Déjantés du ciné

13 mai 2024

La maison aux fenêtres qui rient de Pupi Avati

Titre du film : La maison aux fenêtres qui rient

 

Réalisateur : Pupi Avati

 

Année : 1976 (vu dans le cadre du festival Hallucinations collectives le 28 mars 2024 à Lyon)

 

Origine : Italie

 

Durée : 1h50

 

Avec : Lino Capolicchio, Francesca Marciano, Gianni Cavina, Tonino Corazzari, etc.

 

FICHE IMDB

 

Synopsis : Artiste spécialisé dans la restauration de fresques, Stefano est invité par un ami à exercer ses talents dans l'église d'un petit village italien. Là, il découvre une fresque représentant le martyr de Saint-Sébastien.

 

 

En 1975, le cinéaste Pupi Avati réalise son premier long métrage, Bordella, une comédie érotique particulièrement caustique. On pense alors que le réalisateur transalpin va débuter une œuvre dans ce genre, à la manière d'un Dino Risi. Que nenni. En raison notamment de l'échec commercial de Bordella, il effectue un virage à 360 degrés pour mettre en scène un giallo.

 

A l'instar de La longue nuit de l'exorcisme (1972), La maison aux fenêtres qui rient (1976) est un giallo rural atypique, même si le but est de rechercher le tueur. La séquence d'ouverture met d'emblée le spectateur dans l'ambiance avec des images énigmatiques en noir et blanc faisant penser – avec de nombreuses années d'avance – au début de L'au-delà de Fulci (1981) avec un homme martyrisé et des paroles dont le sens nous échappe alors.

 

Pupi Avati décrit parfaitement un village perdu de la campagne italienne avec une communauté repliée sur elle-même. Dans ce véritable microcosme, on retrouve notamment le notable du village, une institutrice nymphomane et le prêtre. L'église est d'ailleurs omniprésente, à l'intérieur de celle-ci se trouve une énigmatique fresque de martyr.

 

Ce village avec ses petites habitudes et ses secrets voit arriver deux éléments perturbateurs : un spécialiste de la restauration d'art, Stefano, et une nouvelle institutrice, Francesca, la première ayant mystérieusement disparu.

 

On constate qu'au fur et à mesure que Stefano restaure la fresque, le film devient de plus en plus étrange. La mise en scène suit ce mystère en proposant des plans suscitant de véritables interrogations. On a du mal à relier le tout, sachant que ce long métrage comporte de nombreuses scènes peut-être fantasmées. Tout est laissé à l'appréciation du spectateur. Cela crée indubitablement une ambiance morbide voire malsaine.

 

Stefano se sent investi d'une mission pour découvrir la vérité dans un village où l'omerta est de mise. De la sorte, on sent qu'il met en péril à la fois sa relation naissante avec Francesca l'institutrice ainsi que leurs vies.

 

Avec finalement peu de moyens, Pupi Avati parvient parfaitement à créer une histoire inquiétante, qu'il s'agisse du secret entourant le grenier, des portes et des fenêtres qui s'ouvrent et se ferment sans raison, ou encore de cette femme alitée.

 

Quant à la distribution du film, elle se révèle impeccable, qu'il s'agisse des rôles principaux ou des rôles secondaires. On a vraiment l'impression que ce village existe avec tous ces personnages habitant dans cet environnement sinistre.

 

La musique et le son alourdissent encore cette atmosphère délétère. Comme ça sera le cas plus tard avec son film Zeder (1983), Pupi Avati n'a pas son pareil pour introduire des éléments surprenants : des meurtres imprévisibles, des détails étranges (les fleurs sur les tables des maisons), d'étonnants flashbacks ou encore des séquences nocturnes inquiétantes, à mi-chemin entre le monde des vivants et des morts.

 

En définitive, La maison aux fenêtres qui rient constitue un étonnant giallo, même s'il en conserve les codes, que ce soit le suspense constant, la recherche du tueur et la révélation finale. Pupi Avati nous livre progressivement les clés de son intrigue. On a toujours l'impression qu'il manque quelque chose pour comprendre l'ensemble. C'est la grande force de ce film où on sent une menace sourde et constante. Voilà une belle réussite en la matière.

 

Naguère édité en DVD dans une copie médiocre et au demeurant épuisée dans le commerce, La maison aux fenêtres qui rient va être très prochainement sortir en blu ray chez l'excellent éditeur Le chat qui fume. Voilà une véritable bénédiction pour visionner ce film dans des conditions optimales.

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6 mai 2024

Tentacules d' Ovidio G. Ossonotis (critique film + blu ray)

Titre du film : Tentacules

 

Réalisateur : Ovidio G. Ossonitis

 

Année : 1977

 

Origine : Etats-Unis

 

Durée : 1h42

 

Avec : John Huston, Shelley Winters, Bo Hopkins, Henry Fonda, etc.

 

Editeur : Rimini Editions

 

En édition collector depuis le 3 mai 2024 : combo blu ray + DVD + livret de 24 pages conçu par Marc Toullec intitulé “Business is business"

 

Synopsis : Au large de la Californie, des personnes disparaissent en mer et des restes humains déchiquetés sont retrouvés. Le journaliste Ted Turner et Will Gleason, expert en océanographie, découvrent que ces crimes sont commis par une pieuvre géante.

 

 

L'éditeur Rimini Editions propose un nouveau film sur des attaques animales, après Les rats attaquent sorti depuis le 12 avril en combo blu ray/DVD. Le film Tentacules se passe toutefois en mer et non sur la terre ferme.

 

Le cas de Tentacules (1977) est symptomatique d'une époque (années 70 - 80) où les cinéastes italiens n'hésitaient pas à surfer sur le succès de films pour en faire leurs propres versions, avec un budget généralement bien moindre pour tenter de maximiser leurs profits. En l'état, Tentacules entend marcher sur les traces des Dents de la mer (1975) de Steven Spielberg, sorti deux ans auparavant.

 

Évidemment, un film américain est toujours plus porteur et le réalisateur de Tentacules, Ovidio G. Ossonitis, en a bien conscience. Il décide ainsi de tourner toutes les scènes en extérieur en Californie. Et puis il choisit un casting totalement américain avec certaines stars : Bo Hopkins (vu dans Mutant ou encore Sweet sixteen), Claude Akins, mais surtout Shelley Winters, John Huston et Henry Fonda (ce dernier n'a toutefois que quelques minutes à l'écran).

Enfin, à l'écran, il n'apparaît pas le nom d'Ovidio G. Ossonitis comme réalisateur mais celui d'un pseudonyme : Oliver Hellman. Malin notre transalpin !

 

Et le film dans tout ça ? Tentacules débute plutôt bien avec une scène d'introduction tendue avec la disparition d'un enfant puis celle d'un marin. Cela étant, la suite se révèle moins palpitante et le film peine à captiver son auditoire sur la durée.

Le film peut compter sur ces beaux paysages tournés en Californie mais aussi sur de belles séquences sous-marines, qui procurent un certain suspense.

 

Mais c'est à peu près tout au niveau des qualités intrinsèques du film. Nanti d'un budget limité, Tentacules a dû en dépenser une bonne partie pour payer ses stars ! Dès lors, les effets spéciaux du film sont réduits à la portion congrue. La fameuse pieuvre – qui ne fait jamais peur – est représentée par un poulpe que l'on voit en très gros plan à de nombreuses reprises. Dans ce film où l'on tente de masquer le manque de moyens, la production a utilisé des maquettes de bateaux pour justifier la grandeur de la pieuvre ! Amusant.

