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Déjantés du ciné
13 décembre 2008

La femme de chambre du Titanic de Bigas Luna

La_Femme_de_chambre_du_Titanic Réalisé par José Juan Bigas Luna
Titre international : The chambermaid on the Titanic
Année : 1997
Origine : France / Italie / Espagne / Allemagne
Durée : 100 minutes
Avec : Olivier Martinez, Romane Bohringer, Aitana Sanchez-Gijon, Didier Bezace, Aldo Maccione,...

Fiche IMDB

Genre : comédie dramatique


Attention, cet avis contient des spoilers !

Cette co-production à majorité française datant de 1997 et réalisée par le cinéaste espagnol José Juan Bigas Luna (auteur des très beaux Jambon Jambon et Son de mar), est une œuvre étrange qui exerce chez le spectateur une fascination onirique assez remarquable.

Le point de départ de La femme de chambre du Titanic est plutôt original : un ouvrier lorrain de très modeste condition, Horty (interprété avec brio par l’acteur français Olivier Martinez), fiancé à une jeune fille de son milieu, Zoé (Romane Bohringer, très convaincante) gagne un séjour offert par son entreprise pour assister au départ du fameux paquebot (!).

Peu enthousiaste, notre héros se rend malgré tout en Angleterre et rencontre à l’hôtel, la veille du départ du Titanic, une très belle jeune femme prénommée Marie (la très jolie Aitana Sanchez-Gijon), se disant femme de chambre du célèbre bateau, avec laquelle il va vivre (mais le spectateur ne le voit pas) une nuit de passion...

Sur ce postulat pour le moins insolite, Bigas Luna va jouer sur la réalité ou pas de cette rencontre amoureuse et tisse une intéressante réflexion sur le pouvoir de persuasion de la parole.

En effet, à son retour en Lorraine, Horty semble avoir changé, indifférent aux désirs de sa fiancée Zoé et poussé par ses collègues à raconter son séjour. Notre héros va alors narrer chaque soir dans un bar local, avec un luxe inouï de détails, la folle passion qui l’a uni à la femme de chambre, exerçant une fascination de plus en plus forte chez son auditoire.

Ayant volontairement laissé hors-champ ce qui s’est réellement passé entre Horty et la servante, Bigas Luna va jouer aussi bien avec l’auditoire que le spectateur par le biais d’un dispositif purement cinématographique, dans lequel le flot de paroles de son héros semble faire naître les flashbacks dont on peut se demander s’ils sont réels ou fantasmés.

Ces images illustrant ce que raconte Horty sont baignées d’une lumière artificielle, leur donnant une dimension irréelle. Le Titanic lui-même n’est qu’un décor artificiel (très loin de la représentation détaillée plutôt réaliste du film démesuré de James Cameron, Titanic), le temps lui-même semble se dilater infiniment (alors que le récit est censé s’être déroulé en une nuit), au fur et à mesure du récit d'Horty.

La science narrative déployée par Horty lui ouvre les portes d’un public de plus en plus large, notre héros finissant dans un spectacle ambulant et très lucratif qui inclut même sa fiancée Zoé (au départ jalouse mais le soutenant à partir du moment où celui-ci lui révèle la fausseté de son récit et où celle-ci comprend l’argent que ce spectacle peut rapporter).

Si le côté matériel est le principal intérêt de Zoé, il semble que seul le fantasme guide le récit d'Horty, lui inspirant des paroles aux envolées lyriques déchirantes. Ce rêve inaccessible est un moyen d’échapper à sa condition misérable, et lorsque la jeune servante réapparaît comme par enchantement (mais en réalité pour lui soutirer de l’argent), lui révélant qu’elle n’est qu’une prostituée sous l’emprise d’un maquereau sans scrupule et que la rencontre la veille du départ du Titanic était entre elle et Horty faisait partie d’une escroquerie et n’était donc pas fortuite, Horty, au départ furieux (car son rêve est brisé et transformé en une sordide histoire bien réelle, la jeune femme fantasmée n’étant qu’un être de chair et de sang bien loin de la créature idéale de son récit), finit par accepter cette réalité et enfin par transformer cette image idéale par celle de Zoé, sa fiancée aimante, gardant malgré tout une part de rêve par le fait qu’il accepte également de continuer ses représentations sur La femme de chambre du Titanic. Le regard trouble de la jeune prostituée briseuse de rêve semble indiquer que la sincérité et l’idéalisation absolues qu’a fait d’elle notre héros ont fini par la toucher, elle pour qui un rêve semble impossible…

La femme de chambre du Titanic est une œuvre troublante, esthétiquement réussie (notamment toutes les scènes se déroulant au port, avant l’embarquement du Titanic), qui dresse le portrait d’un homme constamment partagé entre réalité et fantasme idéalisé et construisant à partir d’une image (la femme de chambre) un rêve qui lui permet de sortir de sa condition. Un beau film assez méconnu, qui mérite d’être redécouvert, d'autant qu'Aldo Maccione dans le rôle du gérant du spectacle ambulant s'y révèle remarquable (ce qui est assez rare pour y être souligné !)…

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