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Déjantés du ciné
7 novembre 2010

Vénus noire d'Abdellatif Kechiche

venusnoireTitre : Vénus noire
Réalisateur : Abdellatif Kechiche
Année : 2010
Origine : France
Durée : 164 minutes

Avec : Yahima Torres (Saartjie Baartman), André Jacobs (Hendrick Caezar), Olivier Gourmet (Réaux), Elina Löwensohn (Jeanne), François Marthouret (Georges Cuvier), etc. 

 

FICHE IMDB

Résumé : Le destin tragique de Saartjie Bartman, surnommée la Vénus noire, une sud-africaine  hottentote qui a réellement existé.

Réalisé par Abdellatif Kechiche (auteur de l'excellent film L'esquive, variation subtile du marivaudage en banlieue ; et de La graine et le mulet, film bien ancré dans un univers à la Pialat), Vénus noire revient sur un épisode tristement célèbre de l'histoire avec la vie ô combien difficile de Saartjie Baartman, une africaine hottentote qui n'aurait cessé d'être asservie durant toute sa vie.

La première grande réussite d'Abdellatif Kechiche est d'avoir respecté dans ses grandes lignes tout ce qui est connu de cette femme, ce qui rend d'autant plus terrible le déroulement de cette histoire.

Dès le départ, avec cette femme qui est exposée tel un animal de foire, on pense au sublime Elephant man de David Lynch. D'autant que comme Elephant man, Saartjie va être étudiée par des spécialistes de son époque. Le parallèle s'arrête là. Car même si Elephant man est un film terrible dans ce qu'il décrit, il n'en reste pas moins un film humaniste. Ce n'est pas le cas du film Vénus noire.

A aucun moment, le film d'Abdellatif Kechiche évoque une bonté ou à tout le moins une condescendance de certains hommes à l'égard de Sartjie. Bien au contraire. Sa situation n'aura de cesse d'évoluer, et pas vraiment dans le bon sens. Au début du film, on voit que la statue de celle qui a été surnommée la Vénus noire ainsi que ses attributs qui ont été disséqués, est montré par l'anatomiste Georges Curvier, comme si elle était un animal. D'ailleurs, cette femme hottentote qui se caractérise par un fessier très imposant ainsi que des lèvres vaginales très allongées, est comparée à un singe. Elle serait un être unique prouvant que l'on peut trouver des êtres proches du singe. 

Cette scène est terrifiante, elle est même abjecte. Mais le reste du film, particulièrement brillant, va permettre de raconter l'histoire cruelle de cette femme, qui n'aura de cesse d'être jetée en pâture de tous les curieux ou de tous les gens malsains. Et Abdellatif Kechiche, qui déjà fait preuve d'un certain talent narratif, joue beaucoup sur l'aspect d'une part répétitif et d'autre part cumulatif. En effet, pendant un bon moment, on voit à plusieurs reprises notre Vénus noire qui doit participer à un spectacle où elle commence dans une cage pour faire croire qu'elle est une sauvage. Lors de ce spectacle, elle doit accepter que les spectateurs lui touchent ses fesses proéminentes.

Les choses ne vont cesser d'aller de mal en pis. Ainsi, lors le spectacle arrive en France en 1815, l'humiliation devient encore plus grande puisqu'elle donne cette fois l'impression d'être un animal puisque les gens la chevauchent s'ils le souhaitent. Le fait est que l'on soit dans des endroits malfamés de Londres ou dans des endroits chics de Paris, la réaction est toujours la même et les gens sont friands de voir cette Vénus noire.

Les choses ne cessent de se dégrader et la Vénus noire terminera dans la prostitution et lorsqu'elle décèdera ses restes seront récupérés par la science, faisant dans ce dernier cas écho au début du film.

Si le film est bien réussi malgré sa longueur (2h40), c'est non seulement en raison de cette sorte de biopic très documenté et très « cash » (les organes de Saartjie qui sont récupérés à la fin du film ont un aspect vraiment clinique qui rend le spectateur proche de l’écœurement), mais également en raison d'autres facteurs. Comptons parmi ceux-ci la distribution de haut niveau dans ce film avec une Yahima Torres époustouflante dans le rôle très physique de la Vénus noire mais aussi de ses patrons, particulièrement salauds et avides d'argent qui sont joués avec brio par les acteurs André Jacobs et un bien sadique Olivier Gourmet.

