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Déjantés du ciné
5 décembre 2008

Les grands espaces de William Wyler

Les_grands_espaces Réalisé par William Wyler
Titre original : The big country
Année : 1958
Origine : Etats-Unis
Durée : 166 minutes
Avec : Gregory Peck, Carroll Baker, Jean Simmons, Charlton Heston, Burl Ives, Charles Bickford,...

Fiche IMDB

Résumé : Venant de Baltimore, James McKay arrive dans le petit village de San Rafael, au coeur de l'Ouest américain, pour y retrouver sa fiancée Patrcia, fille du major Terrill, gros propriétaire de la région...

Ce texte n'exprime qu'une interprétation personnelle de ce film considéré par beaucoup comme un classique hollywoodien. Ce n'est pas vraiment une critique, mais plutôt une notule allongée que j'avais prévu au départ de classer dans la rubrique En bref. Cependant, vu la longueur du texte, j'ai préféré le faire apparaître dans la rubrique Critiques de films.

L’inégal cinéaste américain William Wyler, auteur de très beaux films comme Les plus belles années de notre vie, La lettre, Vacances romaines ou encore de l’intrigant L’obsédé mais aussi d’oeuvres beaucoup plus contestables comme l’irritant Funny girl ou le surestimé Ben Hur (la version de 1959), même si ce film comporte quelques scènes fortes (pour la plupart mises en scène par le réalisateur de seconde équipe, comme la fameuse course de chars), n’a pas réalisé beaucoup de westerns, privilégiant le mélodrame ou les films à thèse, genres considérés comme plus nobles à l’époque par les canons hollywoodiens.

Datant de 1958, Les grands espaces permet à Wyler de revenir à ce genre, 18 ans après l’intéressant Le cavalier du désert, mais on sent que le réalisateur ne se sent pas vraiment à l’aise, d’autant que les paysages naturels ne l’ont jamais vraiment inspiré, à la différence de John Ford, Anthony Mann ou encore Delmer Daves.

Wyler est en effet un cinéaste de chambre, qui préfère les espaces clos. Il a notamment souvent utilisé de manière audacieuse l’espace du plan, où la scène importante se déroulait à l’arrière-plan, alors qu’au premier plan le spectateur assistait à une séquence sans intérêt, ce qui lui permettait de placer les personnages dans un contexte plus large et donc plus réaliste et de faire appel à l’implication du public de cinéma, qui devait être particulièrement attentif à ce qui se passait sur l’écran. Des cinéastes comme Robert Altman ont su s’en souvenir et appliquer cette technique originale.

On comprend donc aisément que l’immensité des paysages naturels n’attire guère Wyler, qui ne sait ni doter les éléments naturels d’un enjeu stratégique comme chez Abthony Mann, ni en exacerber le lyrisme vibrant comme chez Daves, ni conférer à la Terre l’aura nostalgique et éternelle qui l’attache à l’Homme et qui fait naître la communauté, comme chez Ford.

Ainsi, malgré les énormes moyens mis à la disposition du cinéaste, Les grands espaces pâtit d’une platitude problématique dans les extérieurs pourtant nombreux du film, surtout pour un métrage qui a pour titre The big country (titre original, fidèlement traduit par Les grands espaces).

En effet, à aucun moment, le spectateur ne ressent le pouvoir de la Terre, du sol, la présence de la Nature. Les chevauchées, évidemment présentes, semblent étonnamment statiques. L’intrigue, qui narre la lutte entre deux ranches, aurait dû impliquer un traitement important des grands espaces, ce qui n’est pas le cas, surtout que l’enjeu est tout de même la possession d’une plus vaste étendue.

Se sentant sans doute peu à l’aise avec les extérieurs, Wyler a préféré privilégier la tragédie qui lie les deux familles propriétaires des deux ranches.

Il en résulte une œuvre hybride assez fascinante, constamment partagée entre le manque de lyrisme des paysages naturels qui auraient dû exacerber l’opposition entre ces deux familles et la force pourtant indéniable de ce conflit, que le traitement du cinéaste isole au point de toujours dépasser les forces naturelles.

Du coup, Les grands espaces possèdent une puissance tragique d’autant plus impressionnante qu’elle semble s’opposer à la Nature. Le traitement terne des paysages et de la Terre finit par servir le film, démontrant que le cycle infernal de la vengeance devient presque autonome, coupant les ponts avec les forces naturelles qui ne peuvent alors que constater dans l’indifférence les conséquences de la folie humaine (alors que la vengeance est innée chez l’Homme).

Le héros, interprété de manière convaincante par Gregory Peck, référent du spectateur (c’est en effet un marin, qui découvre en même temps que le spectateur le monde de l’Ouest), assiste impuissant à l’affrontement meurtrier des deux familles, qui semblent ne plus avoir de limites, multipliant les victimes qui n'ont que le défaut d'appartenir à l'une ou l'autre des deux familles.

Si les rapports amoureux entre le héros et deux femmes (jouées par les belles Carroll Baker et Jean Simmons) ne sont pas très creusés (bien qu’ils tiennent une place non négligeable en termes de temps du film, sans doute le côté soap-opera très apprécié en général du public notamment américain) et ralentissent quelque peu ce long film (2h46), Wyler s’intéresse aussi à l’envenimement des relations entre les deux familles, les auréolant d’une ampleur tragique remarquable : plus le film avance plus l’issue fatale du conflit semble inéluctable, où seule la mort des deux chefs de familles (qui finissent d’ailleurs par en avoir conscience) pourra apaiser les hostilités, dans l’indifférence de la Nature la plus totale.

L'affrontement ne concerne en effet que les deux familles et se ferme entièrement au monde extérieur (donc la Nature).

Au final, Les grands espaces s’avère être un très curieux western, coincé entre épopée et film de chambre (sans jamais trancher), mais dont les carences de mise en scène finissent par servir le propos. C’est en tout cas une œuvre imparfaite qui mérite d’être redécouverte...

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