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Déjantés du ciné
16 septembre 2023

La femme flic de Yves Boisset (critique film + blu ray)

lafemmeflic0Titre du film : La femme flic

Réalisateur : Yves Boisset

Année : 1980

Origine : France

Durée : 1h44

Avec : Miou-Miou, Jean-Marc Thibault, Jean-Pierre Kalfon, Niels Arestrup, Henri Garcin, Alex Lacast, etc.

Editeur : Tamasa Distribution

Date de sortie en blu ray et en DVD : 19 septembre 2023

Synopsis : Parce que son sens du devoir dérange, l'inspecteur Corinne Levasseur se voit reléguée aux travaux administratifs dans une petite ville du Nord. Mais elle est bientôt chargée d'enquêter sur une affaire de prostitution enfantine... Son action met sa vie en danger...

En 1980, le réalisateur engagé Yves Boisset revient au film policier qu'il avait déjà abordé en 1977 avec Le juge Fayard dit le shériff. Il s'inspire ici de plusieurs faits divers ayant défrayé la chronique dont l'affaire Jacques Dugué concernant des trafics d'images pédopornographiques.

lafemmeflic2Sorti il y a plus de 40 ans, La femme flic se révèle d'une incroyable modernité. Yves Boisset raconte une histoire pouvant s'apparenter à un documentaire, tant la réalité semble proche. Il faut dire que le cinéaste intègre parfaitement son personnage de femme flic dans une cité ouvrière du nord de la France, où la misère est omniprésente. Les mines, les terrains vagues, les maisons uniformes à briques rouges et évidemment cette grisaille perpétuelle font partie d'un morne quotidien. C'est dans ce contexte que le cinéaste évoque tout à la fois des affaires d'inceste et surtout un réseau de pédopornographie (bien avant l'affaire Outreau).

Le film détaille les rouages de cet inadmissible réseau de prostitution enfantine. Yves Boisset n'a pas son pareil pour dénoncer avec force les horreurs d'une société malade. Evidemment, dans un style percutant où chacun en prend pour son grade, il pourrait être loisible de considérer que Boisset manque de nuances. Car les puissants, véritables potentats de la région, sont intouchables et les victimes sont toujours d'origine modeste. Boisset déplore une justice qui n'est pas la même pour tous. Et une police désabusée, à l'instar de cette phrase implacable : “elle fait ce qu'elle peut la police pour une société qui n'en vaut pas la peine.”

Avec son personnage de l'inspecteur Corinne Levasseur, Yves Boisset évoque également la place de la femme dans la police. A cette époque, la police était perçue comme un métier d'homme et les femmes peu nombreuses, souvent cantonnées à des tâches spécifiques (accueil, tâches administratives, brigades de protection des mineurs pour les plus gradées). Plusieurs dialogues du film retranscrivent cet état d'esprit, qu'il s'agisse des policiers (machistes) eux-mêmes : “ah je l'ai toujours dit, les femmes c'est pas fait pour ce métier” ou des habitants : “Je ne savais pas qu'il y avait des femmes dans la police. Ca doit être dur.”

Yves Boisset ne se limite pas à dénoncer un machisme ambiant dans la police des années 1980. Il montre également un manque d'ouverture d'esprit des gens dits de gauche. Pour preuve, cette inoubliable scène de repas où Corinne Levasseur est ostracisée par une troupe de théâtre lorsqu'elle signale qu'elle est flic. Là encore, est-ce la perception de l'image de la police a changé dans les milieux artistiques ? Pas évident.

lafemmeflic1La femme flic doit évidemment une partie de sa réussite à son excellente distribution. Miou-Miou est parfaite dans le rôle de cette femme en apparence fragile, douce, dont la petite voix tranche avec sa volonté d'aller au bout des choses. C'est une femme forte, une combattante, un peu comparable à Marlène Jobert dans La guerre des polices (1979). Aux côtés de Miou-Miou, on peut compter sur de nombreux seconds rôles savoureux. On a ainsi un Jean-Marc Thibaut à contre-emploi, bien loin de ses rôles comiques, ici en commissaire bourru. On a ainsi un Niels Arestrup en photographe détestable ou encore un Jean-Pierre Kalfon impeccable en directeur de maison de la culture charmeur.

Quelques mots sur la musique du film. Elle est signée Philippe Sarde qui a composé pour l'occasion une musique classique douce, mélancolique, qui renforce l'aspect dramatique de ce long métrage.

Rappelons pour terminer que La femme flic fut en son temps un beau succès commercial. Sorti en janvier 1980, le film a rassemblé 1,8 million de spectateurs. C'est mérité au regard des sujets – toujours actuels – développés, de la qualité de la distribution et de dialogues savoureux en phase avec cette radiographie de la société française. Maheureusement on ne fait plus aujourd'hui des films aussi engagés ! La redécouverte de La femme flic est donc un incontournable.

La-Femme-Flic-Blu-rayCaractéristiques du blu ray édité par Tamasa Distribution :

L'image : L’image est de très bonne facture avec aucun défaut constaté. Elle n’a jamais été aussi belle et la nouvelle restauration 4K est évidente.

Le son : il est puissant, bien réparti dans l’espace et permet d'entendre très distincitement la voix des acteurs.

Complément : L’éditeur Tamasa Distribution a inclu un unique bonus mais quel bonus. Il s'agit d'un film documentaire de Roland-Jean Charna de 48 minutes intitulé “Antigone chez les flics” qui revient sur La femme flic. Grâce aux interventions pertinentes de Richard Marlet, commissaire général honoraire à la Police Judiciaire, Bernard Payen, programmateur à la Cinémathèque Française et le réalisateur Yves Boisset, on apprend énormément de choses. C'est un complément idéal au film permettant de le resituer dans la carrière de Boisset mais aussi d'appréhender les thèmes développés dans le film, en particulier la place de la femme dans la police à cette époque. Passionnant.

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