gloriamundi1Titre du film : Gloria Mundi

Réalisateur : Robert Guédiguian

Année : 2019

Origine : France

Durée : 1H47

Avec : Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Anaïs Demoustier, Robinson Stévenin, Grégoire Leprince-Ringuet, Lola Neymark

FICHE IMDB

Synopsis : Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda vient de donner naissance à une petite Gloria. Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie…  En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout.

 

C'est tout de même étonnant qu'avec seulement un mois d'écart, les sorties en salles nous proposent le dernier Ken Loach, Sorry we missed you, et donc le dernier Robert Guédiguian. Car si les cinéastes ont des approches différentes, le constat reste le même : celui d’un libéralisme tout puissant.

La société évolue et pas vraiment dans le bon sens. Loach dressait le constat d’une uberisation de celle-ci en montrant de façon quasi documentariste un travailleur se retrouvant broyé à petit feu. Dans Gloria Mundi, Guédiguian privilégie le drame familial. Et l’impact de son film est tout aussi fort que celui de Loach.

Gloria Mundi se déroule dans les quartiers pauvres de Marseille. On est bien loin du développement gentillet de la série Plus belle la vie. Non, là c’est plutôt Plus dure sera la chute. Guédiguian ne fait pas rêver le spectateur mais l’invite à réfléchir sur notre société telle qu’elle est actuellement.

gloriamundi2Le cinéaste marseillais prend comme point de départ une famille modeste et recomposée, réunie autour d’une naissance, celle de Gloria. Mais ce qui s’apparente à une bonne nouvelle va en fait fragiliser tout ce petit monde. A l’instar de la famille de Sorry we missed you, la jeune maman (Anaïs Demoustier) Mathilda et le père (Robinson Stévenin), ne vont cesser de vivre des galères. Entre un job de vendeuse à l’essai pour l’une et un travail de chauffeur Uber pour l’autre, on a affaire à des travailleurs pauvres dont la situation ne s’arrange pas. Il y a la même illusion que chez Loach d’un avenir meilleur alors que l’uberisation de la société enfonce les gens encore un peu plus dans la difficulté. Et l’arrivée de l’enfant devient un vrai casse-tête dans cette situation. Guédiguian fait froid dans le dos avec cette terrible description gens n’arrivant plus à joindre les deux bouts en fin de mois. La paupérisation de la société n’est pas un mythe.

Et surtout Guédiguian démontre qu’en ces temps de crise, même le dernier rempart, à savoir la famille, ne cesse de se fissurer.

Notre réalisateur humaniste et engagé oppose brillamment deux générations. Il y a d’un côté celles des anciens, les grands-parents de Gloria, ne roulant pas sur l’or (l’un est conducteur de bus et l’autre travaille dans une société de nettoyage) mais prêts à tout pour aider la famille. On sent que ces personnages sont les porte-parole de Guédiguian. De l’autre côté, il y a cette génération de jeunes qui jouent totalement la carte de l’individualisme. Ainsi, la sœur de Mathilda et son compagnon sont très fiers de leur réussite et ils ne comptent absolument pas aider leur famille. Ces deux personnages sont à l’inverse l’exemple de tout ce que l’on peut détester dans le libéralisme : des gens profitant des pauvres pour s’enrichir à leurs dépens. Il faut quand même avoir le vice dans la peau pour ouvrir des magasins de vente d’objets d’occasion dans des quartiers pauvres pour faire encore plus de profit.

Gloria Mundi se révèle très intéressant par son côté réaliste. Les quartiers les moins glamour de Marseille sont mis en avant et on n’a de cesse d’apercevoir des gens dans le besoin. Notre société va mal et Guédiguian, à l’image de Loach, tire la sonnette d’alarme. Pour ce faire, il déploie un drame familial puissant dont on se doute que cela immanquablement mal finir. Dans cet univers prenant des airs de tragédie shakespearienne, n’y aurait-il pas tout de même une lueur d’espoir ?

C’est le cas avec Daniel, le père de Mathilda, revenant à Marseille après avoir purgé une peine longue de prison. Contrairement à ce que l’on imagine au départ, c’est sans nul doute le personnage le plus intéressant de cette histoire. C’est un être naturellement bon, prêt lui aussi à aider son prochain et même à se sacrifier au besoin pour que les événements prennent une tournure plus favorable. On est clairement touché par la sensibilité à fleur de cet homme dont le regard et les mots apportent un vrai contre-poids aux mesquineries et bassesses des uns et des autres.

gloriamundi3Gloria Mundi ne serait pas autant réussi sans son excellent casting. Guédiguian a d’ailleurs pu compter à cette occasion sur ses fidèles. Il y a évidemment sa femme Ariane Ascaride, tout en retenue dans son jeu, qui a bien mérité le prix de la meilleure actrice au festival de Venise. A ses côtés Guédiguian peut compter sur d’autres acteurs récurrents de son cinéma : Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan dans le rôle de Daniel. La jeune génération est incarnée côté pile par la convaincante Anaïs Demoustier et Robinson Stévenin. Et côté face par Grégoire Leprince-Ringuet et Lola Neymark, excellents en purs exploiteurs.

Au final, Gloria Mundi est un des opus les plus intéressants de Guédiguian, même si c’est aussi un de ses plus sombres. Il est évident qu’il a fait ce film pour réveiller les mentalités. Gageons que ce cri de désespoir ne reste pas lettre morte.