagée par une famille de riches, pour être la servante. Sauf que son contrat ne précisait évidemment pas qu'elle allait se retrouver à coucher avec le père de famille, et être enceinte de lui, ce qui va avoir pour effet de compléter désorganiser les plans de la famille.

Si Im Sang-Soo propose un film autour de la famille, ce n'est que pour mieux critiquer celle-ci. En effet, la famille de nobles qui occupe l'action du film est particulièrement peu sympathique : les gens qui la constituent sont hautains et n'ont pas vraiment d'humanité. Ils pensent que dans notre société tout peut se régler avec l'argent.

A fortiori, ces gens riches ne cherchent qu'une chose : le pouvoir. Et ils l'inculquent même à leur petite fille, Nami. De manière incroyable, cette dernière déclare à Euny que si elle est polie avec tout le monde, c'est que son père lui a demandé d'agir ainsi, car cela prouverait que l'on est supérieur aux autres.

Tout le film est centré sur ce besoin de pouvoir, qui se retrouve à tous les niveaux et se matérialise dans les rapports humains. Au premier niveau, on a droit à des rapports de force entre le maître et son serviteur, ce qui rappelle un peu l'excellent The servant de Joseph Losey. Au deuxième niveau, il y a tout simplement le rapport entre l'homme et la femme. Là, c'est tout bonnement la thématique favorite du réalisateur sud-coréen. Il n'hésite pas à montrer une société inégalitaire où l'homme est tout puissant et où la femme semble bien souvent cantonnée à un rôle second, en lien direct avec les volontés de son époux (faire des enfants, éduquer ces mêmes enfants). Ce n'est absolument pas un hasard si Im Sang-Soo cite dans son film Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir, œuvre fondamentale du mouvement féministe, écrit en 1949. Les points évoqués dans ce livre sont toujours d'actualité, plus de soixante ans après sa parution.

Le film indique de manière explicite qu'il y a un troisième niveau de pouvoir, celui entre femmes. Là encore, on peut faire des subdivisions car il y a les rapports entre les femmes de milieux riches et celles de milieux plus modestes. Mais il y a aussi des rapports de force entre des femmes de même milieu. Les femmes sont véritablement terribles entre elles, comme le prouvent les agissements contre Euny quand les femmes de la famille riche apprennent qu'elle est enceinte et donc en capacité de mettre au monde un bâtard si l'on suit leur logique. La grand-mère tente ainsi de tuer Euny et par la suite de la droguer afin de provoquer une fausse couche.

Le mari laisse les femmes régler leurs affaires entre elles alors qu'il est responsable à 100 % et qu'il n'a pas hésité à prendre Euny, cette femme simple et gentille (qui accepte finalement tout ce qu'on lui demande), pour son esclave sexuel, l'obligeant à subir des actes dégradants. L'homme se lave les mains de la cruauté des femmes entre elles et a en outre le toupet de se plaindre à sa belle-mère qu'on ait tué son fils illégitime.

A tous les niveaux de cette société contemporaine, il y a toujours la volonté de  prendre l'ascendant sur l'autre. La mise en scène, très soignée, illustre parfaitement cette idée du rapport de force avec de nombreux mouvements à la grue.   

Mais comme dans The servant de Joseph Losey tout ne se passe pas forcément comme on l'entend. La révolte des classes populaires peut avoir lieu, même si dans le cas d'espèce il s'agit plus d'un sursaut d'orgueil, d'un cri du cœur que d'une véritable révolte. Euny est une femme fatiguée qui n'en peut plus de vivre dans cette société cruelle où les sentiments n'ont pas cours et où seuls l'argent et le pouvoir sont recherchés.

Cela nous amène à faire un parallèle avec le début du film où la mise en scène était très rapide et rappelait le déséquilibre mental de cette femme qui avait décidé de se suicider. Tout le monde s'en moquait et n'a fait quasiment comme si de rien n'était : on est dans une société déshumanisée. Cette scène évoque avec de l'avance l'acte qui va être commis vers la fin du film par l’héroïne. Elle n'en peut plus de cette société qui l'a littéralement broyée.

De manière très subtile, le film vire progressivement d'un érotisme ambiant (quoique tout cela apparaît généralement comme une relation bestiale, avec un homme qui se considère comme dominateur) vers un drame particulièrement noir (voire cynique comme le prouve la fin). La petite fille, Nami, représente certainement le point de vue du réalisateur, refusant cette société qui est somme toute sordide et pathétique.

En plus d'une mise en scène particulièrement réussie, de thématiques très fortes, on notera l'excellence de la distribution tant de la part de l'actrice interprétant Euny que de ceux jouant le rôle de ces bourgeois qui sont très beaux mais ont un cœur de pierre.

Voilà sans conteste un film essentiel de l'année 2010 qui prouve une nouvelle fois tout le talent d'Im Sang-Soo, qui est vraiment un réalisateur contemporain à suive.


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