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Déjantés du ciné
4 avril 2008

Dune de David Lynch

Dune_RepRéalisé par David Lynch
Année : 1984
Origine : Etats-Unis
Durée : 135 minutes
Avec : Kyle MacLachlan (Paul Atreides, Usul, Muad'Dib), Jürgen Prochnow (le duc Leto Atreides), Francesca Annis (Lady Jessica), Kenneth McMilan (le baron Vladimir Harkonnen), Sean Young (Chani), José Ferrer (l'empereur Padishah Shaddam IV), la princesse Irulan (Virginia Madsen)...

FICHE IMDB


Résumé : En l'an 10191, la planète Dune, source d'épice, est au coeur de toutes les préoccupations.


Réalisé en 1984 par David Lynch (Lost highway, Mulholland drive, Blue velvet, Elephant man), Dune est une adaptation du livre éponyme de Frank Herbert. L'action se déroule en l'an 10191. Elle montre différents clans qui se livrent à des combats sans merci afin d'obtenir le pouvoir. Dans ce monde où les intrigues sont multiples, l'Empereur de l'univers, Shaddam IV noue des liens avec les Harkonnen, des personnes sanguinaires et avides eux aussi de pouvoir, afin de faire disparaître de l'univers la galaxie les Atréides, et notamment le duc Léto Atréides.
D'une incroyable ambition, l'oeuvre de Frank Herbert a fasciné David Lynch qui s'est donc jeté à corps perdu dans ce projet grandiose et particulièrement difficile dans sa transposition à l'écran. David Lynch a par ailleurs rencontré de nombreux problèmes lors du tournage.
Mais venons-en au film. Dune est pour certains un film dont Lynch prend trop de libertés avec le roman qu'il adapte ; pour d'autres, néophytes de l'oeuvre d'Herbert, il s'agit d'un film incompréhensible qui est plombé par des effets spéciaux kitschs.

Même si ces remarques ne sont pas infondées, Dune est à mon sens un très bon film, même s'il n'est pas exempt de quelques défauts.

D'abord, le film de David Lynch retranscrit bien l'univers de Frank Herbert. Si on reproche à Lynch d'avoir commis des simplifications par rapport au roman, je trouve qu'il s'en est très bien sorti (il faut dire qu'il a mis un an et demi à scénariser le film) en rendant l'oeuvre de Frank Herbert plus digeste.
David Lynch a eu l'intelligence de commencer son film par une petite explication quant aux différentes forces en présence. Ainsi, la princesse Irulan, interprétée par Virginia Madsen, présente la maison des Atréides, celle des Harkonnens, le Bene Gesserit (et ses révérendes mères), la Guide des voyageurs, et évidemment l'Empereur Shaddam IV, son père.
Par ailleurs, tout l'univers mental qui apparaît dans le roman (et qui est même carrément philosophique par moments) est rendu par le biais de l'utilisation de la voix-off. Une voix off auquelle on a droit en suivant plusieurs acteurs.
D'un point de vue visuel, on ne peut nier la beauté baroque des décors (notamment chez l'empereur Shaddam IV) ou encore la caractérisation de certains personnages : Kenneth McMilan interprète à merveille le baron volant Vladimir Harkonnen, dont l'aspect repoussant n'a d'égal que sa cruauté (comme dans cette superbe scène où il tue un esclave en lui otant sa capsule de vie) ; Kyle MacLachlan est un Paul « Usul Muad'Dib » Atréides réellement charismatique ; Jürgen Prochnow montre bien toute la complexité du personnage du duc Léto Atréides, qui est particulièrement hésitant et peu sûr de lui ; à l'inverse son épouse à l'écran, dame Jessica, est jouée par une Francesca Annis particulièrement déterminée.
Par ailleurs, David Lynch a la bonne idée d'inclure des scènes qui n'existent pas dans le roman. Ainsi, c'est le cas au début du film de l'arrivée du voyageur de la Guilde, personnage à l'apparence repoussante, parfaitement dans l'univers d'un Lynch, typique de films tels qu'Eraserhead ou Elephant man. Cette scène, à la fois étrange et glauque, est vraiment très marquante.

De plus, on retrouve très bien dans ce film toute la problématique de l'épice dans cet univers de science-fiction. L'épice est fondamentale car elle permet d'étendre la durée de vie et de voyager par la pensée. En outre, cette épice n'existe que sur une seule planète au monde : Dune. Une planète désertique qui connaît des tempêtes de sables et contient en son sein des vers des sables gigantesques (environ 200 mètres de long). Le film montre clairement les difficultés de l'extraction de l'épice à cause des tempêtes des sables et des attaques des vers. Celui qui possède l'épice est alors détenteur du pouvoir. C'est la raison pour laquelle de nombreuses intrigues dans le film (comme dans le roman) ont pour origine la volonté de devenir le maître de Dune. Mais cela n'est pas possible pour tous. Seul l'élu est capable de contrôler Dune.

