La nuit des maléfices de Piers Haggard (critique film + blu ray)
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Titre du film : La nuit des maléfices
Réalisateur : Piers Haggard
Date de sortie au cinéma : 1971
Origine : Royaume-Uni
Durée : 1h36
Avec : Patrick Wymark, Linda Hayden, Barry Andrews, etc.
Editeur : Rimini Editions
En édition collector limitée blu ray + DVD + livret de 24 pages “Sous le soleil de Satan” écrit par Marc Toullec, le 11 avril 2025
Synopsis : Angleterre, XVIIIème siècle. Dans un petit village, un jeune homme affirme avoir vu le Diable. Le juge du comté n'y prête pas attention. Mais soudain, des événements anormaux se déroulent : les villageois sombrent dans la folie, et des jeunes femmes se voient affligées de marques sur le corps. C'est alors qu'un groupe mené par la jolie Angel Blake pratique d'étranges cérémonies funèbres.
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Second long métrage du quasi inconnu Piers Haggard, La nuit des maléfices, sortie en 1971, est pourtant une œuvre majeure du cinéma fantastiques des années 70. Produit par la petite société britannique Tigon British Film Productions, ce film post-1968 a été tournée à une époque où l’on était beaucoup plus libéré qu'aujourd'hui. Il est évident que le film surfe sur le succès passé d’un studio comme la Hammer, mais en exacerbant violence et érotisme.
Par ailleurs, à la différence de la firme Hammer, La nuit des maléfices joue la carte du réalisme. Tourné dans des décors naturels, le film s’inscrit plutôt dans la tradition de la folk horror dont l’un des films les plus célèbres est The wicker man (1973) de Robin Hardy.
La nuit des maléfices se déroule au XVIIIème siècle dans un village anglais. Le film joue parfaitement sur la dichotomie entre réalisme et fantastique. D’un côté, ce long métrage met l’accent sur l’univers de cette campagne anglaise avec des fermes authentiques, un soin particulier aux vêtements portés par les protagonistes et des coupes de cheveux se voulant en phase avec cette époque. D’un autre côté, on perçoit des éléments fantastiques avec une créature mystérieuse (Satan?) qui rôderait dans les parages et d’étonnantes touffes de poils apparaissant sur la peau. « L’empreinte de Satan ? »
Le film est suffisamment bien conçu qu’il amène à s’interroger sur la nature réelle de ces éléments fantastiques. En fin de compte, n’assisterait-on pas à une hystérie collective ou tout simplement à des hallucinations ? La nuit des maléfices se révèle assez subtil, de telle sorte que l’on est en permanence entre rationalisme et fantastique. N’y aurait-il pas derrière tout ça un discours sous-jacent du réalisateur ?
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Après tout, au moment du tournage du film, on est en pleine période de libération sexuelle et certains s’inquiètent alors de l’importance du mouvement hippie et de la contre-culture (avec développement de sectes où l’on consomme de la drogue). Il paraît évident que La nuit des maléfices n’est pas un film d’horreur lambda où il est simplement question de rites sataniques et d’orgies. La libération sexuelle exposée dans le film est une façon de s’attaquer au puritanisme anglais. Avec tous ces cultes païens se déroulant en pleine nature, c’est aussi une façon de s’en prendre au culte de Dieu.
En outre, le film laisse poindre une critique sociale assez forte. La première histoire qui nous est contée est celle d’une femme sur le point d’épouser son fiancé. Sauf que la famille du fiancé n’est visiblement pas de cet avis, car la jeune femme vient d’un milieu plus modeste. La nuit des maléfices est aussi celle du mépris des classes sociales, où il est alors bien difficile de sortir de son milieu d’appartenance. Voilà ce qui fait encore un point remarquable de cette œuvre atypique.
Notons également que si le film ne dispose pas d'acteurs célèbres, la distribution s’avère d’une grande qualité et d’une justesse de ton assez impressionnante. Les jeunes acteurs et actrices sont tous très bons, apportant un vrai vent de fraîcheur à ce film majeur de la folk horror. On songe en particulier à la jeune actrice dans le rôle de Angel, qui donne vraiment l’impression d’être une servante de Satan.
Film méconnu notamment en France, La nuit des maléfices est une œuvre centrale de la folk horror. Il paraît évident que des œuvres récentes telles que The witch ou Midsommar lui doivent beaucoup. Une raison de plus de regarder cette œuvre très riche et ô combien mystérieuse.
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Caractéristiques du film édité par Rimini Editions :
L’image : on a affaire à une copie très nette permettant le travail autour de la photographie du film.
Le son : film disponible en version française (le doublage est satisfaisant) ou en version originale sous-titrée français.
Supplément : un seul bonus mais très récent puisqu’il a été enregistré à Paris le 12 février 2025, et totalement pertinent. Il s'agit d'un entretien avec Olivier Père, directeur de l’Unité Cinéma à Arte France, qui revient sur le film pendant plus de 40 minutes (42mn06). Passionnant à suivre dans ses explications, Olivier Père signale qu’il s’agit d’un des plus grands films fantastiques de sa période. C’est le film le plus connu du cinéaste Piers Haggard, qui a été l’assistant d’Antonioni sur Blow-Up. Olivier Père revient à plusieurs reprises sur l’importance du genre du film, la folk horror, qui peut amener à douter de la nature réelle des éléments fantastiques. Selon lui, La nuit des maléfices a influencé des cinéastes récents quand on voit des œuvres telles que Kill List, The witch et Midsommar.