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Déjantés du ciné
15 février 2011

Black swan de Darren Aronofsky

blackswanTitre du film : Black swan
Réalisateur : Darren Aronofsky
Année : 2011
Origine : Etats-Unis
Durée : 103 minutes

Avec : Natalie Portman (Nina), Mila Kunis (Lily), Vincent Cassel (Thomas Leroy), Winona Ryder (Beth), Barbara Hershey (Erica), etc.

FICHE IMDB

Résumé : Alors qu'elle obtient le rôle principal dans le nouveau ballet du lac des cygnes, une jeune femme perd progressivement pied avec la réalité.

Auteur entre autres des excellents Requiem for a dream (2001) et de The wrestler (2009),           l'excellent cinéaste américain Darren Aronofsky revient avec un nouveau projet, Black swan.

Dans ce film, le réalisateur s'intéresse au milieu de la danse classique.  Ce milieu donne lieu rarement à des adaptations cinématographiques. Signalons tout de même l'existence de l'excellent long métrage Les chaussons rouges de Michael Powell et Emeric Pressburger (1948).

Pour sa part, Darren Aronofsky a décidé d'axer son film autour d'une nouvelle adaptation du Lac des cygnes. Composé en 1877 par Piotr Ilitch Tchaïkovsky, le lac des cygnes est un ballet en 4 actes où un prince, Siegfried, tombe amoureux d'une jeune femme, Odette, qui a été transformée en cygne (le cygne blanc) par le magicien Rothbart. Pour être délivré de ce sortilège, elle doit recevoir un amour éternel. Ce que fait Siegfried. Mais quand arrive l'heure de demander la belle en mariage, il est trompé par Odile (le cygne noir), qui a pris l'apparence d'Odette. Cette dernière meurt alors de chagrin. Voilà schématiquement l'histoire que va très bien respecter Darren Aronofsky au niveau de son choix scénario.

Dans le ballet du lac des cygnes, c'est généralement une même ballerine joue le rôle d'Odette (jeune femme virginale, c'est le cygne blanc) et d'Odile (qui trompe le prince par sa ressemblance avec Odette, c'est le cygne noir). Chez Aronofsky, c'est la jeune Nina (Natalie Portman) qui obtient le rôle de la reine des cygnes qui va lui permettre d'incarner tout à la fois le cygne blanc et le cygne noir.

Nina est présentée au départ comme une jeune femme frêle, timide, quasi frigide,  à tel point  qu'elle refuse même les avances du chorégraphe Thomas Leroy (Vincent Cassel) qui monte le ballet de cette nouvelle adaptation du lac des cygnes. Elle est donc parfaite dans le rôle du cygne blanc.

Sauf qu'elle doit aussi jouer le rôle du cygne noir. Et c'est son problème. Nina n'est pas préparée à jouer un personnage négatif. C'est un peu contre son gré qu'elle se met à pratiquer des choses qui lui étaient jusque-là étrangères : la découverte de son corps avec des attouchements personnels ; une nuit entière à boire et à danser dans un bar ; et surtout la séparation avec une mère possessive qui était jusque-là son seul lien social.

Ce côté schizophrénique qui consiste à jouer deux rôles parfaitement opposés – le cygne blanc et le cygne noir – va accroître la fragilité psychologique de Nina et lui faire perdre progressivement pied avec la réalité.

Mais comment pourrait-il en être autrement ? D'une part, à la base, Nina est méfiante face aux autres filles qui s'entraînent comme elle au sein du prestigieux New York city ballet. Nina pense que la jeune Lily, qui est beaucoup plus dévergondée qu'elle, essaye de lui prendre sa place. Ce sentiment est renforcé par le fait que Lily est sa doublure pour le rôle de la reine des cygnes. D'autre part, Nina a été éduquée par une mère qui souhaite la faire réussir là où elle a échoué. Nina est le prolongement de sa mère. Elle ne vit pas uniquement son rêve mais doit supporter aussi celui de sa mère. Cela accroît donc un peu plus son dédoublement de personnalité.

L'issue à tout cela ne peut être que fatale pour Nina. Rappelons que le dédoublement de personnalité la conduit à interpréter ce cygne blanc et ce cygne noir. Au fur et à mesure que le film avance, le côté sombre prend de plus en plus d'importance, allant jusqu'à étouffer le cygne blanc.

