Titre du film : Le bruit des glaçons
Réalisateur : Bertrand Blier
Année : 2010
Origine : France
Durée : 87 minutes
Avec : Jean Dupardin (Charles), Albert Dupontel (le
cancer de Charles), Anne Alvaro (Louisa), Myriam Boyer (le cancer de
Louisa), etc.
FICHE IMDB
Résumé : Un écrivain à la dérive, fortement porté sur la consommation d'alcool, voit son cancer lui rendre visite...
Auteur de plusieurs films de très bonne facture (Préparez vos mouchoirs,
Buffet froid, Beau-père, Notre histoire, Trop belle pour toi) ,
Bertrand Blier est depuis un petit moment rentré dans le rang avec des
films pas vraiment marquants (Les côtelettes, Combien tu m'aimes ?).
Le bruit des glaçons, son nouveau film, est-il dans ces conditions un bon
cru ? Assurément oui. Dans un genre qu'il affectionne, à savoir le film
noir, Bertrand Blier nous revient en très grande forme. Les raisons de
satisfaction sont multiples.
D'abord, et surtout, c'est le ton abordé dans le film qui étonne mais
surprend agréablement. Pourtant, au départ c'était loin d'être gagné. En
effet, Bertrand Blier prend le pari risqué d'évoquer de manière décalé
la survenance d'un cancer chez un être humain. De façon quasi
surréaliste, le cinéaste français décide de concrétiser la rencontre
entre un écrivain qui a obtenu le Goncourt mais est actuellement à la
dérive avec son cancer. Jean Dujardin prend les traits de Charles, cet
écrivain alcoolique qui a vu sa femme le quitter. Quant à Albert
Dupontel il est le cancer de Charles. A la manière de son film Buffet
froid, Bertrand Blier nous concocte ici de savoureux dialogues entre
Charles et son cancer. Bien évidemment, rares sont les humains qui
peuvent voir le fameux cancer.
Le cancer s'invite très tranquillement chez Charles, il se fait payer à
manger et à boire, il couche avec lui et il lui fait continuellement la
discussion. Bref, il ne le lâche pas, à l'instar de cette terrible
maladie dont souffrent de nombreuses personnes. Les dialogues entre
Charles et son cancer sont tout bonnement hilarants, même si parfois les
dialogues ne volent pas toujours haut, avec parfois des considérations
autour du sexe ou encore autour de l'alcool. Mais évidemment tout ceci est fait pour favoriser le ton résolument décalé de ce long métrage. C'est également le cas lorsque les acteurs semblent s'adresser au spectateur.
Le film n'en reste pas moins sérieux dans son fond en montrant un homme
complètement à la dérive qui n'est plus capable d'écrire et qui vu sa
famille le quitter. Il ne conserve dans sa superbe propriété que son
amante, une jeune femme russe, et sa servante. Bref, c'est un être seul,
à l'image de notre société contemporaine où l'on est entré dans une ère
où les gens sont de plus en plus isolés. Dans ce lieu, Charles n'a
qu'un seul objectif : boire, boire et encore boire. C'est la raison pour
laquelle il ne quitte jamais son seau à glace qui est toujours auprès
de lui avec une bouteille à l'intérieur et des glaçons. D'ailleurs, cela
explique aisément le titre du film.
Au-delà d'une verve cynique évidente, Bertrand Blier dresse tout de même
le portrait d'un homme en train de mourir à petit feu, incapable de se
séparer de sa bouteille, même lorsqu'il sait que sa fin est proche,
puisque son cancer est présent.
Le film vaut également par sa capacité à montrer que le cancer est une
maladie injuste qui touche tout le monde, aussi bien riches que pauvres
que personnes en bonne santé ou malades. Ainsi, la servante de Charles,
la très sérieuse Louisa (Anne Alvaro) est aussi atteinte d'un cancer.
L'intrigue est d'ailleurs renouvelée par cette nouvelle et par l'arrivée
du cancer de Louisa (Myriam Boyer).
Le film pose aussi le postulat du rapport maître-serviteur qui tend à
s'estomper avec cette maladie qui touche tout le monde. C'est ainsi que
le film sous-tend clairement une relation entre Charles et Louisa qui va
forcément finir par arriver.
On appréciera au passage que le cinéaste conserve malgré toute la
pesanteur de la thématique un certain optimisme en signalant à sa façon
que le cancer peut être combattu et même battu si l'amour entre deux
personnes est fort. A cet égard, on appréciera particulièrement le
retournement de l'intrigue qui voit Charles et Louisa feinter le cancer.
Cette idée peut d'une certaine façon faire écho au septième sceau de
Bergman avec cette partie d'échecs entre l'Homme et la Mort.
La réussite certaine du film ne serait rien sans l'excellente
interprétation de son quatuor d'acteurs principaux, avec Jean Dujardin,
Albert Dupontel, Anne Alvaro et Myriam Boyer. Sans nul doute, c'est
notamment le meilleur film d'un Jean Dupardin formidable en véritable
épave humaine et un film épatant pour un Albert Dupontel lui aussi
parfait dans le rôle du cancer, qui se révèle d'un incroyable cynisme.
Le film est rehaussé par une excellente BO où l'on a droit à quelques
morceaux bien vus, qui évoquent l'amour entre Charles et Louisa. Le
morceau A thousant kisses deep de Léonard Cohen apporte une véritable
émotion, ce que procure également la version de Ne me quitte pas de Nina
Simone lors du générique de fin.
En somme, voilà un film très original par la façon de traiter son sujet qui cumule les qualités et mérite amplement d'être vu.