 

Au niveau de la mise en scène, Ovidio G. Ossonitis n'est pas vraiment à son avantage. Il ne parvient pas à instaurer un sentiment de terreur comme dans Les dents de la mer de Spielberg. Au contraire, certaines scènes laissent pantois. On songe notamment à l'attaque de la pieuvre lors de la course des bateaux, avec les enfants. Au lieu de proposer une scène d'action bien prenante, le réalisateur effectue un montage alterné avec un homme racontant des blagues type "Carambar" (le comble d'un arbre...est d'être dur de la feuille) à un public amusé. Et comme si cela ne suffisait pas, le réalisateur effectue des arrêts sur image qui annihilent toute tension.

 

Heureusement, le film est (en partie) sauvé de la noyade par ses acteurs que l'on sent globalement investi et qui n'en font pas des tonnes. On a quand même Shelley Winters et John Huston dans les rôles principaux. L'histoire suit son cours, même si elle peine à captiver totalement. On peut alors compter sur quelques scènes marquantes, comme celle d'un cimetière marin avec des poissons tête en bas ou encore le meurtre d'une jeune femme qui vaut le coup d’œil. Quant à la fin du film, elle se révèle globalement assez surprenante.

 

Au rang des satisfactions, la musique de Stelvio Cipriani, à qui l'on doit notamment les bandes-son des excellents Femina Ridens (1969) et La baie sanglante (1971), est plutôt emballante, même si elle n'atteint pas le génie de John Williams dans Les dents de la mer.

 

Au final, Tentacules apparaît comme une œuvre opportuniste, mise en scène uniquement avec la volonté de faire de l'argent grâce à la réussite des Dents de la mer. Le résultat à l'écran est inégal et le film apparaît au mieux comme une curiosité. Du même réalisateur, on préférera Madhouse (1981), un giallo américano-italien assez violent et jubilatoire.

 

Caractéristiques du blu ray édité par Rimini Editions :

 

L'image : elle est tout bonnement magnifique. Surprenant pour un tel film. Le rendu des scènes sous-marines est vraiment plaisant à regarder.

 

Le son : une fois n'est pas coutume, l'éditeur nous offre non pas deux mais trois versions possibles : la version française, la version anglaise sous-titrée français mais également la version italienne sous-titrée français. Le résultat est probant au niveau du son, même si le doublage français paraît approximatif (ça rend le film encore plus amusant).

 

Les bonus : Rien, hormis le film-annonce.

29 avril 2024

Le coeur fou de Jean-Gabriel Albicocco

Titre du film : Le cœur fou

 

Réalisateur : Jean-Gabriel Albicocco

 

Année : 1970 (vu dans le cadre du festival Hallucinations collectives le 29 mars 2024 à Lyon)

 

Origine : France

 

Durée : 1h41

 

Avec : Eva Swann, Michel Auclair, Madeleine Robinson, etc.

 

FICHE IMDB

 

Synopsis : Serge Menessier, réalise un reportage photographique ayant pour sujet son ex-épouse Clara, une actrice célèbre terrassée par une dépression et internée dans un service psychiatrique. L'agitation causée par la présence de Clara dans la clinique provoque la jalousie de Clo, une patiente égocentrique. Elle réagit en tentant de séduire Serge et en mettant le feu à l'établissement de soins.

 

Assistant réalisateur de Jules Dassin sur Celui qui doit mourir (1957), Jean-Gabriel Albicocco met en scène en 1961 son premier long métrage, La fille aux yeux d'or, pour lequel il obtient le lion d'argent à la Mostra de Venise. Ce cinéaste français connaît en 1967 un succès public important avec l'adaptation d'un classique de la littérature, Le grand Meaulnes d'Alain-Fournier.

Le cœur fou (1970) constitue son quatrième long métrage et se distingue déjà par un scénario original qu'Albicocco a lui-même conçu. Le film s'inscrit dans le contexte d’œuvres dénonçant les méthodes employées en matière de psychiatrie, dont le meilleur représentant en la matière est Family life (1971) de Ken Loach.

Dans le prolongement des films de Marcel Carné, Le cœur fou est une sorte de réalisme poétique mais avec un côté plus exacerbé. Les deux principaux protagonistes sont Serge Menessier, un homme au bout du rouleau et Clo, une femme considérée comme folle. La rencontre de Clo va redonner goût à la vie à Serge. Le film montre parfaitement que la folie de la jeune femme finit par contaminer Serge et lui ouvrir de nouveaux horizons.

Cette jeune femme, bourrée de médicaments, est certes folle mais elle n'en est pas moins attachante. Clo franche et agit selon ses pulsions. Elle est totalement sans filtre. Elle critique les gens sans détour et si quelque chose lui déplaît, elle se rebelle, quitte à jouer parfois la pyromane de service.

Par son côté électron libre, Clo est révélatrice d'une société bien pensante où chacun est censé avoir sa place. Elle sert de dynamiteur (cf la scène du restaurant, très drôle au demeurant). C'est une personne que l'on apprécie suivre, même si on sait qu'elle est dangereuse par son côté schizophrène. Il n'empêche, elle fait (parfois) preuve de lucidité et dégage une émotion vraie : “J'suis pas malade. J'ai besoin qu'on m'aime un peu.”

Comme son titre l'indique très justement, il s'agit ici d'un amour fou. Nos deux protagonistes, finissant par s'aimer d'un amour pur, font face à tout : la famille, les amis, la police, les journalistes. Ils assument leurs actes, quitte à en subir les conséquences, allant jusqu'à faire table rase du passé.

En somme, Clo et Serge bravent la société pour vivre leur amour. A un moment donné, ils reviennent même à un paradis originel où leur souhait est simplement de vivre et s'aimer. En cela, Le cœur fou est celui de Clo et de Serge.

Si le film est passionnant à regarder, il le doit tant à son histoire qu'à la qualité de sa réalisation. Au départ, la caméra est posée, à la façon d'un film de Douglas Sirk. Elle devient ensuite frénétique et même heurtée, épousant les sentiments des deux protagonistes. Jean-Gabriel Albicocco effectue sur Le cœur fou un énorme travail sur la profondeur de champ. L'image est par moments floutée, en particulier dans les scènes en forêt. Cela permet d'entourer les deux personnages principaux dans une bulle, comme s'ils vivaient en dehors du monde.

D'ailleurs la photographie, signée Quinto Albicocco, le père du réalisateur, est particulièrement soignée.

Évidemment, la qualité de l'interprétation est une des grandes qualités du film. On sent Michel Auclair très impliqué et crédible dans le rôle de Serge. Quant à Eva Swann, elle est tout bonnement impressionnante en Clo. Elle joue parfaitement cette femme entière, qui a une sorte de candeur dans sa folie. On sent son personnage en manque d'affection.

A noter que le film critique ouvertement les journalistes à scandale, véritables vautours prêts à tout pour un scoop. Tout se monnaye et on le voit clairement au début du long métrage et même plus tard dans le déroulement de l'histoire.

Film diablement romantique au sens le plus noble du terme, Le cœur fou est une œuvre magnifique. Sa sortie prochaine en blu ray chez l'éditeur Le chat qui fume devrait lui permettre de sortir légitimement de l'ombre et d'être connu par un nouveau public. A découvrir de toute urgence.

22 avril 2024

Les rats attaquent de Robert Clouse (critique film + blu ray)

Titre du film : Les rats attaquent

 

Réalisateur : Robert Clouse

 

Année : 1982

 

Origine : Etats-Unis

 

Durée : 1h27

 

Avec : Sam Groom, SaraBotsford, Cec Linder, Scatman Crothers, etc.