Les scènes de la fin du film sont particulièrement évocatrices. En brisant le miroir et en croyant tuer quelqu'un, elle devient le black swan. Mais surtout elle se blesse tout seul, donc elle blesse le cygne blanc. En devenant le cygne noir (le passage en cygne noir donne même lieu à l'arrivée de plumes noires qui sortent de Nina), elle détruit d'une certaine façon le cygne blanc. Tout ceci est très métaphorique mais la blessure du cygne blanc (qui correspond à un chagrin dans la pièce) est bien causée par le cygne noir. Et c'est donc très logiquement qu'en redevenant le cygne blanc, Nina est blessée mortellement. Le plan de fin est superbe plan  avec un fondu au blanc qui achève ce long métrage : ce n'est pas seulement la mort du cygne blanc, c'est aussi la représentation de la mort de Nina dont l'âme est en train de monter au paradis.

Si le film est admirable sur le plan scénaristique, il l'est également sur le plan de la mise en scène. Tout est parfaitement filmé. C'est beau et c'est fluide. Aronofsky pourrait filmer de d'autres ballets. Le film est très lyrique et cela accentue son côté dramatique. Il faut dire aussi que le cinéaste américain a bénéficie de l'aide du chorégraphe français Benjamin Millepied qui avait auparavant entre autres  intégré le New York City Ballet en tant que danseur professionnel où se déroule l'action du film.

Et puis que serait un film qui évoque un ballet sans sa musique ? Évidemment, on a droit à la musique de Tchaïkovsky, qui est en outre sublimée par les morceaux originaux que propose Clint Mansell, le compositeur fétiche de Darren Aronofsky. Le son de Clint Mansell ajoute un côté entêtant et inquiétant à Black swan. Au niveau musical, on retiendra notamment le fait qu'Aronofsky ait eu la bonne idée de faire entendre à Nina  la musique du lac des cygnes jusque dans sa loge, prouvant en cela qu'elle est complètement obsédée, voire absorbée par son rôle.

L'interprétation du personnage de Nina est au demeurant impeccablement interprété tant dans les scènes de danse que dans les autres scènes par Natalie Portman. Lors de ses nombreuses répétitions, le film montre bien qu'il faut consentir beaucoup d'efforts pour arriver au but tant espéré. Il faut faire preuve d'une discipline de fer. Une répétition des gestes qui confine  à l'obsession. De ce point de vue, on assiste à une sacrée performance de Natalie Portman dans un rôle très physique. L'actrice qui s'est d'ailleurs entraînée dix mois pour préparer son rôle est très crédible. Elle est aussi très bien pour évoquer les divagations de son personnage qui a du plus en plus de mal à faire la part des choses entre ce qui est vrai et qui est faux. Parmi les acteurs du film, on notera aussi la présence de Vincent Cassel dans le rôle du chorégraphe français qui attend de Nina qu'elle donne le meilleur d'elle-même. Si le chorégraphe du film est un dragueur pas-tenté qui aime jouer avec ses stars (« ma petite princesse »), Darren Aronofosky évite le cliché de la relation d'amour entre la ballerine et le chorégraphe.

En revanche, consciemment ou inconsciemment, Darren Aronofsky a établi avec Black swan de nombreux ponts avec ses autres films.

Le plus évident d'entre eux est celui de la paranoïa. On pense ainsi immédiatement au film Pi , la première œuvre d'Aronofsky, où un génial mathématicien qui est le principal protagoniste du film est victime de terribles migraines et a l'impression d'être suivi en permanence. Le parallèle ne s'arrête pas là. Pi est un film en noir et blanc. Or, dans Black swan le lac des cygnes voit la distinction entre deux cygnes antinomiques : le cygne blanc et le cygne noir.

L'obsession est une autre thématique centrale chez Aronofsky. Nina est obsédée par l'idée d'être parfaite son rôle, comme pouvait l'être le mathématicien dans Pi qui cherchait à percer des suites mathématiques logiques qui expliqueraient le cours du monde. Dans Requiem for a dream, l'obsession tient à l'addiction à la drogue ou à la télévision.

Et puis l'issue finale des films est loin d'être joyeuse pour ses protagonistes. Si Nina réussit à être la reine des cygnes, sa gloire est éphémère et se clôt comme dans The wrestler par une chute mortelle. D'ailleurs, comme dans The wrestler, Aronofsky filme au corps (ce corps qui est maltraité dans plusieurs films d'Aronofsky avec ici une Nina qui se gratte la peau et qui croit s'arracher une plume noire qui aurait poussé dans son dos) avec une caméra à l'épaule qui épouse les mouvements de ses personnages. C'est avec une mise en scène aussi bien adaptée à son sujet que l'on croit d'autant plus que Nina finit par se confondre avec son rôle.

Brillamment scénarisé, mis en scène et interprété, Black swan est un film extrêmement noir, comme son titre l'indique. C'est un film qui par son intensité dramatique risque de secouer plus d'un spectateur. Tout le mérite en revient donc à Aronofsky qui réalise là un de ses films les plus aboutis, avec The wrestler. On attend donc avec impatience son prochain film.


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