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Déjantés du ciné
28 août 2010

Mercredi 7 juillet 2010 (suite du NIFFF)

MERCREDI 7 JUILLET 2010

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Stefanies geschenk :

 

Réalisateur : Mathieu Seiler

 

Durée du film : 85 minutes

 

Date de sortie du film : 1995

 

Avec : Soraya Da Mota (Stefanie), Paul Lohr (le père), Aviva Joel (la mère), etc. 

 

Avis de Nicofeel :

Stefanies geschenk constitue le premier film du zurichois Mathieu Seiler, sorti en 1995. En 2000, il a réalisé un second film, cette fois-ci sur la thématique du petit chaperon rouge. Ici, il revisite le mythe d'Alice au pays des merveilles en s'intéressant à une jeune fille qui va se retrouver dans la situation d'un suicide.

Nanti d'un petit budget de 340 000 dollars, ce film en noir et blanc produit en partie par le réalisateur est un modèle d'inventivité. Pour le producteur du film, il s'agit d'un « art house plus action ». L'actrice du film, Soraya Da Mota, avait seulement 12 ans lors du tournage.

A la manière d'Une vraie jeune fille de Catherine Breillat, Stefanies geschenk montre une jeune fille, Stefanie, qui s'ennuie avec sa famille, comme le prouve par exemple la scène du repas au début du film. Elle se regarde dans le miroir et passe à travers celui-ci à l'instar d'Alice au pays des merveilles). Tout se passe dans l'univers mental de Stefanie.

Ainsi, elle se permet toutes les transgressions possibles et imaginables : elle fume. On a droit aussi à un sur ses lèvres quand elle est en train de macher un chewing gum. Elle met la musique forte dans sa chambre. Elle paraît désabusée à son visage et à son allure. L'école l'ennuie, d'ailleurs elle la manque fréquemment.

Le cinéaste n'hésite pas à relancer le côté fantastique du film par le fait que Stefanie entend plusieurs fois des voix (c'est en fait son subconscient) la sollicitant pour tuer ses parents avec un cimeterre. Elle se voit ainsi en train de tuer notamment sa mère en rêve en faisant un fuck you au Christ qu'elle ajoute devant elle.

Le film évoque aussi l'éveil à la sexualité de Stefanie. Il y a par exemple un plan où elle transpire comme si elle était en train de jouir. On comprend alors qu'un garçon vient de lui faire l'amour (dans son rêve). Il y a un côté comique avec ce garçon qui se met sou le lit ou encore qu'il s'endort et est réveillé quand elle lui envoie un verre d'eau au visage.

Tout au long du film Stefanie croise des personnages plus étranges les uns que les autres : une dame qui lui donne un colis ; un homme avec une arme.

On a droit à un parallèle intéressant entre la disparition d'un enfant et la fin du film particulièrement noire. Cette fin est très carrée avec Stefanie en train de sucer une tétine empoisonnée (symbole du suicide, et comme si elle suçait un sexe masculin) et ses parents qui reçoivent une boîte avec leur fille à l'intérieur (lien avec l'enfant disparu).

Le réalisateur aime filmer son actrice sous tous les angles (de dos, de face, ses pieds, son visage) et même au ralenti vers la fin du film, où on la voit déterminée. L'actrice Soraya Da Mota est omniprésente et sa composition est marquante pour une jeune fille de 12 ans.

Le film propose tout de même une vision particulièrement noire de l'adolescence avec de manière sous-jacente la question du suicide. C'est aussi un film qui s'attaque à une société bien normée et à son système de valeurs.

Tant par sa mise en scène que par les thématiques qu'il développe et par sa très belle esthétique bien dans un style arty, Stefanies geschenk est un film qui mérite largement d'être vu.

 

Avis de Locktal :

Réalisé par le cinéaste underground zürichois Mathieu Seiler, cet étonnant film à la limite du cinéma expérimental s’intéresse à une jeune adolescente tourmentée de 12 ans (interprétée par la jolie et très convaincante Soraya Di Mota, effectivement âgée de 12 ans à l’époque du tournage) coincée entre l’éducation rigoriste de ses parents et son envie d’émancipation, qui traîne son spleen dans la grisâtre banlieue de Zürich.

