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Déjantés du ciné
9 juin 2017

Le grand silence de Sergio Corbucci

legrandsilence1Titre du film : Le grand silence

Réalisateur : Sergio Corbucci

Année : 1968

Origine : Italie

Durée : 1h45

Avec : Jean-Louis Trintignant, Klaus Kinski, Frank Wolff, Luigi Pistilli, Vonetta McGee

FICHE IMDB

Synopsis : Dans la province de l'Utah, aux Etats-Unis. Le froid extrême de cet hiver 1898 pousse hors-la-loi, bûcherons et paysans affamés à descendre des forêts et à piller les villages. Les chasseurs de prime abusent de cette situation. Le plus cruel se nomme Tigrero. Mais un homme muet, surnommé "Silence", s'oppose bientôt à eux...

Réalisé par le grand Sergio Corbucci en 1968, ce western sombre et pessimiste est l’une de ses plus grandes réussites, et peut-être son meilleur western-spaghetti, encore plus abouti que son excellent Django avec Franco Nero. Dans un décor enneigé d’un blanc immaculé, ce qui est très étrange dans le cadre du western (même si le magnifique La prisonnière du désert du grand John Ford ou l’excellent Jeremiah Johnson de Sydney Pollack se déroulent aussi dans la neige, du moins par moments), Sergio Corbucci dépeint une société corrompue, entièrement sous la coupe du capitalisme et d’hommes qui, sous les oripeaux de la respectabilité, sont prêts à tout pour le profit et le pouvoir, engageant sans sourciller des chasseurs de prime pour exécuter le sale boulot, notamment déposséder la terre à ses paysans. Il y a ainsi le personnage de l’usurier, joué par Luigi Pistilli : c’est lui qui a poussé les paysans à être hors-la-loi pour pouvoir prendre possession de leurs terres voire de leurs femmes. Ce bourgeois est une ordure intégrale.

legrandsilence3Dans cet univers chaotique, le sang va bientôt faire son apparition et tâcher définitivement cette neige blanche et pure, métaphore à peine voilée de la société actuelle qui assoit sa réputation sur de sombres affaires. Le bon shérif (Frank Wolff) est l’un des seuls personnages positifs. Il représente encore le rêve d’une société égalitaire, et d’une justice telle qu’elle devrait être. On a l’impression d’un shérif porteur de valeurs fordiennes. Le problème est que le monde a évolué et c’est ici la loi du plus fort qui prime, comme l’indique le personnage de Tigrero, interprété par un Klaus Kinski sobre et parfois halluciné.

Corbucci va s’intéresser particulièrement à la confrontation entre Tigrero, chasseur de prime sans foi ni loi d’une froideur implacable, à la limite du dandysme, et Silence (interprété par Jean-Louis Trintignant), vengeur muet étrange et ambigu, qui va essayer d’aider les habitants tout en accomplissant sa vengeance. Trintignant  apporte sans conteste dans ce film une sorte de mélancolie triste dans son regard, que n’a pas un Clint Eastwood ou un Franco Nero. Cela rend ce long métrage assez touchant. En même temps, c’est tout de même assez curieux de trouver cet acteur de films d’auteur dans un western spaghetti.

En tout état de cause, Le grand silence est une œuvre prenante qui trouve son climax dans un final surprenant et nihiliste. A tel point que les producteurs, effrayé par cette fin, avaient demandé à Corbucci de tourner une autre fin, qui constitue une fin alternative, beaucoup plus optimiste. Mais ce n’est pas la fin officielle du film.

legrandsilence2Bercé par une sublime partition crépusculaire d’Ennio Morricone, Le grand silence est une œuvre extrêmement radicale, où les hommes crèvent dans la boue dans l’irrespect le plus total.

Le film comporte une violence sèche, caractéristique du style de Corbucci. Chez Leone, la violence est au contraire plus stylisée, plus lyrique et chez Sollima elle est plus politique. Ici, même la belle histoire d’amour qui naît entre Silence et Paulina (Voneta McGee), où Corbucci fait preuve d’une sensibilité étonnante de sa part, semble sans issue. Rarement un western n’aura montré avec autant de noirceur la déliquescence de la société et les tréfonds de l’âme humaine.
En synthèse, Le grand silence reste l’un des plus grands westerns italiens, un chef d’œuvre sauvage d’un nihilisme impressionnant qui est aussi la plus belle réussite de Sergio Corbucci.

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