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Déjantés du ciné
19 juillet 2015

Mustang de Deniz Gamze Ergüven

mustang1Titre du film : Mustang

Réalisatrice : Deniz Gamze Ergüven

Année : 2015

Origine : France

Durée : 1h37

Avec : Gunes Nezihe Sensoy (Lale), Doga Zeynep Doguslu (Nur), Elit Iscan (Ece), Tugba Sunguroglu (Selma), Ilayda Akdogan (Sonay), Nihal Koldas (la grand-mère), Ayberk Pekcan (Erol), Bahar Kerimoglu (Dilek), etc.

FICHE IMDB

Synopsis : C'est le début de l'été. Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues.

 

Aujourd'hui, cela peut sembler étonnant mais les femmes ont obtenu le droit de vote en Turquie en 1934, bien avant la France. Pour autant, si la condition de la femme en France a depuis nettement évolué, celle la femme en Turquie stagne et demeure plus que jamais problématique.

C'est tout le sujet de Mustang, premier long métrage de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier festival de Cannes.

Ce film se déroule dans un village reculé de la Turquie où cinq soeurs sont élevées par leur grand-mère et leur oncle. Ces filles ne souhaitent qu'une chose : s'amuser comme les jeunes de leur âge. Manque de chance pour elles : le simple fait de s'amuser dans l'eau avec des garçons en se mettant sur leurs épaules, est considéré comme de la “pornographie”. Eh oui, en Turquie, on ne plaisante pas avec l'image de la femme. Et le moindre acte considéré comme indécent est interprété sur le plan sexuel. Ici, il justifie un passage à l'hôpital pour prouver que ces filles sont toujours vierges.

mustang2Ridicule ? Certes, mais c'est malheureusement le triste quotidien de nombre de jeunes filles turques alors que l'on est au XXIème siècle. Avec notre regard d'occidental, on peut trouver incroyable de tels comportements.

Dans Mustang, les cinq soeurs ne peuvent pas faire ce qu'elles veulent. On est loin d'histoires romantiques dans la mouvance des Quatre filles du Docteur March ou d'Orgueil et préjugés. Les filles sont présentement cadenassées dans leur vie quotidienne, n'ayant même plus le droit d'aller à l'école ou de sortir dehors. On semble revenu à l'âge de pierre alors que l'on a affaire à des filles qui souhaitent plus que tout s'émanciper, et vivre comme des “occidentales”.

Il faut dire que la Turquie est présentée comme une société patriarcale, machiste, où la femme ne représente pas grand chose. Cette dernière n'est destinée qu'à procréer et à s'occuper de la maison.

Le poids des traditions représente une véritable chappe de plomb pour ces filles. En lieu et place de leurs cours à l'école, on leur impose à domicile des cours de ménagère, en vue d'en faire de parfaites petites épouses, bien entendu soumises à leurs époux.

Elles sont belles, elles sont jeunes (voire très jeunes) et ne connaissent rien de la vie, alors évidemment il n'est pas difficile de leur trouver un mari. Le film dénonce avec force ces mariages arrangées où la jeune fille n'a pas son mot à dire. Elle doit s'exécuter et accepter une situation inadmissible. Et pour la femme mariée, la suite n'est pas d'un romantisme effréné. En effet, lors de la nuit de noces, la famille attend avec impatience le drap tâché de sang, prouvant que la fille était alors vierge lors de l'acte sexuel. Quelle horreur ! Comment expliquer qu'en 2015, on ne peut pas disposer librement de son corps ?

Si le film se montre virulent sur le sujet, il ne se contente pas de condamner. Il dresse surtout le portrait de jeunes filles dont certaines sont prêtes à se battre pour ne pas subir ces traditions ancestrales. On songe notamment à la plus jeune des soeurs, la petite Lale, qui a bien compris ce qui se trame dans sa maison, et ne veut pas de cet avenir.

mustang3Le titre du film, Mustang, est une référence évidente au cheval sauvage du même nom. Avec leurs beaux et longs cheveux qui personnifient la crinière des chevaux, ces 5 soeurs, soudées entre elles, sont comme ces mustangs, éprises de liberté. Elles se veulent indomptables. Ou en tout cas qu'elles aient le choix de leur avenir.

Autant la première partie du film amène le spectateur à s'indigner du destin promis à ces jeunes filles, autant la deuxième partie prend une autre tournre, vers une sorte de thriller. La jeune Lale va-t-elle parvenir à s'échapper de sa maison avec sa soeur aînée et regagner la capitale turque ? Il y a un vrai suspense qui se met en place : comment réussir à sortir de la maison alors qu'il y a des grillages partout et que les clés (de la voiture, de la maison) sont difficilement accessibles. On prend évidemment fait et cause pour ces filles. On leur souhaite un avenir plus radieux.

Si le film est réussi, il le doit évidemment à son histoire forte mais surtout à ses cinq jeunes actrices, dont la jeunesse, la beauté et le naturel font mouche. Elles sont particulièrement à l'aise à l'écran, de telle sorte qu'elles font corps avec leurs personnages. La cinéaste Deniz Gamze Ergüven met en exergue avec un talent certain l'opposition entre ces fougueuses jeunes filles et la “prison” qui leur sert de maison. La beauté des paysages naturels accroît le sentiment d'oppression que ces filles ressentent.

En somme, voilà un très beau film féministe, engagé, qui s'interroge sur la condition de la femme en Turquie, mais aussi de manière plus générale dans tous les pays du monde où les droits de la femme sont baffoués.

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