On signalera aussi que le film est superbement filmé, avec notamment de très beaux gros plans, qui insistent sur la détresse de cette femme qui subit les événements et laisse clairement comprendre qu'elle ne supporte pas que sa dignité de femme soit bafouée. En vain. On appréciera d'ailleurs ces plans serrés qui mettent également en lumière le côté inhumain des spectateurs, qui sont soit indifférents aux sévices qu'on fait subir à la Vénus noire soit se montrent odieux par leurs faits et gestes ou leurs paroles. Par là même, Abdellatif Kechiche pose une vraie réflexion sur la nature humaine.

On notera en outre que la photographie du film est superbe, on a vraiment par instants l'impression d'assister à de véritables tableaux animés, lors des représentations de la Vénus noire.

Film très ambitieux d'Abdellatif Kechiche qui a tenté par là même d'attirer le spectateur  sur des agissements inhumains et de rendre justice à cette femme dont l'honneur a été sali toute sa vie, Vénus noire est une vraie réussite. C'est un film choc qui laisse pantois et ne peut que toucher le spectateur dans son for intérieur. C'est un beau film mais d'une grande intensité et réservé a priori à un public averti. On appréciera les images de fin du film, tirées d'archives historiques, qui évoquent le retour de la Vénus noire, longtemps après sa mort, dans sa patrie d'origine, à savoir l'Afrique du Sud.
Au vu de la qualité de ce film, on attend avec impatience le prochain film d'Abdellatif Kechiche. 

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Commentaires
L
Voici un avis différent :<br /> Vénus noire peut en effet être comparé à Elephant man de Lynch, mais la différence repose sur la vision qu'à Khechiche de son héroïne.<br /> Le cinéaste franco-tunisien ne cherche pas la sympathie des spectateurs, ni ne cherche à émouvoir.<br /> Il se contente de montrer l'exposition révoltante d'un être humain aux yeux voyeurs du monde, que cela soit le peuple, les scientifiques ou les comerçants. Khechiche place le spectateur lui-même en tant quer voyeur et le met en quelque sorte face à lui-même.<br /> La Vénus noire n'est pas passive : si son comportement peut le laisser paraître, son mutisme est un cri de révolte contre sa condition.<br /> Par ailleurs, la durée du film et des scènes, répétititives et éprouvantes,permettent au réalisateur d'épuiser les spectateurs, de les remuer, de leur faire comprendre l'horreur de la situation de l'héroïne, qui garde malgré tout sa dignité, du moins de son vivant.<br /> Je ne vois pas le rapport entre Vénus noire et le très beau Casuaties of war / Outrages de De Palma : le sujet est tout autre, à l'exception du voyeurisme, thème majeur du cinéma de De Palma.<br /> Khechiche se rapprocherait à la limite plus du génial Freaks de Tod Browning, concernant le regard porté sur les personnages.<br /> Vénus noire peut effectivement être vu comme un film naturaliste. Ce traitement ne fait que renforcer l'horreur de la condition de Saartje. Khechiche, par la radicalité et la rigueur de sa mise en scène, gomme tout sentiment naïf de pitié : il interroge avant tout sur le regard. Par ailleurs, il démontre que tout ce qu'on ne comprend pas scientifiquement fait peur et qu'on veut toujours, quels que soient les moyens, percer un mystère, sans jamais remettre en cause notre "savoir".<br /> Certes, Vénus noire n'est pas aimable. Certes, le film ne cherche pas l'émotion, sentiment trop facile. Non, Vénus noire est un cri de révolte et interroge notre regard.
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D
Détesté ce film. Elephant man est beaucoup mieux filmé, écrit et bouleversant. je crois que je n'ai jamais vu autant de GP et de TGP dans un film. On est aux antipodes d'un Brian de palma qui réserve son unique TGP dans Casualties of war a ce moment après avoir assisté au viol d'une jeune vietnamienne. Le film, naturaliste a volonté, avec un personnage passif à souhait. J'ai senti passé les 2h35 de la vision.
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