 

Editeur : Rimini Editions

 

En édition collector depuis le 12 avril 2024 : combo blu ray + DVD + livret de 24 pages conçu par Marc Toullec intitulé “Dents dures et poings serrés"

 

Synopsis : À Toronto, après avoir mangé du maïs contaminé, des rats se transforment en prédateurs féroces et se mettent à attaquer les humains. Kelly Leonard, inspectrice au département de la santé, et Paul Harris, professeur, vont tenter d’arrêter cette invasion sans précédent.

 

Le réalisateur du film, Robert Clouse (1928-1997) est un cinéaste américain que l'on connaît exclusivement pour ses films d'action et ses films d'arts martiaux. Il faut dire qu'il a mis en scène deux longs métrages cultes avec Opération dragon (1973) et Le jeu de la mort (1978), tous deux avec Bruce Lee.

 

Les rats attaquent (1982) est une œuvre beaucoup moins connue. Avec ce film, Robert Clouse adapte le premier tome (1974) d'une trilogie du romancier anglais James Herbert consacré aux rats. Si le film respecte les grandes lignes du roman, il ne se soucie guère des considérations politiques pour mettre l'accent sur l'aspect horrifique et action.

 

En tout état de cause, le film surfe sur le succès des films dédiés aux attaques animales dont les meilleurs représentants sont Les oiseaux (1963) d'Alfred Hitchcock et Les dents de la mer (1975). Forcément, Les rats attaquent n'est pas du même acabit, même s'il se révèle un sympathique film de série B.

 

Après la destruction d'une réserve de grains de maïs infecté destiné au Tiers Monde en Afrique, des rats affamés de taille gigantesque s'en prennent à l'homme. Si l'idée centrale du roman de James Herbert est respectée, Robert Clouse brode quelque peu pour faire tenir son film sur une durée standard (près d'1h30). Dès lors, en plus des attaques animales, il décide d'intégrer des intrigues amoureuses à l'intérêt discutable. L'histoire d'amour entre Kelly Leonard, inspectrice de la santé et Paul Harris, professeur est aussi rapide dans sa conclusion qu'inutile pour notre intrigue principale. A l'inverse, l'amour d'une étudiante pour son professeur, le fameux Paul Harris est plutôt amusante car la jeune femme en fait des tonnes pour tenter d'arriver à ses fins. On n'est pas loin de la comédie (lourde) pour adolescents ! Pas fameux mais divertissant.

 

Et l'horreur dans tout ça, me direz-vous ? Robert Clouse prend son temps pour monter en intensité de telle sorte qu'il faudra attendre les 20 dernières minutes du film pour assister à deux attaques majeures de nos rats géants. Même si le rythme du film n'est pas incroyable, le réalisateur Robert Clouse dissémine tout au long de son film des agressions violentes de la part des rats. L'une des premières scènes est d'ailleurs étonnante avec un gros rat qui s'en prend à un bébé. La conclusion se passe au final hors champ mais tout de même, le ton est donné d'entrée ! La suite va consister en des attaques plus ou moins violentes des rats, avec des scènes graphiques assez réussies.

 

Quand aux rats eux-mêmes, les spectateurs avertis constateront qu'il ne s'agit pas de vrais rats (heureusement !). Visiblement, le cinéaste a utilisé de fausses peaux de rats qu'il a mis sur de petits chiens (teckels, bassets). Le résultat à l'écran n'est pas vraiment effrayant mais plutôt amusant, lors des scènes horrifiques avec nos méchants rongeurs filmés en gros plan. Autre chose rigolote : les sons que l'on entend à l'occasion des offensives des rats. Ces derniers font un bruit tonitruant, pas du tout crédible. Les rats attaquent ne fait pas vraiment peur mais il se suit sans déplaisir.

 

Le cinéaste Robert Clouse fait un clin d’œil à sa filmographie lorsqu'un de ses films avec Bruce Lee est projeté dans un cinéma. Comme quoi on n'est jamais mieux servi que par soi-même !

 

Si le film ne s'embarrasse guère de considérations politiques, il montre tout de même la dangerosité de tout laisser-aller en matière écologique et de l'importance de la salubrité publique. Les Parisiens en savent quelque chose, avec la gestion de leurs ordures...

 

Les rats attaquent fait également preuve d'une certaine légèreté au niveau de son scénario avec quelques séquences illogiques. A un moment donné, les rats mangent les fils électriques d'une rame de métro. Quelques minutes plus tard, nos deux principaux protagonistes, Kelly Leonard et Paul Harris parviennent à faire marcher le métro. Que s'est-il passé dans ce court laps de temps ? Difficile à dire mais c'est encore une fois amusant.

 

Au final, même s'il traite son sujet horrifique très sérieusement, le cinéaste Robert Clouse agrémente son film de séquences humoristiques (parfois involontairement drôles) et de sous-intrigues inattendues. Avec Les rats attaquent, on a certes affaire à un film imparfait mais bénéficiant d'un capital sympathie réel. Et puis il a un supplément d'âme grâce au charme des œuvres des années 80.

 

Caractéristiques du blu ray édité par Rimini Editions :

 

L'image : elle bénéficie d'une très bonne restauration avec une belle palette de couleurs.

 

Le son : un DTS-HD master audio 2.0 tout à fait convenable tant en français qu'en version originale sous-titrée français. La version originale est toutefois à privilégier car le son est un peu étouffé en français.

 

Les bonus : Rien, hormis le film-annonce.

15 avril 2024

Le prix du danger d'Yves Boisset (critique film + blu ray)

Titre du film : Le prix du danger

 

Réalisateur : Yves Boisset

 

Année : 1983

 

Origine : France

 

Durée : 1h39

 

Avec : Gérard Lanvin (François Jacquemart), Michel Piccoli (le présentateur de l'émission), Marie-France Pisier (la productrice Florence Balard), Bruno Crémer (la patron de la chaîne de télévision), Andréa Ferreol (maître Elizabeth Worms), etc.

 

Editeur : Tamasa Distribution

 

En blu ray le 16 avril 2024

 

Synopsis : Dans une société futuriste, “le prix du danger" est le nouveau jeu d'une chaîne de télévision. Un homme doit rejoindre un endroit secret en évitant cinq hommes venus pour le tuer. S'il réussit, il empoche beaucoup d'argent, mais François Jacquemard, nouveau participant, réalise très vite que le jeu est truqué...

 

 

Réalisé par le franc-tireur Yves Boisset, auteur du remarquable Dupont Lajoie (1975) ou encore de l'excellent R.A.S. (1973), Le prix du danger (1983) est l'adaptation d'une nouvelle de Robert Sheckley datant de 1958.

C'est surtout est un film d'anticipation qui passe rarement sur nos chaînes télévisées. Et pour cause. Il traite de la fascination engendrée par le Quatrième pouvoir (les médias, ici précisément la télévision) et sur les méthodes abominables employées pour obtenir de l'audimat.

 

Avec plus de vingt ans d'avance, Yves Boisset critique tout un système où les seuls buts recherchés sont l'audimat, le pouvoir et l'argent. Le cinéaste a l'intelligence de ne pas donner de limite géographique à son action. On sait simplement qu'elle se déroule en Europe. Comme à cette époque le dollar était la monnaie unique de référence (l'euro n'étant apparu qu'en 1999), le réalisateur a logiquement choisi d'évoquer dans son film cette monnaie.

