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Déjantés du ciné
25 août 2019

Midsommar d'Ari Aster

midsommar1Titre du film : Midsommar

Réalisateur : Ari Aster

Année : 2019

Origine : Etats-Unis

Avec : Florence Pugh, Jack Reynor, Will Poulter, etc.

FICHE IMDB

Synopsis : Dani et Christian sont sur le point de se séparer quand la famille de Dani est touchée par une tragédie. Attristé par le deuil de la jeune femme, Christian ne peut se résoudre à la laisser seule et l’emmène avec lui et ses amis à un festival estival qui n’a lieu qu'une fois tous les 90 ans et se déroule dans un village suédois isolé.

 

Deuxième film d’Ari Aster après le terrifiant et sombre Hérédité, Midsommar en prend le contrepied et offre au spectateur un trip diurne et cauchemardesque, baigné dans une lumière solaire sans fin (même pour les scènes de nuit).

Le film est plus un récit de rupture amoureuse, confrontant son héroïne Dani (formidable Florence Pugh, déjà vue et appréciée dans l’excellente série de Park Chan-wook, The little drummer girl) à la superficialité de son couple et plus largement au manque d’amour.

Dani est victime au début du film d’un drame familial d’autant plus atroce qu’elle l’avait fortement pressenti, et se réfugie dans le couple déjà agonisant qu’elle forme avec son petit ami étudiant en anthropologie Christian (Jack Reynor), auquel elle impose sa présence dans un voyage d’études en Suède, en compagnie des amis de Christian, Josh, Mark et Pelle qui est d’origine suédoise. Ce voyage au sein d’une communauté adepte de coutumes païennes ancestrales pourrait lui permettre, du moins le pense-t-elle, de faire son deuil, de guérir ses angoisses, tout en sauvant ce qui reste de l’amour qu’elle éprouve pour Christian.

Le passage des États-Unis à la Suède marque surtout pour Dani une fuite vers l’inconnu et va se révéler être une expérience limite qui lui permettra de faire face à elle-même et à ce qu’elle a trop longtemps refoulé.

midsommar2Ari Aster prend son temps pour immerger Dani, Christian et les trois amis de celui-ci dans cet endroit reculé de la Suède, nimbé d’un soleil omniprésent, à la lumière presque irréelle (Midsommar signifie Milieu de l’été en suédois, mais c’est également le nom d’une grande fête suédoise qui se déroule fin juin principalement en extérieur). Le cinéaste délaisse pour un temps les tourments de son héroïne pour s’intéresser tout d’abord au groupe d’amis et ses interactions (on pourra regretter le traitement un peu sommaire réservé aux trois amis de Christian, sans que cela soit vraiment problématique), ensuite à la communauté d’Harga et ses coutumes étranges.

Apportant un soin maniaque aux cadres et à la symétrie (on se croirait parfois chez Stanley Kubrick), Aster laisse progressivement poindre une sombre menace en disséminant petit à petit des indices de plus en plus inquiétants : bad trip de Dani avant que le groupe arrive vraiment dans la communauté, désorientation, choc culturel entre les anglo-saxons et le village suédois, utilisation du son et des symboles présents partout (sur les murs, dans le dortoir).

Le fossé semble se creuser entre le groupe de Dani et Christian (mais aussi les deux étudiants étrangers qu’il rencontre là-bas) et la secte bien trop proprette. Il en découle un mélange de fascination morbide et de répulsion. Si les premiers rituels provoquent au début rires et incompréhension de nos occidentaux, comme des touristes naïfs découvrant des coutumes étranges mais bariolées, la suite des festivités se révélera de plus en plus malsaine, tant pour nos protagonistes que pour les spectateurs, débouchant sur une séparation du groupe d’étrangers, Pelle devenant le seul lien entre la communauté et les anglo-saxons.

midsommar3Aster se recentre ensuite sur Dani, établissant une corrélation entre les rituels païens et son mal-être toujours plus fort, toujours pas apaisé. Le spectateur la voit alors commencer à sombrer, dévorée progressivement par la communauté (la scène de la danse de mai est à ce titre éloquente) qui déploie alors son emprise sur elle, comme une secte finit par absorber les personnes vulnérables.

C’est bien la souffrance de Dani, son refus d’accepter la réalité de sa relation bancale avec Christian, qui la fait basculer : les rituels n’ont fait qu’accentuer sa colère, tout d’abord envers son petit ami (lorsqu’elle le surprend en plein accouplement avec une fille de la communauté : scène très étonnante, où l’homme est réduit à l’état de reproducteur), puis envers ceux qui ont ignoré sa souffrance, enfin envers tous ceux qui ne la comprennent pas ou plus. Et c’est bien ce manque affectif, enfin assouvi par le recours à la communauté et par une sorte de vengeance libératoire, qui aboutit à la guérison de ses angoisses et qui lui permet de réussir enfin son deuil. Toute renaissance a besoin d’une destruction, d’une mort : c’est d’ailleurs le sens du premier rituel auquel a assisté le groupe au début du film.

Finalement, le manque de communication, d’empathie, peut amener à des drames (le drame familial inaugural, la fin de Midsommar), et c’est parfois ce qui pousse les êtres vers des structures communautaires au sein desquelles ceux-ci se sentent bien, soutenus, compris, et donc évidemment vers les sectes.

Midsommar peut aussi être vu comme un film mental, qui présente les visions, les hallucinations, voire les fantasmes de Dani et qui aboutit dans tous les cas à une sorte de transe libératoire, tant pour elle que pour le spectateur exténué.

Le film est d’une richesse extraordinaire et n’en finit pas de dévoiler ses trésors. Ceci est une interprétation parmi tant d’autres de Midsommar, objet fascinant et qui demeure longtemps dans la tête du spectateur. Vivement le prochain film d’Ari Aster !

Par Locktal

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