La bande sonore de Stefanies Geschenk est extrêmement travaillée, un peu à la manière du cinéma de David Lynch, et participe au climat trouble et vénéneux du film. Elle retranscrit admirablement les états d’âme violents et planants de Stefanie, la jeune héroïne du film qui rêve de tuer ses parents afin de s’affranchir de leur emprise rigoriste qui l’emprisonne, d’autant que ceux-ci, apprenant que Stefanie sèche les cours, décident de la placer dans un établissement scolaire religieux.

Stefanie est une adolescente secrète et solitaire, animée de pulsions violentes, en rébellion avec les principes d’une société dans laquelle elle ne trouve pas sa place, mais aussi en conflit permanent face à l’autorité de ses parents, et qui n’a d’autres désirs que de transgresser ces règles, qu’elles soient sociales ou parentales. Elle se crée alors un monde imaginaire peuplé de personnages mystérieux qui ne cessent de lui répéter cette phrase : « Fais-le ».

La caméra très mobile suit sans cesse les mouvements de Stefanie, qu’elle soit dans le monde réel ou dans son monde imaginaire. Dans une scène remarquable, Mathieu Seiler établit un parallèle signifiant entre le regard de Stefanie et un couple éclaté qui a perdu son bébé et qui ne s’en remet pas, la mère continuant de se promener avec un landau vide et le père ne cessant de crier son désespoir.

Progressivement, Stefanie s’enfonce dans le monde qu’elle a créé, afin de fuir cette réalité qu’elle déteste, d’autant que la pression familiale se fait plus forte. Elle parle à son double dans son miroir qui lui renvoie une image maquillée, presqu’adulte d’elle-même, ce double finissant par influencer le comportement de notre héroïne. On pourrait quasiment affirmer que Stefanie passe de l’autre côté du miroir, comme l’Alice de Lewis Carroll.

Elle se crée également un amant imaginaire, qui la dépucèle et la fait devenir femme.

Le montage éclaté alterne habilement les errances de Stefanie à travers Zürich et ses fantasmes (comme celui de tuer ses parents avec son cimetière, image d’ailleurs particulièrement violente), qui finissent par avoir de plus en plus d’emprise sur elle et se confondant avec la réalité, devenant la réalité de Stefanie.

Notre héroïne développe alors ses pulsions destructrices et mortifères, contre les autres (la société, ses parents) et contre elle-même.

Le spectateur découvre petit à petit qu’il assiste en fait à la décision de Stefanie de se suicider : on comprend enfin le parallèle avec le couple ayant perdu son enfant, qui pourrait être ses parents après son suicide, et la signification de la phrase murmurée par ses compagnons imaginaires : « Fais-le ».

Le cadeau de Stefanie (Stefanies Geschenk en allemand) se révèle donc être son suicide, comme le suggère la dernière image impressionnante du film : le corps mort de Stefanie emballé dans un gros paquet cadeau destiné à ses parents qui l’ont étouffée. C’est aussi le cadeau que fait Stefanie aux spectateurs de cet OFNI magistral et profondément troublant, laissant ceux-ci dans un désarroi qui perdurera longtemps après la vision du film.

 

 

L'amour fou :

 

Réalisateur : Michel Rodde

 

Durée du film : 85 minutes

 

Date de sortie du film : 1997

 

Avec : Éléonore Hirt (Hélène), Wojciech Pszoniak, etc.

 

Avis de Nicofeel :

Film de 1997 mis en scène par le neuchâtelois Michel Rodde (un réalisateur local, en somme !), L'amour fou comporte de manière évidente une dimension onirique. C'est une allégorie sur les rapports entre l'amour et la mort. C'est aussi astucieusement le mythe d'Orphée et d'Eurydice inversé.

Le synopsis du film évoque le personnage de Victor qui a disparu depuis 30 ans et sa bien-aimée, Hélène, qui ne peut admettre son suicide (noyé dans un lac). Dans un style purement romantique, Éléonore Hirt, dans le rôle d'Hélène, déclare par exemple : « J'ai vécu de l'amour, j'en meurs dit notre femme. »

Le film comporte un nombre très impressionnant de symboles, à tous les niveaux, ce qui rend sa lecture assez difficile à décrypter.