 

Le concept de l'émission le prix du danger est simple. Une personne, soigneusement sélectionnée par les producteurs du jeu, va participer à ce jeu où elle doit survivre pendant quatre heures (durée de l'émission) à différentes épreuves. Si le participant s'en sort indemne, la chaîne CTV lui remettra un chèque d'un million de dollars. Les deux premières émissions du prix du danger se sont soldées par la mort du candidat. La troisième émission va être celle de notre référent, un homme du peuple, François Jacquemart. Il est interprété par un Gérard Lanvin jouant un de ses meilleurs rôles dans ce film prémonitoire alors que Patrick Dewaere était initialement prévu.

 

Dans Le prix du danger, les téléspectateurs, qui s'ennuient dans leur quotidien, sont à la recherche de sensationnel. La morale n'a plus cours. On se croirait revenu aux temps des gladiateurs avec des combats où la mort est banalisée. La mort n'est finalement que l'apothéose d'un spectacle malsain. Pourtant, la chaîne CTV rend ce spectacle « normal ». Comme le dit le directeur de la chaîne CTV, interprété par un Bruno Crémer dans un sacré rôle de salaud, où son unique but est l'audimat de son émission (en gros tous les coups sont permis, quitte à aider le héros en difficulté pour maintenir l'audimat à son point haut) : « dans un monde de dingue, il faut donner de la folie aux gens ».Et à ce niveau là c'est du haut niveau. Car ce jeu qui joue avec la vie des gens est horrible dans son concept. On semble arrivé à un point de non retour. Préfigurant nos émissions "poubelle" de télé réalité, le film atteint un point de non retour. Il est même très dangereux car il faut bien voir qu'il comporte des courses-poursuite en pleine ville. Des innocents pourraient être blessés.

 

S'il est d'un cynisme certain, ce long métrage fait également peur. Il confirme par exemple l'idée selon laquelle l'opinion publique peut être facilement manipulable. Le présentateur du prix du danger, interprété par un Michel Piccoli complètement amoral et grandiloquent, prouve cette idée.Michel Piccoli, dans le rôle de Malère, souffle le chaud et le froid selon les directives qu'il reçoit de sa direction : « chers amis, chers téléspectateurs [...] quel spectacle, quelle émotion. »

 

Là où Le prix du danger est épatant, c'est qu'Yves Boisset fait état de liens étroits entre la politique et la télévision. Au début du film, une femme qui travaille sur le jeu le prix du danger dit clairement que « la chaîne peut compter sur un appui discret mais efficace du gouvernement. » Pour sa part, Marie-France Pisier évoque dans le film ses jeunes années d'études où elle se berçait d'illusions : « je rêvais d'une télévision qui serait indépendante des pouvoirs. » Autant dire qu'une telle remarque ne peut pas passer inaperçue et constitue une véritable charge contre le gouvernement et les médias.

 

Mais le film va toujours plus loin. Il laisse supposer que les droits de recours face aux ignominies du jeu sont vains, puisque comme l'indique une personne qui travaille à la chaîne CTV sur ce jeu : « De toute façon, nous contrôlons plusieurs membres de la commission. » Le personnage de Malère va même encore plus loin dans les déclarations. Pour lui, ce jeu est nécessaire car « il y a va de l'intérêt national. Je soulignais au ministre du chômage l'effet de diversion provoqué par nos deux premières émissions. Pendant qu'ils se passionnent pour le prix du danger nos 5 millions de chômeurs oublient de descendre dans la rue. » La télévision n'est pas vraiment vue sous un jour agréable. Elle aurait un effet sur les masses en les neutralisant dans leurs éventuelles volontés de réaction. Cette démonstration est terrible car elle signifierait que les gens sont incapables de penser par eux-mêmes ou qu'en tout cas la télévision finirait presque par leur lobotomiser le cerveau.

 

Malère n'est pas seulement le représentant de la chaîne. Il est également une sorte de Big Brother avant l'heure. A plusieurs reprises dans le film, on le voit à travers un écran de télévision. Il est partout. Et il est notable aussi de constater qu'il y a des caméras de surveillance dans de nombreux endroits de la ville traversée par François Jacquemart . On est dans un régime où le terme démocratie n'est qu'un mot et non une réalité. Dans cet univers futuriste, pas si éloigné de notre société actuelle, la vision du monde nous rapproche immanquablement du 1984 de George Orwell.

 

Et pendant que le peuple est « endormi », la chaîne CTV en profite pour ramasser un maximum d'argent. On ne sera guère étonné de retrouver dans le film des nombreuses pauses publicitaires, effectuées sur le plateau de l'émission, qui sont présentées par Malère. Parfois, les situations paraissent bien incongrues, passant du coq à l'âne, mais la chaîne CTV ne cherche qu'à gagner de l'argent. Et à une heure d'écoute comme celle-ci, c'est essentiel.

 

La fin du film est l'apothéose d'un système qui non seulement ne faiblit pas, mais n'hésite pas à faire dans la surenchère. Au prochain épisode, Le prix du danger ne durera pas seulement 4 heures mais une journée entière; Et comme le dit la productrice de cette émission à la fin du film: « Je sais que vous voulez encore plus de sang, plus de violence et plus de carnage. Eh bien nous vous en donnerons. »

 

Espérons que l'on en arrive jamais jusque-là, même si la société 2.0 semble pourtant en prendre le chemin... En tout cas, voilà un film visionnaire faisant froid dans le dos. Incontournable !

 

Caractéristiques du blu ray édité par Tamasa Distribution :

 

L'image : Tamasa nous gâte avec une version restaurée 4K du prix du danger. L'image du film n'a jamais été aussi nette. On a presque l'impression de le redécouvrir.

 

Le son : il est lui aussi de très bonne facture. On entend très clairement la voix des acteurs et la musique entêtante du film signée Vladimir Cosma

 

Les compléments : Le blu ray comporte trois bonus avec trois interviews de personnes-clés du tournage du prix du danger : le réalisateur, le premier assistant et le producteur. Le premier bonus est donc un entretien avec le réalisateur intitulé Yves Boisset : l’envie d’en découdre (19mn14, 2013). Le cinéaste évoque la genèse du film (une courte nouvelle de Robert Sheckley, auteur de S-F), le tournage à Belgrade ou encore les acteurs principaux. On apprend ainsi que Patrick Dewaere devait initialement interpréter le rôle principal mais qu’étant fragile à cette époque, il n’a pu être retenu. Boisset revient également sur le caractère prémonitoire de son film avec cette course à l’audimat. Non sans humour, il signale que la sortie du prix du danger a rendu furieux plusieurs présentateurs TV qui se sont sentis visés dans le personnage joué par Michel Piccoli. Cet entretien est entrecoupé de courtes scènes du film.

Dans le second bonus nommé Marc Angelo raconte (35 mn17), on a donc droit à un entretien avec Marc Angelo, premier assistant réalisateur sur le prix du danger. S’il estime que ce poste de premier assistant est très important, il préférera par la suite être réalisateur. On retrouve certaines informations délivrées par Boisset dans le premier bonus. Marc Angelo considère que le film a été compliqué à faire, ce qui ne serait plus le cas aujourd’hui avec les fonds verts. Quelques anecdotes à propos de Boisset nous apprennent que le réalisateur arrivait tard sur le tournage, qu’il tournait vite et avait toute confiance en son assistant réalisateur. Marc Angelo mentionne également Norbert Saada, le producteur du film, présent sur le tournage sans être envahissant. Globalement, les informations de Marc Angelo sont plutôt intéressantes, même si l’entretien aurait pu être plus court.