David Lynch réussit à évoquer dans son film le côté messianique de Paul Atréides. Le seul reproche que l'on peut lui faire à ce niveau est d'avoir choisi un acteur qui est est déjà adulte. Or, lorsque Paul Atréides arrive sur Dune (dans le roman), il n'est encore qu'un adolescent. En tout état de cause, Lynch distille de nombreux détails qui font de Paul Atréides le fameux élu. D'abord, au début du film, il réussit l'épreuve du gom jabar (une aiguille enduite de cyanure) que lui impose une des révérendes mères. Le Bene Gesserit (qui comprend toutes les révérendes mères) craint d'ailleurs l'arrivée du Kwisatch Haderach, un personnage qui bénéficierait de pouvoirs psychiques très importants.
Le côté messianique de Paul Atréides est également particulièrement visible lorsqu'il se trouve avec sa mère Jessica chez les Fremens, reconnaissables à leurs yeux bleus (couleur de l'eau). Ceux-ci voient en lui l'élu : ils l'appellent d'ailleurs Muad'Dib. A de nombreuses reprises, Paul Atréides a comme des visions où il est dit que « le dormeur doit se réveiller ». Ces scènes, très mystérieuses et à la limite de l'onirisme sont très réussies (la patte du futur réalisateur de films tels que Blue velvet ou Mulholland drive est évidente).
Une scène forte du film, montre Paul Atréides qui boit de l'eau de vie. Il est alors dans un état proche du coma. Au moment, on voit que du sang coule du nez de sa mère Jessica et de sa soeur Alia (Alicia Witt). Les vers des sables sont par ailleurs réunis autour de Paul. Cette scène évoque parfaitement les liens psychiques qui unissent certains personnages voire même certaines créatures dans le cas des vers des sables.
Paul Atréides est d'ailleurs celui qui va amener les Fremens à se révolter et à reconquérir, à dos de vers des sables, une planète qui leur appartient. L'attaque finale des Fremens est d'ailleurs très réussie sur le plan visuel, et ce sentiment est renforcé par la bande son épique très efficace du groupe Toto.

Par ailleurs,  l'une des grandes réussites du film est une thématique sous-jacente, à savoir la dénonciation de la colonisation. Car il ne faut pas s'y tromper. L'arrivée sur Dune des Harkonnens (le chanteur Sting interprète dans le film le personnage de Feyd-Rautha) qui massacrent les troupes de Léto Atréides et s'attachent à puiser les réserves d'une planète qui ne leur appartient pas fait inmanquablement penser au colonialisme. D'ailleurs, les Fremens représentent les « native » de Dune. Des êtres mystérieux qui sont parqués comme dans des bêtes dans des grottes (des sietchs). On peut alors penser que Frank Herbert, et par extension David Lynch, font des Fremens des habitants de pure souche, à l'image des Indiens aux Etats-Unis. Sauf que les Fremens finissent avec l'aide de Muad'Dib, à reconquérir leur planète.

Seule petite déception au niveau de l'adaptation : à mon sens, David Lynch n'insiste pas assez sur le côté écologique du roman. En effet, il montre que l'eau est une denrée rare sur Dune et que les Fremens possèdent des gisements d'eau mais il n'insiste pas assez sur le côté écologique des Fremens. Par ailleurs, Lynch se permet un happy-end intéressant, à savoir des précipitations qui ont lieu sur Dune à la fin du film, mais qui va à l'encontre du roman. En effet, il faudra des années dans le cycle de Dune avant que la planète ne soit plus un désert.

Au final, David Lynch a bien réussi à retranscrire dans Dune l'essence même de l'oeuvre de Frank Herbert. Il a d'ailleurs réussi à simplifier (bien que le résultat puisse encore paraître complexe aux yeux des néophytes) une histoires qui est bien compliquée à la base, en raison de considérations de toutes sortes : politiques, économiques et surtout philosophiques. Si le film est considéré pour certains comme un ratage, c'est à mon sens en raison d'effets spéciaux un peu kitschs (notamment la représentation des vers des sables ou encore des vaisseaux). Cependant, si l'on arrive comme moi à se passionner pour l'univers de Dune, on dépasse allégrement le côté cheap des effets spéciaux pour avant tout se focaliser sur une oeuvre d'une grande richesse. De ce point de vue, David Lynch a réalisé un film qui a marqué l'histoire du cinéma. A noter que l'acteur-réalisateur Peter Berg prévoit une nouvelle adaptation de Dune, d'ici 2010.

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