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Déjantés du ciné
20 décembre 2011

La piel que habito de Pedro Almodovar

lapielquehabitoTitre du film : La piel que habito

Réalisateur : Pedro Almodovar

Année : 2011

Origine : Espagne

Durée du film : 117 minutes

Avec : Antonio Banderas (le docteur Robert Ledgard), Elena Anaya (Vera), Marisa Paredes (Marilia),Vicente (Jan Cornet), Blanca Suarez (Norma), Roberto Alamo (Zeca), etc.

FICHE IMDB

Résumé : Un médecin réputé se lance dans des expérimentations concernant le corps humain.

Sélectionné au dernier festival de Cannes, la piel que habito marque le retour du cinéaste Pedro Almodovar. En adaptant librement le roman Mygale du français Thierry Jonquet, Almodovar signe un film au scénario particulièrement retors. Jugez plutôt : un chirurgien renommé retient prisonnier chez lui, dans une résidence isolée, une belle jeune femme. Ce chirurgien avait auparavant épousé une femme qui l'avait trompé avec son frère illégitime. Brûlée dans un accident de voiture après avoir tenté de fuir avec son amant, son épouse s'était suicidée en se jetant par la fenêtre ne supportant pas la vision de l'être qu'elle était devenue. Quelque temps après, c'est la fille du chirurgien qui s'est suicidée après s'être fait violer. Voilà des événements qui sont bien gratinés et torturés. Et pourtant, à ce stade on est encore loin de couvrir toutes les problématiques dramatiques du film.

Car Pedro Almodovar va loin dans ce film, n'hésitant pas à repousser les limites de la morale. Au regard du scénario, seule la sensibilité et l'intelligence d'Almodovar permettent d'éviter au film de sombrer dans le ridicule, dans le grand-guignolesque.

En voyant La piel que habito, on pense forcément aux yeux sans visage de George Franju au regard du titre du film et du synopsis de celui-ci. Pourtant, à y regarder de plus près, Pedro Almodovar est plutôt sous influence cronenbergienne avec toute cette relation au corps. C'est d'ailleurs chez Cronenberg que l'on retrouve des chirurgiens (Les jumeaux de Faux-semblants) et que le corps fait l'objet de toutes les attentions. Et puis ce côté froid, clinique, se trouve bien dans le film Faux-semblants de Cronenberg.

Cela étant dit, le film est aussi et surtout un melting-pot du cinéma d'Almodovar : la transformation d'un homme en femme fait écho à Tout sur ma mère ; les relations perverses entre Eros et Thanatos (le docteur a tout de même une relation avec sa créature, qui lui rappelle sa femme décédée) sont déjà à l’œuvre dans Matador, avec d'ailleurs déjà Antonio Banderas dans le rôle principal. Quant au scénario du film, s'il est complètement « barré », à la limite du scabreux (quoique la limite est certainement dépassée), il n'est pas sans rappeler Parle avec elle où un homme commettait déjà des actes répréhensibles. Il était déjà question d'éthique.

Dans ce film, Almodovar ne se contente pas d'être référentiel du cinéma de grands réalisateurs ou de son propre cinéma. Il parvient avec maestria à mettre en scène un film intense et non dénué de fond sur le plan thématique.

Almodovar réussit dans La piel que habito à allier deux choses qui vont rarement de pair : le cinéma de genre avec l'aspect thriller. La photographie très soignée du film accroît son aspect froid, clinique, inquiétant. Cela permet aussi de renforcer le côté thriller du film, qui est à la lisière du fantastique.

Dans ce film, Antonio Banderas, qui n'avait pas retravaillé avec Almodovar depuis Attache-moi (1989), est parfait dans son rôle de médecin obsédé à l'idée de retrouver d'une façon ou d'une autre sa femme. La passion qu'il a pour elle tourne à l'obsession et fait qu'il ne s'embarrasse pas outre mesure de questions éthiques liées à sa profession (faire des tests concernant de nouvelles peaux sur des humains) ou de questions de morale (enlèvement, séquestration, punition, etc.). En cherchant à ressusciter sa femme disparue en transformant un être en une créature, il se prend pour Dieu mais n'est rien d'autre que le docteur Frankenstein.

Pedro Almodovar profite ainsi de ce film pour développer des thèmes qui lui sont chers : Le plus évident est l'obsession qui peut mener à la folie. Il y a aussi le culte du corps à travers la beauté de la femme. Sur ce point, l'actrice Elena Anaya qui joue le rôle de Vera est superbe : elle a un joli visage et est très fine. Son physique s'adapte bien à ce rôle où le docteur cherche à obtenir une nouvelle peau parfaite. Amodovar s'intéresse aussi dans ce film à l’ambiguïté sexuelle mais aussi au voyeurisme avec les écrans de contrôle qui font penser à du Brian de Palma.

Au final, avec La piel que habito, Pedro Almodovar livre un film qui flirte avec le thriller, voire le film d'horreur (il est clairement question de vengeance) mais qui n'en reste pas moins une œuvre en adéquation avec la filmographie du réalisateur espagnol (la passion est le maître mot de ce film). Ce film a beau être très réussi et particulièrement prenant, il est tout de même réservé à un public averti car il est tout de même question de viol, de suicide, de kidnapping, de changement de sexe. En somme, des éléments que l'on ne retrouve pas couramment dans le cinéma actuel et qui posent des questions sur le plan moral.

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