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Déjantés du ciné
22 mars 2011

Le temps des grâces de Dominique Marchais

letempsdesgracesTitre du film : Le temps des grâces
Réalisateur : Dominique Marchais
Année : 2010
Origine : France
Durée : 123 minutes

FICHE IMDB

Résumé : Une enquête sur l'évolution du monde agricole et sur l'avenir de notre planète.

Premier long métrage de Dominique Marchais, Le temps des grâces rejoint la liste actuelle des films documentaires engagés en faveur de la planète, à l'instar du célèbre Home de Yann Arthus-Bertrand.
La différence est cependant de taille entre Le temps des grâces et Home. En effet, Dominique a pris le parti de ne donner aux images qui vont émailler son long métrage qu'un rôle illustratif. Le principal réside dans la parole qui est donnée aux agriculteurs. Si Le temps des grâces se révèle un documentaire passionnant, c'est d'abord parce que le cinéaste a choisi de s'intéresser à l'agriculture française en faisant parler les principaux intéressés, à savoir les agriculteurs.
Réussissant parfaitement à obtenir la confiance des interviewés, Dominique Marchais livre un film plein sur le plan des enjeux, évoquant tout à la fois des considérations économiques, écologiques, sociales, politiques, urbanistiques. Et là où le film est intéressant et évite toute langue de bois, c'est dans le fait que les agriculteurs qui évoquent leur profession avec beaucoup de passion n'en demeurent pas moins critique envers celle-ci.

Les agriculteurs interviewés ne sont pas dupes et font preuve d'un étonnant sens critique. Ils n'hésitent pas à dire qu'avec l'introduction du progrès technique dès la fin de la deuxième guerre mondiale (le développement des tracteurs), leur profession va connaître un essor sans précédent au niveau de la productivité. Pour autant, les petites propriétés en terme de d'hectares vont progressivement laisser la place à de plus grosses exploitations. Comme dans de nombreuses autres industries, on passe du « small is beautiful » au « big is beautiful ». La rentabilité exige des économies d'échelle et en plus des exploitations qui grossissent, on assiste à une quasi disparition de la polyculture.

Le film montre très adroitement que tout cela est dicté par le sens de l'histoire avec une population qui augmente de façon exponentielle par rapport aux siècles passés et une mondialisation qui s'accroît. Cela n'empêche pas le documentaire, par le biais de ses intervenants, de rappeler que l'un des succès de l'industrie agro-alimentaire de la France tient justement en notre distinction sur le plan qualitatif. Un peu comme pour notre cinéma, il y a une nécessité de conserver une exception à la française dans le domaine de l'agriculture avec des produits de qualité reconnus dans le monde entier. Comme le film le signale très justement, il est évident que l'on ne pourra jamais concurrencer en terme de prix des pays en développement tels que le Brésil.
Le film ne se limite pas à des considérations économiques. Il rejoint de nombreux documentaires actuels qui rappellent que la planète est en danger. La sur-exploitation de la terre, la suppression des clôtures, l'utilisation excessive d'engrais chimiques, l'urbanisation galopante (le film donne l'occasion de voir de très beaux paysages naturels qui sont défigurés par l'introduction de maisons, de lignes à haute tension ou encore d'éoliennes), causent des ravages à notre éco-système. Des micro-biologistes indiquent que dans le cas d'un vignoble qu'ils viennent juste d'analyser, les pieds de vigne n'ont qu'une durée de vie de 25 ans (par rapport à plus de 100 ans auparavant) alors que l'on peut considérer qu'un bon vin est obtenu au bout de 20 ans d'exploitation.

Mais qui est responsable de tout ce chaos ? Eh bien à vrai dire un peu tout le monde. Il y a d'abord l'agriculteur qui exploite les terres. Mais il n'est pas le seul. Car l'agriculteur est bien souvent quelqu'un d'endetté (il est bien expliqué dans le film le problème des successions des agriculteurs) qui a donc besoin de rentabiliser au maximum son travail. Bénéficiant d'aides de l'Europe qui orientent le sens de la production agricole (le développement du blé n'y est pas étranger), le petit agriculteur ne peut pas concurrence les grosses industries agro-alimentaires.

Et puis d'ailleurs comment se démarquer du tout-venant quand le consommateur est lui-même incapable de distinguer un lait traité de manière artisanale ou de manière industrielle ? Le temps des grâces signale que le citoyen veut des produits de qualité mais qu'il n'est pas prêt à payer le prix, comme c'est pourtant le cas en Suisse où les agriculteurs bénéficient d'aides directes versées par le contribuable.
Même si le documentaire alerte de manière certaine le spectateur, il n'en reste pas moins que quelques motifs d'espoir subsistent. Les micro-biologistes et agronomes qui sont interviewés expliquent très clairement que l'on peut sauver notre terre en quelques années, à condition que les pouvoirs publics prennent le problème à la source. Mais force est de constater que les lobbies dans la profession agro-alimentaire sont très puissants et empêchent toute pratique logique de s'établir. Comme le dit la micro-biologiste interviewée, « la nature a une gratuité qui est gênante. » Eh oui le microbe travaille gratuitement en faveur de notre éco-système. Mais cela tout le monde n'a pas intérêt à le dire.

Au final, Le temps des grâces s'avère un documentaire réellement passionnant sur le monde des agriculteurs, sur l'évolution de cette profession et de notre terre (avec de très beaux travellings latéraux, effectués en voiture, qui sont là pour montrer la défiguration de nos campagnes) qui est actuellement menacée. A voir de toute urgence. 

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