Par exemple, on voit à de nombreuses reprises des roses jaunes : dans la maison de la femme ; dans une sorte de labyrinthe ; dans un tableau de la chambre d'hôtel ; il y a un enfant vers la fin du film qui vend des roses jaunes. Serait-ce le symbole d'un amour en suspens ? C'est possible.

Hélène prend le train, comme si elle passait le Styx, et loge à un hôtel appelé Terminus. Que de symboles. Elle rencontre alors un homme dans sa chambre d'hôtel qui n'arrête pas de boire et de fumer.  Cet homme a souvent des éléments chauds dans les pièces où il circule : ne serait-ce pas un symbole de l'enfer.

Malgré le côté très sérieux de ce film, cela ne l'empêche pas de comporter quelques éléments drôles et notamment un côté quasi burlesque avec les nombreuses bêtises que fait l'homme.

La mise en scène est soignée et même parfois très inventive pour arriver à un résultat des plus intéressants. Ainsi, vers la fin du film, l'homme se retrouve par terre et la caméra est tournée de telle façon qu'on a l'impression qu'il escalade quelque chose : difficulté de quitter les enfers.

Il y a un taxi qui les ramène vers le paradis terrestre, qui n'est rien d'autre qu'un dancing.

On notera enfin qu'il y a dans le film de nombreuses musiques classiques et comme par hasard Orphée et Eurydice de Glück.

Au final, la question est de savoir si tout ce que Hélène a vu n'est pas fantasmé. Ce doute s'inscrit parfaitement dans le ton onirique de L'amour fou.

En synthèse, L'amour fou est un film bien mis en scène et bien joué, mais qui demeure tout de même assez difficile d'accès.

Lors du débat suivant la projection du film, la productrice du film signale que beaucoup de littérature sur le sujet a été lu pour faire L'amour fou. Pour sa part, Michel Rodde indique qu'il écoutait de manière continue les Cantades de Bach quand il était en train de réaliser ce film.

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Avis de Locktal :

Selon les dires du cinéaste neuchâtelois Michel Rodde (présent dans la salle de projection), L’amour fou est né de la musique et de ses lectures : ce sont en effet l’écoute de morceaux musicaux et les citations qui ont inspiré et donné naissance au film.

Etrange et profondément poétique, L’amour fou est un film intemporel, à quasiment deux personnes (un homme et une femme), qui se déroule presque en huit-clos, dans le fameux hôtel Terminus.

Il narre l’histoire d’une veuve septuagénaire qui vit seule avec son chat et qui reçoit le mystérieux appel téléphonique d’un homme qui lui fixe un rendez-vous et se révélera être son mari, mort par suicide il y a 30 ans.

C’est un film surréaliste, où les personnages hérités du théâtre déclament des citations extraites de différents romans ou essais, où la musique (par exemple Orphée et Eurydice de Glück, les cantates de Bach,… ) exprime les affects des protagonistes et donne le tempo hypnotisant du film, tout en faisant référence à la mort (omniprésente) qui sépare les êtres et au mythe d’Orphée, revisité en inversant les rôles d’Orphée et d’Eurydice.

L’amour fou est un film déroutant, qui utilise un fantastique purement cinématographique, à la façon des films de Jacques Rivette ou de Philippe Garrel, dans lequel l’apparition du mari défunt se réduit à une entrée dans le champ, où les associations (le chat, les roses jaunes, les miroirs,… ) et les lumières créent une atmosphère irréelle, magique, qui permettent les résurgences des fantômes du passé, êtres revenus des morts pour délivrer les personnages de leurs fautes ou ce qu’ils croient être leur faute.

Michel Rodde parvient avec des moyens simples et sans effets spéciaux à suggérer que la magie qui semble imprégner le film est en fait l’Amour, cet amour qui défie même la mort et qui permet à l’être aimé de réapparaître une dernière fois à l’épouse éplorée (à l’hôtel Terminus) avant de disparaître définitivement.

C’est bel et bien la mise en scène minimaliste de Rodde qui fait baigner L’amour fou dans la magie, le fantastique, c’est elle qui apporte le trouble dans le champ et suggère au spectateur l’existence d’un au-delà. Par moment, le cinéaste n’hésite pas à utiliser des effets purement surréalistes, comme ,ces yeux arrachés ou ce chat qui semble être l’incarnation du compagnon mort de l’héroïne, renforçant encore le climat d’étrangeté qui émane du film.

