Titre du film : Crime d'amour
Réalisateur : Alain Corneau
Année : 2010
Origine : France
Durée : 104 minutes
Avec : Ludivine Sagnier (Isabelle), Kristin Scott Thomas (Christine), Patrick
Mille (Philippe), Guillaume Marquet (Daniel), Olivier Rabourdin (le
juge), etc.
FICHE IMDB
Résumé : Dans une multinationale, une femme est victime de brimades par son supérieur, jusqu'à ce que l'irréparable ait lieu.
Auteur du chef d’œuvre Série noire (1979) et de plusieurs autres bons
films (Le choix des armes, Le cousin), Alain Corneau était depuis un petit
moment rentré dans le rang avec des films pas vraiment marquants.
Crime d'amour, son dernier film, est-il dans ces conditions un bon cru ?
Assurément oui. Dans un genre qu'il affectionne, à savoir le film noir,
Alain Corneau nous revient en très grande forme. Les raisons de
satisfaction sont multiples.
D'abord, le film vaut le coup pour son scénario. En effet, Alain Corneau
nous propose un film où le suspense est constant et où l'on comprend
progressivement la machination qui se trame. Car le film bénéficie d'une
vraie originalité jamais vue jusqu'à présent, d'où la deuxième qualité
de Crime d'amour.
Dans ce film noir qui prend des allures de film à enquête, Alain Corneau
a l'excellente idée (que je n'avais pas encore vu dans d'autres films,
mais ça existe peut-être) de prendre les codes de ce genre de film mais
d'inverser le point de vue auquel on a droit habituellement.
Concrètement, ici on a une jeune femme, Isabelle, incarnée par Ludivine
Sagnier qui va commettre un homicide. Elle va tout faire pour que les
preuves la rendent de manière évidente coupable de ce meurtre mais dans
le même temps elle aura préparé dans sa tête d'autres preuves qui vont
prouver son innocence par la suite. Le but du jeu étant dans les faits
d'enlever tous les soupçons et de déplacer l'enquête sur quelqu'un
d'autre. Les preuves sont amenées les unes après les autres. Et là où
Alain Corneau est fort, c'est que les détails qui nous sont présentés ne
sont pas spécifiquement tirés par les cheveux. Les preuves qui
accablent Isabelle sont crédibles tout autant que celles qui la
disculpent. Les flashbacks auxquels on a droit dans la dernière partie
du film et qui montrent les agissements d'Isabelle sont plutôt bien
faits. D'ailleurs, le succès de l'ensemble du film doit bien évidemment
aux interprétations de ses acteurs.
Pas toujours géniale, Ludivine Sagnier est parfaite dans le rôle de
cette femme de talent dans la société où elle travaille, qui est
progressivement victime de brimades de sa supérieure hiérarchique, et
qui décide de se venger froidement, méthodiquement. De son côté, Kristin
Scott Thomas est excellente dans le rôle de la chef d'entreprise
ambitieuse, qui aime dominer ses troupes. Ce qui nous amène à une des
dernières grandes qualités du film : sa dénonciation des dérives du
monde de l'entreprise.
Il faut bien reconnaître qu'Alain Corneau n'y va pas de main morte quand
il s'agit de critiquer le monde du travail. Si son personnage
principale, incarné par Ludivine Sagnier paraît au départ quelque peu
gentille et même un brin naïve, cette situation ne va pas durer
indéfiniment.
De fait, tous les autres personnages du film sont de véritable requins
prêts à tout pour réussir. De manière évidente, le personnage de
Christine joué par Kristin Scott Thomas est le plus détestable. En
effet, Christine est ambitieuse et n'accepte pas que quelqu'un se dresse
sur son chemin. Dès lors, elle n'hésite pas à faire subir des brimades
et des pressions mentales aux personnes qui l'entourent. En somme, elle
harcèle certaines personnes. Mais ce personnage n'est pas le seul à être
peu appréciable. Patrick Mille (le célèbre Chico pour les pubs de SFR)
ne s'embarrasse guère de considérations morales : il n'hésite pas à
truquer des comptes et dans sa vie privée il n'y a pas de place pour les
sentiments. Et puis Guillaume Marquet, qui joue le rôle du fidèle
second d'Isabelle, cherche lui aussi à gravir les échelons de la
société. Dès lors, on comprend aisément qu'il n'y a pas de place à
l'amour dans tout ça, ce que notre héroïne va apprendre à marche forcée.
Le cinéaste Alain Corneau prend finalement le pouls de notre société
actuelle écrasée par les thèses capitalistes où le succès individuel est
recherché, quitte à écraser des collègues de bureau.
En synthèse, Crime d'amour est un film on ne peut plus recommandable. La
résolution de son histoire, qui est tout de même un brin cynique et
désabusée, vaut le coup. Avant cela, on aura pu suivre une histoire très
intéressante, tant par les thématiques développées que par son jeu des
acteurs.
Si c'est avec tristesse que l'on a appris le décès d'Alain Corneau quasiment au même moment que la sortie de Crime d'amour (le film est sorti dans les salles de cinéma le 18 août 2010 et le réalisateur français est décédé le 29 août 2010) , on relèvera que le dernier film qu'il a laissé à la postérité est de qualité.