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Déjantés du ciné
17 février 2020

Voyage à deux de Stanley Donen

Voyage___deux_photos_05Titre du film : Voyage à deux

Réalisateur : Stanley Donen

Année : 1967

Origine : Royaume-Uni

Durée : 1h52

Avec : Audrey Hepburn, Albert Finney, Jacqueline Bisset, etc.

FICHE IMDB

Synopsis : Elle étudie la musique, lui l'architecture. Elle est espiègle, d'une beauté lumineuse et novice en amour. Il est arrogant, d'un naturel déconcertant et coureur de jupons. Leur première rencontre est peu probante mais le hasard en a décidé autrement. Joanna et Mark se recroisent et tombent amoureux. Le mariage, un enfant, la réussite. Des années plus tard, de disputes en trahisons, les choses ont changé. De retour sur la Côte d'Azur, leurs escapades passées défilent. Ils se souviennent à quel point ils étaient passionnés, complices et insouciants... Leurs chemins peuvent-ils se séparer ?


Quand on pense à Stanley Donen, décédé en 2019, à l’âge de 95 ans, on songe forcément à l’âge d’or des comédies musicales.
Chantons sous la pluie (1952) trône au firmament des plus grandes réussites du genre. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi, sans être exhaustif, les sublimes Un jour à New York (1949) ; Les sept femmes de Barberousse (1954) ou encore Drôle de frimousse (1957).

Pour autant, il serait réducteur de considérer Donen uniquement comme l’auteur de magnifiques comédies musicales. Les années 60 sont ainsi placées sous le signe de l’évolution. Des œuvres comme Charade (1963) et Arabesque (1966) sont des comédies où la liberté se ressent au niveau du scénario et de la mise en scène.

Voyage___deux_photos_06Voyage à deux, tourné en 1967, s’inscrit dans cette césure des années 60. Le cinéaste parle toujours d’un sujet qui lui tient à cœur, à savoir les émois d’un couple.Cela étant, le ton n’est plus léger comme dans ses comédies musicales : il est empreint d’un indicible mélancolie. Et pour appuyer son propos, il rompt avec le classicisme des années 50 pour faire preuve d’une incroyable modernité, qui surprend encore aujourd’hui par son audace.

«  Qui peuvent bien être ces gens qui se regardent pendant des heures et n’ont rien à se dire ? – Des gens mariés. » Cette réplique célèbre de Voyage à deux résume à elle seule le constat doux-amer de cette chronique du couple. Stanley Donen égratigne avec un humour noir bien senti l’institution du mariage. Surtout, son œuvre se veut une réflexion très mature sur l’usure d’un couple. A cet effet, le film évoque les étapes de scènes d’une vie conjugale : la rencontre et la passion du début, ensuite la complicité de jeunes mariés, puis arrive le stade de l’ennui avant celui de l’adultère. Voilà qui n’est pas très optimiste pour le devenir des couples et surtout un tel scénario pourrait paraître terriblement banal.

Ce n’est pas l’approche prise par Donen. Son scénariste, Frédéric Raphael, va s’appuyer sur son vécu personnel pour lui proposer de déconstruire totalement ce scénario classique. Exit donc le cheminement chronologique. Donen va profiter du leitmotiv du voyage dans le sud de la France pour mélanger différentes époques. Tout fonctionne par associations d’idées : des véhicules, des lieux déjà visités, des situations déjà rencontrées (l’oubli du passeport). C’est de cette façon que le couple ne cesse de se remémorer leurs souvenirs communs. Les flashbacks et flashforwards se multiplient et l’on repère notre couple de stars (Audrey Hepburn et Albert Finney) en fonction de leur mode vestimentaire ou de tout autre indice (changement de voiture, appartements plus « cosy », etc.).

Cette approche singulière a été récemment reprise dans la nouvelle version des Filles du docteur March qui mélange les époques, tout en conservant les mêmes actrices.

C’est sans doute cette histoire en forme de puzzle qui a perturbé le public lors de sa sortie et explique l’échec rencontré par ce film (en France, il s’écrasera à moins de 250 000 spectateurs). Pourtant, le procédé est particulièrement astucieux et donne encore plus de profondeur à cette œuvre riche sur le plan sentimental.

Voyage___deux_photos_16Car ne nous y trompons pas, Donen parle bien ici d’amour ! S’il est frappant de constater la différence de la relation du couple selon les voyages et donc les époques, Donen interpelle aussi le spectateur sur un autre point. Alors que la relation semble partir à vau-l’eau, qu’est-ce qui explique que l’on est toujours sensible à l’autre ? Pourquoi lui donne-t-on une seconde chance ? C’est bien tout ce vécu en commun, ces souvenirs mémorables, ces éléments permanents, qui créent cette relation intime et fondamentale.

Que ce soit dans la légèreté de ses comédies musicales ou dans des œuvres plus réflexives telle Voyage à deux, Donen parle d’un sujet universel : l’amour et le couple. Cela n’est pas anodin si le titre original est « Two for a road ». Pour accroître l’aspect mélancolique et nostalgique de ce long métrage, Stanley Donen peut compter sur la douce mélodie d’Henry Mancini.

Et qui de mieux pour incarner le couple vedette que la belle Audrey Hepburn. L’actrice star, alors âgée de 38 ans, interprète à merveille le rôle de Joanna. En fonction des époques, elle joue tout aussi bien la fille pétillante et espiègle que la femme solidement établie et cynique. De son côté, Albert Finney lui rend parfaitement la pareille dans le rôle d’un homme calculateur très soucieux de sa réussite professionnelle et pourtant lui aussi attaché à sa compagne.

Pour adoucir cette radiographie clinique d’un couple, Stanley Donen laisse apparaître à plusieurs reprises sa science du gag. On songe ainsi à la visite du château de Chantilly en accéléré (encore un effet de mise en scène novateur). Et puis il y a évidemment le voyage avec un autre couple et leur gamine totalement insupportable. Avec le mariage, Donen attaque gentiment (avec une longueur d’avance) l’idée de l’enfant-roi.

Il va sans dire que Voyage à deux est une œuvre magistrale. Au-delà de son aspect mélancolique et doux-amer, c’est une belle réflexion sur la vie. Voilà un film qui mérite d’être considéré à sa juste valeur, juste en dessous du magistral Chantons sous la pluie.

 

Voyage___deux_photos_10


Critique parue à l’origine sur le site Ciné Dweller à l’adresse suivante :

https://cinedweller.com/movie/voyage-a-deux-la-critique-du-film-et-le-test-blu-ray/

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