Le taxi qui fait son apparition à la fin du film est l’équivalent de Coron qui fait traverser le Styx, le fleuve des Enfers, tandis que les hommes aux lunettes noires font penser aux Furies qui ont déchiré Orphée. Rodde retranscrit habilement l’univers mythologique dans ce film étrange, flottant et souvent émouvant.

Il est à noter que le cinéaste Michel Rodde était présent lors de la projection du film et a pu apporter quelques éclaircissement quant à sa mise en œuvre.

 

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Crazy thunder road :

 

Réalisateur : Sogo Ishii

 

Durée du film : 95 minutes

 

Date de sortie du film : 1980

 

Avec : Tatsuo Yamada (Hitoshi), Masamitsu Ohike (Yukio), Koji Nanjo (Ken), Nenji Kobayashi (Tsuyoshi), etc.

 

Avis de Nicofeel :

Oeuvre de jeunesse de Sogo Ishii (1980), Crazy thunder road est un  film de motards très rock n'roll, bien anarchiste dans son fond.

Il s'agit avant tout d'un film d'action purement fun. Au début du film, il y a une explosion, qui peut signifier une représentation de la guerre atomique et de ses conséquences, d'où le côté cyberpunk de l'oeuvre dans l'accoutrement des personnages principaux. L'intrigue n'est pas très compliquée avec des jeunes gens qui aiment se battre contre d'autres jeunes. Les hommes ont l'air de vrais lascars avec leurs blousons en cuir et lunettes noires.

Comme cela peut être le cas chez les Yakuza, il y a ici des clans et des alliances qui se forment.

On a droit évidemment dans ce genre de films à de nombreuses scènes de combat où les jeunes se tapent dessus. Les plans du film sont très rapides et la caméra suit le mouvement. La scène la plus impressionnante est sans conteste le moment où Sogo Ishii effectue un panoramique tellement rapide que l'on ne voit plus qu'une image floue et que l'on entend plus que la voix des acteurs.

Tout objet est ici utilisé pour se battre, qu'il s'agisse de fusils ou de battes de base-ball. Avec une musique tantôt rock n'roll tantôt espérimentale, Sogo Ishii filme le chaos. Il montre des jeunes gens qui ne souhaitent être récupérés par personne et cherchent seulement être libres, d'où le côté anarchiste de l'ensemble.

Il faut dire que les choix laissés aux individus sont pour le moins restrictifs : soit ils adhèrent à une société bien policée soit ils intègrent carrément l'extrême droite.

L'air de ne pas y toucher, Sogo Ishii charge l'armée dans son film en montrant par exemple que cette dernière souhaite récupérer ces jeunes un peu perdus en les reprenant en main dans des centres d'entraînement. On appréciera cette image bien contestataire où l'un des protagonistes se met à cracher (il y a d'ailleurs un arrêt sur image) quand on lui dit qu'il a une nation à défendre. Sogo Ishii se moque quelque peu du chef militaire, Takeshi, en le faisant coucher avec un homme : cela comporte un côté comique et surtout annihile le côté quelque peu viril de l'armée.

Il y a d'ailleurs plusieurs séquences drôles dans Crazy thunder road, par exemple quand un militaire apporte à un des blessés, Jin, des marguerites ou encore le moment où un professeur touche les seins d'un mannequin !

Notons que le film comporte quelques scènes inutiles, notamment une histoire d'amour torchée à la va-vite qui n'a d'autre intérêt que de voir les seins d'une actrice japonaise.

Cependant, cela n'empêche pas de trouver en Crazy thunder road une oeuvre contestataire, avec une scène finale particulièrement dynamique et marquante tant par l'utilisation de nombreuses armes que par son lot important de morts. C'est une façon de rappeler l'inutilité de la guerre.

Au final, Crazy thunder est un film libertaire à l'image de son principal protagoniste qui repart seul à la fin. En outre, par sa mise en scène coup de poing et ses nombreuses scènes d'action, Sogo Ishii en a fait un film bien marquant.

 

Avis de Locktal :

Dans l’univers du cineaste cyberpunk japonais Sogo Ishii, c’est la musique (car Ishii est aussi musicien) qui donne le tempo au film et infuse toutes les images qui semblent littéralement naître des riffs endiablés et rageurs.

