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Déjantés du ciné
20 février 2008

Crash de David Cronenberg

crash Crash de David Cronenberg, 1996

Film canadien
Durée du film : 1h40
Acteurs principaux : James Spader, Holly Hunter, Rosanna Arquette, Deborah Unger, Elias Koteas.
Musique : Howard Shore

FICHE IMDB

Résumé : un couple va voir sa sexualité transformée suite à un accident.

Tiré du best-seller de James Graham Ballard, Crash dépeint de manière extrêmement clinique les affres d'un couple apparemment uni et complice mais dont les rapports sont froids et mécaniques, dépourvus de toute sensualité. Ce couple en pleine dérive s'autorise des aventures extra conjugales dépourvues de jouissances afin de pimenter sa vie sexuelle, car chacun devient le témoin et le complice de l'autre à travers le récit censé relancer le désir.

Or ce désir semble cliniquement mort, ou du moins absent. L'accident de James Ballard va permettre au couple de faire de nouvelles rencontres, mais surtout de découvrir un univers érotique jusque là insoupçonné. L'initiateur du couple Ballard, James et Catherine, sera Vaughan, un photographe médical ayant un penchant pour les scènes d'accident automobile et les blessures physiques engendrées. Ce dernier met en scène des spectacles underground, et interdits, où il reconstitue fidèlement des accidents de personnes célèbres, notamment celui de James Dean.

C'est par le biais de Helen Remington, avec laquelle il a eu son accident, que James Ballard va connaître Vaughan, un être trouble dont le dessein est étrange. Le projet déclaré de Vaughan est le remodelage du corps humain par la technologie moderne. Cela ne s'avère être qu'un leurre car Vaughan pense intimement qu'un accident de voiture est un évènement fécondateur libérateur d'énergie sexuelle. De cela, on prend conscience tout au long du film, puisque sur le plan physique, le remodelage apparaît grâce à des traumatismes nécessitant la pose de prothèse, généralement handicapante et à l'esthétique sado masochiste. Sur le plan psychologique, il y a modification des fantasmes incluant la modification physique (blessure, prothèse) et la technologie qui entraîne celle-ci (la voiture), pour les érotiser toutes les deux.

Le film véhicule donc l'image d'une sexualité débridée mais pathologique car le désir et le moyen de le provoquer sont pervers (mais non affichés comme tel) et que l'objet sur laquelle elle porte sont inadaptés : la sexualité débridée mais qui apparait vite compulsive,  le lieu (essentiellement la voiture, en mouvement ou en stationnement), sur les blessures (les cicatrices sont montrées comme des sexes béants). Mais surtout la sexualité reste froide, est souvent brutale et n'aboutit jamais à la jouissance en dehors du couple. Elle n'est qu'un moyen pour les protagonistes de se confronter à leur propre limite physique et psychologique pour mieux se sentir vivre et se retrouver enfin. En cela, le comportement de James Ballard par rapport à Vaughan est significatif : Vaughan, montré comme un chasseur, fait de James sa proie, son objet et si celui-ci se laisse faire c'est plus par jeu que par goût personnel. L'apogée de cette domination réside dans la scène où Vaughan impose un tatouage à James, juste avant qu'ils fassent l'amour. Relation qui se termine violemment puisque Vaughan utilise sa voiture pour heurter celle de James. Vaughan, après avoir fait de James son objet, semble vouloir le détruire : il meurt dans un accident de la route.

La théorie de Vaughan semble devoir fonctionner auprès du couple Ballard, si l'on considère que la rencontre de Vaughan et du couple est un accident : la première scène entre Catherine et James, empreinte de tendresse et de romantisme, a lieu après que Vaughan ait possédé Catherine sous les yeux de James. De même, par identification, James, dans la voiture de Vaughan, va faire de sa femme une proie pour provoquer un accident de la route qui n'est qu'une métaphore du couple réuni, retrouvé. L'accident a donc bien permis la libération d'énergie sexuelle propre à sauver le couple. Ce jeu où l'on cherche ses limites en frôlant la mort de façon " excitante " ne vise qu'à la reconstruction de chacun, encore faut-il connaître les limites à ne pas dépasser.

On peu noter dans la forme même du film une symétrie, un jeu de mirroir qui convient parfaitement à illustrer le fond: une histoire d'amour où les protagonistes s'observent. En effet, dans sa première partie, c'est un accident qui va faire sortir le couple Ballard de sa torpeur, accident qui prend vie des allures de " viol " dans la mesure où il porte atteinte à l'intégrité physique de james, et dans la mesure où la dimension érotique prend le pas sur toute autre considérations, ce sous l'impulsion de Vaughan. De même, la première partie du film est principalement axée sur la démonstration d'accidents subis ou mis en scène par Vaughan, alors que dans sa deuxième partie on assiste pplus à la mise en scène de la charge érotique contenue dans l'accident et ses effets ( cf la scène où James regarde amoureusement le corp de sa femme portant les stigmates de sa relation avec vaughan, scène matricielle qui indique que l'analogie entre la relation sexuelle et l'accident est achevée, permettant ainsi au fantasme d'opérer librement)
Dès lors la théorie de Vaughan semble fonctionner.

Crash est l'archétype du film sulfureux parce qu'il regorge de thématiques sexuelles pathologiques : le fétichisme (des blessures, des prothèses, des voitures), le voyeurisme, l'exhibitionnisme, le sado masochisme et l'homosexualité, abordée sans détour par un Cronenberg plus clinique que jamais. Il faut, pour cela, considérer la scène où Vaughan prend un accident en photo pendant que les pompiers opèrent. Leurs gestes précis et chirurgicaux, les couleurs froides contribuent à créer une ambiance malsaine. On les voit extraire les corps des véhicules comme s'il s'agissait de corps étrangers. Le rapport à la chirurgie est étroit, jusque dans la façon de filmer les flux routiers comparables à des flux organiques, comme si la ville était un tissu organique gigantesque.

Voir Crash est une expérience, déroutante ou fascinante, à part entière.

La BA en VO

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Commentaires
P
Et pour finir :<br /> <br /> "J'aimerais pas crever un dimanche", pas mal du tout.
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P
Dans la même série, il y a "Breaking the Waves" à voir.
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P
Je l'ai vu !!!
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