Le troisième et dernier bonus Vu par Norbert Saada (26mn36) est un entretien avec le producteur Norbert Saada. Il évoque la présentation du film à Avoriaz ou encore le fait qu’il ait été critiqué par Jacques Martin qui pensait que l’on ciblait une de ses émissions. Le financement a été difficile puisqu’il critiquait la télévision. Norbert Saada évoque le tournage en Yougoslavie et à Paris, ainsi que le casting. Il ne fait pas dans la langue de bois, se révélant parfois critique au sujet d’Yves Boisset, même s’il lui reconnaît des qualités. Norbert Saada s’en prend au cinéma d’aujourd’hui, d’après lui trop important en nombre au détriment de la qualité.

 

 

 

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8 avril 2024

Le retour de Martin Guerre de Daniel Vigne (critique film + blu ray)

Titre du film : Le retour de Martin Guerre

 

Réalisateur : Daniel Vigne

 

Année : 1982

 

Origine : France

 

Durée : 1h57

 

Avec : Gérard Depardieu, Nathalie Baye, Maurice Barrier, Bernard-Pierre Donnadieu, Dominique Pinon, etc.

 

Editeur : Tamasa Distribution

 

En blu ray le 9 avril 2024

 

Synopsis : Au XVIe siècle, Martin revient dans son village natal de l’Ariège après plusieurs années passées à la guerre. L’homme se rappelle tout, les habitants, leur histoire et jusqu’au moindre détail ; sa femme et ses amis semblent heureux de son retour. Mais très vite, les soupçons pèsent sur le jeune homme : est-il bien celui qu’il prétend être ?

 

Le retour de Martin Guerre est le deuxième film de Daniel Vigne après Les hommes (1973). Pour ce réalisateur ayant beaucoup œuvré pour la télévision, Le retour de Martin Guerre apparaît clairement comme son film le plus connu et le plus marquant, plus de 40 ans après sa sortie en salles (1982).

Il faut dire que Daniel Vigne a bien choisi son sujet. En s'inspirant notamment du récit de l'historienne Natalie Zemon Davis, il s'intéresse à la fascinante histoire de Martin Guerre, jugée au Parlement de Toulouse en 1560 et dont le récit a traversé les époques.

La première des nombreuses qualités du film est sa reconstitution minutieuse d'un village français du XVIème siècle. Outre des décors convaincants, ce long métrage peut compter également sur un formidable travail au niveau des costumes.

Mais le plus remarquable dans cette œuvre de fiction est sans conteste la vie d'une communauté villageoise auquelle on assiste à cette période moyen-âgeuse.

Au début de cette histoire, le jeune Martin Guerre épouse la toute aussi jeune Bertrande afin de lier les biens de deux familles de paysans relativement aisées. Peu attiré par sa femme et par le travail de la terre, Martin quitte son village avant de faire son retour près de huit ans plus tard.

Le film reproduit brillamment les us et coutumes de l'époque. L'identité des gens n'est pas définie par un document comme aujourd'hui tel qu'une carte d'identité ou un passeport. Dans cette société encore archaïque, la tradition orale était prépondérante. Les gens restaient généralement dans le même village tout au long de leur vie. Ils s'aventuraient peu en dehors. Ils étaient alors connus par leur voisinage et par les membres de leur communauté.

Pendant une grande partie du film, celui-ci pose une question fondamentale : est-ce bien Martin Guerre qui est revenu au village ou un formidable usurpateur ayant pris son identité ? Cette question reste entière pendant la majeure partie du film. Le cinéaste Daniel Vigne distille un doute dans la tête du spectateur. Surtout qu'en corollaire de cette question d'identité, il y a des enjeux importants concernant les biens et notamment l'héritage.

Il convient de souligner la prestation formidable de Gérard Depardieu dans le rôle de Martin Guerre. En 1982, l'acteur est au sommet de son art. Il livre ici une grande performance en jouant un personnage très prolixe, très enjoué. Il connaît très bien les membres de cette communauté et leurs histoires. Depardieu entretient parfaitement le doute sur la question de l'usurpation d'identité. De son côté, Nathalie Baye campe une Bertrande tout en finesse et en sensibilité. Elle entretient elle aussi le doute sur la réalité de son époux.

Même si Le retour de Martin Guerre glisse progressivement en film de procès, il comporte malgré tout un fil rouge notable autour du féminisme. A cette époque, quel est le lien entre un homme et une femme ? Est-ce le mariage imposé très tôt aux gens par la société ou est-ce au contraire la liberté d'une femme effectuant ses propres choix ?

Le retour de Martin Guerre a certes bénéficié de plusieurs César en 1982 mais il n'a pas obtenu les récompenses les plus prestigieuses. En l’occurrence il est reparti avec le meilleur scénario original, le meilleur espoir masculin pour Dominique Pinon, le meilleur décor et la meilleure musique. Cela n'a pas vraiment d'importance dans la mesure où le film a durablement marqué les esprits et pas uniquement ceux des spectateurs français. A tel point que les Américains ont choisi d'en faire un remake, le plus romantique Sommersby (1993) avec Richard Gere et Jodie Foster. Si l'histoire reste très fidèle à l'original, elle a été transposée durant la guerre de Sécession. Une preuve supplémentaire que Le retour de Martin Guerre est une œuvre importante et universelle par les thématiques qu'elle évoque.

 

Caractéristiques du blu ray édité par Tamasa Distribution :

 

L'image : elle est magnifique avec une restauration 4K de qualité. On a jamais vu ce film très pictural dans de telles conditions.

 

Le son : on entend parfaitement la voix des acteurs. On apprécie l'initiative de l'éditeur Tamasa d'avoir fait le choix de doter cette belle édition d'une version en audiodescription et de sous-titres (optionnels) pour sourds et malentendants.

 

Les compléments : le principal bonus est un documentaire récent de Roland-Jean Charna intitulé “Le cas et l'affaire Martin Guerre” (54mn03). La question est de savoir si Martin Guerre est un cas pathologique, un usurpateur ou un magnifique menteur. Le documentaire laisse la parole au cinéaste Daniel Vigne, à des médecins spécialisés en psychiatrie notamment et à l'historien Vincent Denis. Ce bonus constitue un complément idéal au film. Il est d'ailleurs préférable d'avoir vu le film avant puisque l'intrigue est révélée. Si les interventions sont globalement intéressantes, celle de Vincent Denis, maître de conférence en histoire moderne, spécialiste de l'identification, apparaît la plus pertinente. L'historien fait le lien de l'histoire de Martin Guerre et de son époque, il revient sur cette célèbre affaire et livre de nombreuses clés de compréhension, très appréciables.

30 mars 2024

Raspoutine le moine fou de Don Sharp (critique film + blu ray)

raspoutineafficheTitre du film : Raspoutine le moine fou

Réalisateur : Don Sharp

Année : 1966

Origine : Royaume-Uni

Durée : 1h31

Avec : Christopher Lee, Barbara Shelley, Suzan Farmer, Francis Matthews, Richard Pasco, Renée Asherson, etc.

Editeur : Tamasa Distribution

Film disponible uniquement dans le coffret Hammer tome 1, 1966-1969 l'âge d'or, édition 7 films en Combo Blu-ray & DVD limitée à 2000 exemplaires numérotés. En vente depuis le 31 octobre 2023

Synopsis : Gare à son regard meurtrier, à son toucher mystique, vous ne serez plus jamais libre de son emprise maléfique ! Avant la révolution russe à St Petersbourg, le sinistre moine Raspoutine démontre qu'il a le pouvoir surnaturel de tranquilliser les fous et guérir les malades. Mais à quel prix ? Aidé de ses pouvoirs d'hypnotiseur, Raspoutine entame une quête de pouvoir et de richesse dépravée et sans scrupules...

raspoutine3Réalisé en 1966 par l'australien Don Sharp à qui l'on doit l'excellent Baiser du vampire (1963), Raspoutine le moine fou est une production Hammer conçue à l'origine comme un double programme avec La femme reptile. En 1966, le personnage mythique de Raspoutine, moine guérisseur et manipulateur ayant œuvré à la cour de Nicolas II, a déjà fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques. 