Crazy thunder road ne fait pas exception à la règle.

Datant de 1980, ce film punk s’intéresse au quotidien d’un jeune motard prénommé Jin et des ses amis, qui ne rêvent que d’exister par et pour eux-mêmes, de s’affranchir d’une société qui les méprise et les rejette.

Crazy thunder road narre notamment les oppositions entre bikers de clans rivaux, dont les affrontements violents entre eux semblent être la seule raison de vivre.

Cette rage, cette énergie jeune et folle, qui émanent de ces marginaux vont être récupérées à des fins politiques par les groupuscules d’extrême-droite dont le meneur est le taciturne Takeshi, prêt à enrôler les jeunes dans le but de les contrôler et de prendre ainsi le contrôle du pouvoir et de la nation.

Jin, un temps enrôlé par Takeshi, se rend vite compte de la dangerosité de la situation et décide de s’affranchir de ce nouveau joug qui ne le satisfait pas et dans lequel il n’est pas libre.

Cette séparation entraîne la mise à prix de sa tête : Jin est alors victime d’un violent passage à tabac qui le diminue physiquement et le prive définitivement de monter sa moto.

Cette injustice déclenche sa haine de tout : de cette société injuste qui l’oppresse, de ces groupuscules qui le manipulent, et avec l’aide d’autres marginaux (un gamin des rues, un clochard), le pousse à tout faire voler en éclat, à tout détruire, dans un finale explosif et apocalyptique qui rappelle un peu le Mad Max de George Miller.

Sogo Ishii réussit un film d’une rage anarchiste sidérante, au montage éclaté qui traduit admirablement l’état d’esprit de Jin ainsi que sa perte de repères dans une société qui ne pourra jamais le formater.

Le dernier plan, magnifique, peut alors surgir : bien que ne pouvant plus monter sa moto, Jin, blessé, l’enfourche et part avec ce qui est son seul bonheur : le plaisir de rouler, de chevaucher librement sans avoir de comptes à rendre à personne…

 

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La paloma (Le temps d'un regard) :

 

Réalisateur : Daniel Schmid

 

Durée du film : 110 minutes

 

Date de sortie du film : 1974

 

Avec : Ingrid Caven (La Paloma), Peter Kern (le comte Isidor Palewski), Bulle Ogier (la mère d'Isidor), etc.

 

Avis de Nicofeel :

Réalisé en 1974 par le cinéaste suisse Daniel Schmid, La paloma est une sorte de rêverie onirique, un conte magnifique. Le film commence d'ailleurs par « Il était une fois ». En outre, il s'ouvre et se ferme par un rideau.

Avec des décors très chargés qui font penser à du Rainer Werner Fassbinder, La paloma débute dans un cabaret où les gens assistent à une représentation intitulée comme par hasard La force de l'imagination.

On nous narre l'histoire d'une artiste, Viola (qui joue dans la paloma) qui est une artiste déchue. On peut faire deux interprétations sur la suite du film : le jeune homme nommé Isidor, grand fan de Viola va être transporté par son personnage et vivre un véritable fantasme. Ou alors il va réellement vivre une grande histoire avec Viola.

En faisant un gros travail sur l'esthétique avec de belles images un peu à la  manière du photographe David Hamilton, et en utilisant une voix off, Daniel Schmid raconte l'histoire d'un amour pur, celui de Isidor qui est éperdument amoureux de notre paloma. Cela donne lieu à de superbes scènes, comme celle où ils chantent ensemble avec en transparence les montagnes.

Mais là où le film comporte un vrai aspect dramatique c'est que la paloma n'aime pas Isidor. Raison pour laquelle par exemple, même si elle est mariée à Isidor, elle a une aventure avec l'ami de ce dernier, Raoul.

Cependant, Daniel Schmid ne perd jamais de vue la notion de pureté dans l'amour d'Isidor pour sa femme. D'ailleurs, ce qui est très beau c'est que cette dernière « croyait en mon amour pour elle « , dixit Isidor.

Histoire à la fois triste et nostalgique (voir sur ce point les nombreux flashbacks), La paloma est le portrait d'une femme insaisissable, étrange, quasi insodable. Dans le côté étrange, on aura d'ailleurs droit à une superbe scène vers la fin lorsque l'on voit Viola sur son lit de mort avec une croix. Elle demande une chose particulièrement perverse à son époux, à savoir découper son corps. Alors s'agit-il d'amour ou de haine ? La question reste posée.

