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Déjantés du ciné
1 mars 2008

Pour une poignée de dollars de Sergio Leone

pour_une_poignee_de_dollarsPour une poignée de Dollars de Sergio Leone, 1964
Studio :
Durée : 95 min
Acteurs principaux : Clint Eastwood, Marianne Koch, Gian Maria Volontè...

FICHE IMDB

Résumé : deux familles rivales, les Baxter et les Rojo, riches et puissantes grâce au trafic d'armes et d'alcool ; au milieu, un inconnu qui va attiser cette guerre pour une poignée de dollars...

Avant toute chose, petit rappel historique. En 1964, le western américain décline usé par plusieurs décennies de bons et loyaux services. Le public est passé à autre chose (film policier, péplum...) et seuls quelques artisans en fin de carrière (John Ford) oeuvrent encore dans ce genre. De même, en Europe, le western allemand, ridicule et vraiment kitch, marche bien au box office européen avec des films comme Le Trésor du Lac de Harald Reinl.
Heureusement, un réalisateur italien de génie, âgé de 35 ans va révolutionner les conventions et créé le western spaghetti.

Pour une poignée de Dollars est le remake de Yojimbo d'Akira Kurosawa. D'ailleurs, un procès gagné plus tard par la Toho laissera une ardoise de 150 000 $ à Sergio qui a toujours contesté le remake puisque, même si la trame reprend le scénario japonais; d'une part, aucun dialogue n'est identique et d'autre part, Yojimbo n'est que la transcription de romans comme La moisson rouge d'Hammett. C'est sûr qu'avec cette réglementation très sévère sur les remake, un Tarantino ou des frères Cohen auraient tout reversé leurs bénéfices à leurs illustres confrères.

Pour créé un nouveau genre, il faut évidemment bouleverser les codes. Voici les 4 grandes réformes du nouveau Pape du western :
Règle numéro 1 : réalisme, les cowboys sont sales, mal rasés et mal habillés. Le héros fordien est mort dans la boue des studios d'Alaméria en Espagne (lieu ou quasi tous les westerns européens ont été tournés).
De même, la critique a souvent (un peu rapidement) taxé Leone de mysoginie. il est vrai que les femmes sont absentes des films ou seulement objet de désir. La belle héroine qui attend son cowboy a disparu.
Ce réalisme est souvent teinté de pessimisme sur la nature humaine. Dans ses mémoires, Sergio Leone affirme que <<le pessimisme résulte d'un constat  de la réalité de la vie>>.
Règle numéro 2 : la musique devient omniprésente. Sergio Léone déclare qu'Ennio Morriconne <<est mon scénariste. J'ai toujours remplacé les mauvais dialogues par la musique en soulignant un regard et un gros plan. C'est ma façon d'en dire beaucoup plus que par le dialogue >>. 
Règle numéro 3 : la violence n'est plus expurgée mais montrée telle quelle est même dans ses pires moments (scène de la torture où Eastwood se fait martyriser par ses ennemis pour qu'il parle).
Règle numéro 4 : les dialogues sont ironiques et grinçants, c'est-à-dire, come l'a dit Leone << simultanéité de l'humour et du tragique >>. Durant tout le film, on trouve ces dialogues avec ses phrases comme << je n'ai jamais rencontré la paix, je n'y crois pas >>. ou << ma mule n'est pas là.... elle est à pris la mouche >>.

Avec ces nouveaux codes présents durant tout le film, Leone nous narre l'histoire d'un héros solitaire (dont le nom restera inconnu) qui attérrît dans une ville et plus précisement "au pays de la mort" dixit le tavernier qui l'accueil, près de la frontière mexicaine. Il propose ses services à 2 bandes qui s'entre-tuent en changeant sans cesse de côté afin d'amasser le maximum de dollars. On voit un total amoralisme de cet héros qui ne cherche pas à faire le bien, comme devaient le faire les héros des westerns américains. Il pense juste à son intérêt personnel. A la fin du film, après un petit massacre, il part comme il est venu : seul et d'on ne sait ou.

Pour une poignée de dollars est un excellent film mais n'a pas atteint la perfection des prochains Leone comme Le bon, la brute et le truand ou il était une fois dans l'Ouest. Il manque à Eastwood, jeune premier issu de la série américaine Rawhide et dont c'est le premier rôle principal, quelqu'un en face pour lui répondre car dans ce premier film, il semble bien seul. Un Lee Van Cleef apportera dans le futur un excellent contrepoint au jeu d'Eastwood. Enfin, les dialogues sont bons mais il manque encore un peu de travail d'écriture. Pour les prochaines films, Leone sera accompagné d'une armée de scénaristes où chaque phrase fera l'objet de longues discussions.

Dès le 27 août 1964, date de la première projection, le film est un triomphe et aura une grande progéniture (plus de 600 westerns européens tournés jusqu'en 76). L'influence sur le western américain se fera vite sentir (Sam Peckinpah le premier avec la horde sauvage, Arthur Penn, Michael Cimino).

Toutes les citations du réalisateur sont extraites du livre conversation avec Sergio Leone (éditions petite bibliothèque des Cahiers du Cinéma) qui reste l'ouvrage de référence et est très plaisant à lire. Pas de langue de bois et grande qualité des entretiens avec Noël Simsolo, journaliste aux Cahiers du Cinéma.

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Commentaires
N
Merci de ces précisions, Harakiri.
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H
Leone ne s'est pas inspiré de Kurosawa que pour le scénario du film mais aussi pour les gueules sales et mal rasées filmées en gros plans (il suffit de voir les 7 samourai de Kurosawa pour le constater), le pessimisme sur la nature humaine est déjà présent dans le même film de Kurosawa quand les samourai se rendent compte qu'en fait les paysans vont sur les champs de batailles après l'affrontement pour achever les blessés et leurs voler les armes et les armures. L'absence de femme en premier plan, la violence sèche, la musique omniprésente, tout est déjà dans les Kurosawa et on ne peut pas douter que Leone a regarder les films d'Akira notamment les 7 samourai et Yojimbo.<br /> Mais le cinéma et l'art, c'est ça, s'inspirer de ses pères et inspirer ses enfants...(quand c'est bien fait, tout est permis)
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