Initialement, le studio Hammer avait songé à un film historique. Mais cette idée a rapidement été balayée, le scénario prenant alors des allures d'une bonne série B mâtinée d'épouvante. A la vision de Raspoutine le moine fou on sent bien la patte du studio Hammer qui a repris quelques éléments-clés du mythe de Raspoutine pour broder autour tout ce qui fait le sel de ses productions.

L'acteur Christopher Lee, inoubliable pour ses rôles de vampire dans les films de Terence Fisher, occupe ici le rôle de Raspoutine. Il s'en donne à cœur joie et a visiblement bénéficié d'une carte blanche en la matière. On ne l'a jamais vu aussi extravagant. Il est à mille lieux de son interprétation dans Dracula prince des ténèbres où il n'avait pas une ligne de dialogue. Ici, il joue un Raspoutine alcoolique, porté sur les femmes, qui n'a de cesse de rire à la folie. Cela contribue à l'aspect amusant du film avec plusieurs scènes humoristiques. On songe ainsi aux concours de vin ou encore aux scènes où Christopher Lee se met à danser. Cela peut paraître "too much" mais c'est justement cet excès qui fait tout l'intérêt de ce long métrage.

raspoutine2Raspoutine le moine fou comporte surtout une vision fantasmée de ce personnage mythique en privilégiant son inexorable ascension. En tout état de cause, le côté manipulateur du personnage est très bien mis en scène. A de nombreuses reprises, on voit le regard hypnotique de Christopher Lee, rappelant pour le coup ses prestations en Dracula, qui séduit ses victimes féminines. Christopher Lee est vraiment excellent avec sa voix rauque et son regard insistant. Il envoûte ses pauvres femmes. Il parvient aussi, de façon étonnante, à guérir des personnes par une simple imposition des mains. C'est inmanquablement ce qui contribue à sa légende. L'aspect série B, mélange de fantastique et d'horreur, sied à merveille à ce film.

Dans cette oeuvre atypique de la Hammer puisqu'il n'y a aucune créature horrifique (quoique, Raspoutine est-il une figure humaine ?), on retrouve en grande partie le casting de Dracula prince des ténèbres. A ce titre, Barbara Shelley est éblouissante dans le rôle de cette demoiselle d'honneur de la tsarine fascinée par Raspoutine. On a beau être en 1966, par sa relation avec Raspoutine, il y a vraiment un aspect sensuel qui permet de faire fi de la censure.

raspoutine1Evidemment, ce long métrage ne serait pas si réussi sans sa photographie typique de la Hammer. Raspoutine le moine fou est une oeuvre très colorée avec une photographie sublime. Cela donne un cachet incroyable au film. Mention spéciale à Christopher Lee portant des tenues excentriques et flashy à souhait dans la deuxième partie du film.

Le spectateur amateur de sensations fortes en a également pour son argent. Il pourra se délecter de plusieurs scènes horrifiques-chocs : main coupée, personne défigurée, suicide prémédité, etc. Raspoutine a une ambition sans limites. Il ne recule devant rien pour mettre son plan à exécution et arriver à ses fins : atteindre les hautes sphères de la société.

En fin de compte, Raspoutine le moine fou est un incontournable de la Hammer. Ce film majeur bénéficie en outre de la restauration récente de la société Tamasa.

coffretHammer

Caractéristiques du blu ray édité par Tamasa Distribution :

Une édition une nouvelle fois excellente sur le plan technique.


L’image
 : elle est magnifique. On a jamais vu Raspoutine le moine fou dans de telles conditions. La photographie et les décors sont grandioses. Encore une belle réussite de la part de Tamasa Distribution.

Le son : le son est lui aussi excellent. Le film est disponible uniquement en version originale sous-titrée français, ce qui plaira aux puristes.

Les suppléments : L'épouvante historique par Nicolas Stanzik” (30mn20) constitue un complément idéal au film. Grand spécialiste de la Hammer, Nicolas Stanzik est l'auteur du premier ouvrage consacré en France à ce studio, “Dans les griffes de la Hammer” (2008). Ici, il revient sur le personnage de Raspoutine, sur la genèse du film, sur ses thématiques et s'intéresse de près au cinéaste Don Sharp. Les 30 minutes de ce bonus passionnant passent très vite. Dans un autre bonus intitulé “Folie furieuse et satin rose par Mélanie Boissonneau” (8mn27), cette autre spécialiste de la Hammer analyse dans le détail une scène-clé du film. Elle explique que ce rôle est un des préférés de Christopher Lee. Mélanie Boissonneau s'intéresse aux vêtements qu'il porte dans le film, qui sont de plus en plus extravagants. La séquence qu'elle analyse est une des plus délirantes du film. Christopher Lee ne recule devant rien et ce  au détriment du personnage joué par Barbara Shelley. Mélanie Boissonneau commet une petite erreur en indiquant par deux fois qu'il s'agit d'un film de Terence Fisher alors que le cinéaste derrière la caméra est Don Sharp. Les suppléments se terminent avec le film annonce (2mn54).

21 mars 2024

Le chat et le canari de Radley Metzger (critique film + blu ray)

Titre du film : Le chat et le canari

 

Réalisateur : Radley Metzger

 

Année : 1979

 

Origine : Royaume-Uni

 

Durée : 1h38

 

Avec : Carol Lynley, Olivia Hussey, Wilfrid Hyde-White, Honor Blackman, Wendy Hiller, Edward Fox, Peter McEnery, Michael Callan, etc.

 

Editeur : Rimini Editions

 

En édition collector le 22 mars 2024 : combo blu ray + DVD + livret de 24 pages conçu par Marc Toullec intitulé “Qui veut gagner des millions ?"

 

Synopsis : Pour le vingtième anniversaire de la mort du richissime Cyrus West, ses héritiers sont réunis dans son château : ils vont enfin connaitre le contenu de son testament. Selon ses dernières volontés, la jeune Annabelle West sera la seule bénéficiaire de sa fortune. C’est alors qu’on apprend qu’un dangereux psychopathe écume la région. Les morts violentes vont se succéder.

 

Le chat et le canari est à l'origine une pièce de théâtre en quatre actes écrite par John Willard en 1921 et jouée à Broadway à partir de 1922. Cette pièce a été adaptée plusieurs fois au cinéma, la dernière étant cette version de 1979.

 

Le plus étonnant ici est sans doute l'identité du réalisateur. En 1979, l'américain Radley Metzger (1929-2017) est un cinéaste reconnu, travaillant énormément sa mise en scène et la qualité de son image. On lui doit plusieurs des oeuvres majeures du cinéma érotique (The image, 1976) et même des classiques du cinéma pornographiques (The opening of Misty Beethoven, 1976 adaptation de My fair Lady). Dans Le chat et le canari, Metzger reste extrêmement sage, le film ne comportant aucune dimension érotique.

 

En fait, Metger a parfaitement rempli le cahier des charges d'un film à suspense se déroulant dans un beau manoir anglais. Ce huis-clos dans une ambiance années 30 a d'ailleurs tout d'un Cluedo géant. Réunis dans le cadre d'un héritage, des personnages vont mystérieusement disparaître. On devine que le coupable est l'un d'entre eux. A la recherche du “whodunit” (littéralement qui l'a tué ?), le film marche sur les traces de l'oeuvre d'Agatha Christie. On songe aussi au giallo italien, alors très en vogue, par l'aspect mystérieux du tueur habillé en noir et avec un chapeau. D'autant qu'il a également une (légère) violence pour certains meurtres.

 

Mais là où Le chat et le canari se démarque de la production courante, c'est par son aspect fantastique. Avec finalement peu de moyens mais beaucoup d'ingéniosité, Metgzer parvient à distiller une ambiance mortifère, à la lisière du fantastique. Plusieurs éléments retiennent l'attention, qu'il s'agisse du chat noir, de la survenance d'un cavalier (de la mort ?) ou encore de l'épisode du repas. Lors de celui-ci, Metger effectue de manière très ludique un jeu quelque peu malsain avec le défunt West qui, par le biais d'une vidéo enregistrée, teste les invités autour de son héritage : “vous êtes une bande de petites canailles”, comme il s'amuse à le dire.

 

Il faut dire que comme dans tout bon film à la Agatha Christie, Le chat et le canari bénéficie d'un charme typiquement britannique avec les protagonistes n'hésitant pas à s'envoyer des piques..mais avec du style !

 

Si le film suit dans l'ensemble un schéma classique, il demeure agréable à regarder tant par ses rebondissements que pour sa mise en scène. Le réalisateur Radley Metger utilise très bien la géométrie des lieux du manoir, qu'il s'agisse de la grande allée centrale ou encore des différents recoins du manoir. Par ailleurs, pour assurer le suspense et l'aspect divertissant du film, Metzger multiplie les passages secrets avec un tueur capable de sévir à n'importe quel moment. Les décors sont judicieusement dépouillés, renforçant ainsi le sentiment de peur.

 

Et comme dans un roman d'Agatha Christie, il faudra attendre la fin de l'histoire pour connaître l'identité du tueur (même si ses motivations paraissent évidentes). Suspense garanti jusqu'au bout !

 

Côté distribution, ce long métrage n'a pas vraiment de stars mais peut s'appuyer sur des visages bien connus. On retrouve ainsi avec plaisir l'actrice Olivia Hussey (Roméo et Juliette, 1968) ou encore Carol Lynley, vue dans de nombreux films et séries télévisés. En tout état de cause, le casting est de qualité et on sent que les acteurs ont passé du bon temps pendant le tournage du film.

 

En fin de compte, Le chat et le canari est une enquête criminelle plaisante à regarder. Voilà une sympathique découverte exhumée par Rimini Editions.

 

 

Caractéristiques du blu ray édité par Rimini Editions :

 

L'image : elle est somptueuse sur le blu ray. Voilà une magnifique restauration permettant d'apprécier ce huis-clos pour la première fois en haute définition (DTS-HD).

 

Le son : le film est disponible en version française et en version originale sous-titrée français. Le doublage français est de qualité avec des voix que l'on entend clairement. Pas de bruit parasite, ce qui est appréciable.

 

Les suppléments : aucun bonus sur le blu ray. Le combo digipack/blu ray bénéficie quant à lui d'un livret de 24 pages conçu par Marc Toullec.

12 mars 2024

Comme une louve de Caroline Glorion (critique film + DVD)

Titre du film : Comme une louve

 

Réalisatrice : Caroline Glorion

 

Année : 2023

 

Origine : France

 

Durée : 1h35

 

Avec : Mathilde La Musse, Sandrine Bonnaire, Naidra Ayadi, Laurence Côte, Sarah Suco, Arthur Igual, François Morel, etc.

 

Editeur : Blaq Out

 

DVD sorti depuis le 20 février 2024

 

Synopsis : Lili, 26 ans, précaire, élève seule ses trois enfants. Accusée à tort de mauvais traitements, les services sociaux les lui arrachent. Elle s'effondre mais très vite, entourée de femmes solides et d’un amour naissant, Lili se lance dans une bataille décisive pour reconstruire sa famille.

 

La réalisatrice Caroline Glorion est une ex-journaliste. Elle dispose d'un solide CV dans le milieu télévisuel. Ancienne grand reporter, notamment pour le magazine Envoyé spécial, elle a réalisé de nombreux documentaires pour Canal Plus, France 2 et France 5. Comme une louve constitue son premier long métrage de fiction.

 

Il s'agit clairement d'un film social dans la veine d'une œuvre de Ken Loach, Comme une louve dépeint le quotidien de Lili dont le principal crime est d'être pauvre et un peu paumée. Il faut dire que la jeune femme n'est pas aidée avec des parents qui l'ont depuis longtemps délaissée. De son côté, elle est la mère de trois enfants dont les pères ont disparu des écrans radar. C'est dans ce contexte familial délicat que cette mère célibataire peine à s'en sortir. Obligée de vivre au sein d'un foyer de femmes, elle voit son destin basculer le jour où ses enfants lui sont retirées pour des prétextes fallacieux.

 

A la manière d'un documentaire, Caroline Glorion décrit de façon minutieuse le système français de placement d'enfants. Elle décrit une administration, rigide, implacable, qui retire rapidement des enfants à des parents défavorisés. Les situations auxquelles on assiste paraissent très réalistes, qu'il s'agisse de l'aide sociale à l'enfance (ASE) avec ses assistantes sociales ou encore les juges en charge de ces affaires.

 

Contrairement à ce que l'on voit généralement dans ce genre de films, Caroline Glorion s'intéresse uniquement au point de vue de la mère privée de ses enfants. La famille d'accueil est tout juste aperçue au détour d'une scène. Car cela n'est pas l'objet du film. Le sujet est bien l'amour d'une mère pour ses enfants, qui va tout faire pour les récupérer. Œuvre particulièrement engagée, Comme une louve est très clair quant à ses intentions avec ces mots à la fin : “ce film est dédié à toutes les familles brisées par des séparations injustes, ainsi qu'à toutes celles et ceux qui se battent à leurs côtés.”

 

Il faut dire qu'en matière de mère combative et protectrice (d'où le titre du film), Caroline Glorion peut compter sur une sacrée actrice. Mathilde La Musse, dans le rôle de Lili, est une vraie découverte. L'actrice crève l'écran avec un jeu réaliste et bien plus nuancé que prévu. Elle est vraiment impeccable dans le rôle de cette jeune femme écorchée vive, handicapée par un passé familial douloureux, et qui va cependant tout mettre en œuvre pour s'en sortir. Par son côté opiniâtre et sa rage de vivre, elle n'est pas sans rappeler une certaine Sara Forestier au début de sa carrière (L'esquive, Le nom des gens). De nombreux dialogues font mouche et posent de vraies questions de société. A l'image de cette remarque implacable au sujet de sa situation financière compliquée : “L'argent que vous donnez à la famille d'accueil pour qu'ils s'occupent de mes gosses, pourquoi vous le donnez pas à moi ce fric.” La question mérite d'être posée : n'y a-t-il pas une alternative à ces placements d'office ?

 

Le film montre bien que ce placement crée des situations dramatiques sur le plan humain et cette solution peut s'avérer bien pire que la situation initiale. Caroline Glorion conserve tout de même une dose d'espoir. Elle brosse ainsi le portrait de femmes solidaires, toujours prêtes à aider Lili, qu'il s'agisse de son ancienne camarade du foyer, de son amie d'enfance ou encore d'une avocate humaniste (Sarah Suco dans le bon ton). Cette solidarité féminine et plus généralement cette bienveillance fait chaud au cœur face à la tonalité dramatique du film.

 

Si Comme une louve s'en tire globalement très bien, il n'échappe pas à quelques défauts. L'administration est toujours perçue négativement, qu'il s'agisse d'une assistante sociale implacable (Sandrine Bonnaire) ou d'un juge ayant bien d'autres affaires à régler que celles de Lili (François Morel). Certes, on n'est pas dans la caricature ou dans les clichés mais un peu plus de nuances aurait pu être profitable au film.

 

Au final, Comme une louve est une œuvre sociale importante, portée par une jeune actrice remarquable. Elle met l'accent sur des situations de vie compliquées et injustes. Si le placement d'enfants se justifie dans des cas évidents (parents violents, incompétents, inceste, etc.), cela ne doit pas être une généralité pour le seul motif de la pauvreté : “Monsieur le juge son seul crime est d'être seule et pauvre”. Ces enfants placés n'ont pas forcément une vie meilleure. Quant aux parents, ils ont évidemment le sentiment que l'on "vole" leurs enfants comme le dit plusieurs fois LIli dans le film. Gageons que ce long métrage permette de mieux appréhender les choses. 

 

Caractéristiques du DVD édité par Blaq Out :

 

L'image : elle est excellente pour ce film sorti en 2023 au cinéma.

 

Le son : disponible dans un dolby digital 5.1 (et en 2.0) tout à fait probant. L'éditeur Blaq Out propose le film en audio-description et la possibilité de le visionner avec des sous-titres pour sourds et malentendants. Une initiative toujours appréciable pour les personnes concernées.

 

Suppléments : Aucun bonus. C'est dommage. On aurait apprécié une interview de la réalisatrice et/ou de l'actrice principale.

5 mars 2024

Suro de Mikel Gurrea (critique film + DVD)

Titre du film : Suro

Réalisateur: Mikel Gurrea

Année: 2022 (sortie dans les salles françaises le 2 août 2023)

Origine : Espagne

Durée : 1h56

Avec : ‎ Vicky Luengo, Pol López, Ilyass El Ouahdani, Josep Estragués, David Parcet, etc.

Synopsis : Elena et Ivan s’apprêtent à entrer dans une nouvelle phase de leur vie. Ils quittent la métropole de Barcelone pour s’installer dans la campagne de Catalogne, où ils reprennent une plantation de chêne-liège. Le commerce du liège devra non seulement leur permettre d’assurer leur existence, mais ils comptent également exploiter la plantation de manière équitable et durable. Malgré leurs idéaux, Elena et Ivan doivent faire face à la dure réalité et se retrouveront bientôt dans une crise qui mettra non seulement en danger leur projet commun, mais aussi leur relation.

Editeur: Tamasa Distribution

En DVD le 12 mars 2024

 

Suro est le premier long métrage du cinéaste espagnol Mikel Gurrea. Ce jeune cinéaste s'est basé sur sa propre expérience. En effet, durant l'été 2009, il avait participé à la récolte du liège au nord de la Catalogne. Visiblement impressionné par ce travail très spécifique, il a donc décidé de nombreuses années plus tard d'en faire une fiction.

Suro est ainsi un film sur un couple de Barcelonais, Elena et Ivan, ayant fait le choix de changer complètement d'environnement, en s'installant dans une propriété à la campagne. Ce changement va évidemment occasionner des bouleversements dans leur vie. D'ailleurs, le réalisateur Mikel Gurrea analyse assez finement l'évolution de ce couple - sachant que la jeune femme est en plus enceinte - à l'orée des idéaux d'Elena et d'Ivan. Le cinéaste évite toute forme de manichéisme. Chacun a ses raisons mais force est de constater que dans un environnement nouveau, il est bien difficile de concilier les souhaits et les aspirations de chacun.

 

Par petites touches, Mikel Gurrea montre un couple, uni et très amoureux au départ, finissant par vivre de vrais moments de tension. Il met bien en scène la modification des sentiments. Rien d'irrémédiable mais on sent que le torchon brûle. Deux scènes qui se font miroir illustrent parfaitement le changement amoureux : au début du film, Elena et Ivan effectuent une danse sensuelle. A la (presque) fin du film, seule Elena danse et on sent qu'elle a besoin de se défouler plus que tout autre chose.

 

De la même façon, Suro décrit de façon quasi documentaire le travail d'extraction du liège. L'écorçage du liège, métier peu connu, apparaît comme une activité très technique et très physique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, hormis le couple vedette joué par des acteurs professionnels, le reste du casting est joué par des non professionnels qui sont de véritables écorcheurs de liège. Il est intéressant de constater que tant dans la sphère privée (le couple) que dans la sphère du travail, il s'établit constamment un rapport de force. Il y a toujours quelqu'un qui essaie de dominer l'autre.

 

On voit que certains profitent de la misère en utilisant des Marocains sans papiers. Le film déploie alors une nouvelle thématique, critiquant clairement cette société capitaliste. Suro rappelle de ce point de vue l'excellent It's a free world de Ken Loach. Que l'on soit au Royaume-Uni ou en Espagne, l'argent n'a pas d'odeur et l'exploitation de l'homme par l'homme a cours partout.

 

Mine de rien, Suro est un film d'une grande richesse jouant sur de nombreux tableaux. C'est évidemment un film sincère sur le changement au sein d'un couple mais pas uniquement. C'est aussi une œuvre mettant l'accent sur un métier peu connu tout en soulignant le dérèglement climatique. On assiste aussi à un véritable drame humain face à la situation de ces travailleurs immigrés.   

                                               

Ce long métrage doit évidemment sa réussite à la qualité de sa mise en scène, très rigoureuse et appliquée, et à la multiplicité des thématiques développées. Evidemment, le film peut aussi se targuer d'une très bonne distribution. Vicky Luengo et Pol Lopez jouent respectivement le rôle d'Elena et d'Ivan. Ces acteurs ne donnent pas l'impression de jouer, tant ils font corps avec leurs personnages. On est donc d'autant plus sensibles à leurs choix et à la tension latente au sein de leur couple. Les acteurs non professionnels sont également remarquables de justesse dans leur jeu.

Suro est donc un petit film méconnu méritant largement d'être découvert.

 

 

Caractéristiques du DVD édité par Tamasa Distribution :

 

L'image : elle est impeccable, notamment dans les nombreuses séquences diurnes du film.

Le son : il est très bien réparti dans l'espace et ne comporte aucun défaut. A noter que le film est visionnable uniquement en version originale sous-titrée français.

Les compléments : cette édition comporte plusieurs bonus. Heltzear (2021, 17mn43) est un court-métrage de Mikel Gurrea sélectionné à la 78ème Mostra de Venise. Plutôt énigmatique, il met en scène une jeune lycéenne faisant de l’escalade et parlant tout du long à un frère manifestement disparu. Ce court-métrage oscille entre dépassement de soi, goût pour la nature et affect. Le second bonus, Premiers plans (5mn45) donne l’occasion au réalisateur Mikel Gurrea d’évoquer de façon succincte son film Suro et comment est né le projet. On retrouve également sur ce DVD douze scènes coupées (19mn16), qui durent de quelques secondes à quelques minutes. Chacune de ces scènes est précédée d’une explication textuelle permettant de comprendre où elle devrait se situer dans le film. Présentées dans l’ordre du film, ces scènes coupées sont intéressantes dans le cadre d’un bonus. Toutefois, leur absence du film est justifiée dans la mesure où elles semblent accessoires. Elles auraient ralenti l’action du film qui dépasse déjà les 1h50. Les compléments du DVD s’achèvent avec le film annonce (1mn31).

Cette belle édition présentant le DVD dans un digipack comprend par ailleurs un livret de 16 pages agrémenté de belles photos du film. Le cinéaste revient sur la genèse de Suro et la façon dont il l’a envisagé. Le livret permet de découvrir des choses au sujet du réalisateur et des acteurs principaux.

 

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