Au final, La paloma qui peut être vue comme une histoire rêvée par Isidor, bénéficie de la présence d'Ingrid Caven dans le rôle principal, d'une superbe photographie, d'une belle mise en scène avec notamment plusieurs travellings latéraux et d'une histoire enivrante.

En somme, voilà un essentiel du cinéma suisse.   

 

Avis de Locktal :

Réalisé par le regretté Daniel Schmid, grand cinéaste suisse à qui l’on doit notamment les brillants Hécate ou Jenatsch, La Paloma est une œuvre atypique dont l’esthétique surchargée rappelle les films des grands Werner Schroeter (récemment disparu, auteur des superbes Deux ou Nuit de chien) ou Rainer Werner Fassbinder (qu’on ne présente plus !).

Débutant par « Il était une fois », comme pour rapprocher le film d’un conte de fée, La Paloma commence par une ouverture de rideau qui se révélera donner sur une scène de cabaret dans laquelle se produit la belle Viola (jouée par Ingrid Craven, actrice également utilisée par Fassbinder) qui séduit immédiatement Isidore, riche célibataire présent dans le public.

Le film est saturé de couleurs et surchargé d’éléments décoratifs, semblant engluer les personnages dans un univers dont ils n’ont pas toutes les clefs (un univers de conte de fée ?).

Viola, condamné par la maladie, accepte la proposition d’Isidore d’être sa maîtresse, puis devient ensuite son épouse, après l’assentiment de la mère possessive d’Isidore (interprétée par Bulle Ogier).

Comme le dit Viola elle-même, elle n’est pas amoureuse d’Isidore mais amoureuse de l’amour qu’il lui porte.

Daniel Schmid crée un véritable roman-photo baroque, dans lequel les personnages sont engoncés dans la surcharge décorative.

L’arrivée d’un troisième personnage, Raoul, ami d’Isidore, va faire chavirer le cœur de Viola et mettre à rude épreuve l’amour pur que lui porte Isidore, donnant naissance à un ménage à trois se déroulant dans une ambiance mortifère, grotesque et qui se terminera par le départ de Raoul et la mort elliptique de Viola (C’est une voix off qui apprendra au spectateur que Viola est morte : « Elle mourut et 3 ans plus tard… « ).

La dernière partie du film est fascinante et mélange une ambiance gothique, vampirique et grand-guignolesque. Isidore réinvite Raoul en lui disant qu’il savait pour lui et Viola : le spectateur assiste alors à un long flashback qui retrace les derniers jours de Viola et notamment la promesse qu’elle demande de tenir à Isidore.

Cette promesse se révélera être particulièrement troublante, mais sera respectée par Isidore qui suivra à la lettre toutes les volontés de Viola.

Le déterrement du corps mort mais intact de Viola, les yeux grands ouverts fixant un point, et son découpage en morceaux par Isidore pour que ceux-ci puissent rentrer dans une boîte mystérieuse, est une scène profondément dérangeante qui interroge le spectateur sur les motivations troubles de Viola : est-ce la preuve de son amour pour Isidore ou de sa haine contre lui ? Surtout depuis que l’amour pur d’Isidore avait été mis à l’épreuve par le refus de celui-ci de donner une somme d’argent à Viola pour qu’elle puisse partir avec Raoul.

Après cette séquence qui donne naissance à de nombreuses questions, le spectateur retrouve le cabaret du début du film : il peut alors penser qu’il a assisté en fait durant toute la durée de La Paloma à la matérialisation du fantasme d’Isidore qui s’est incarné dans la chanteuse de cabaret (qui pourrait être Viola), mais une seconde hypothèse peut voir le jour : les instructions respectées à la lettre par Isidore peuvent aussi avoir porté ses fruits, conduisant à la renaissance de Viola… Daniel Schmid laisse le spectateur libre de choisir la fin qu’il désire…

Au final, La Paloma est un film fascinant, troublant, qui laisse le spectateur totalement libre d’interpréter les signes ou les éléments du film. C’est une expérience unique, dont le parfum se ressent encore longtemps après la projection… Une œuvre essentielle du cinéma suisse…

 

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L'enfance d'Icare :

 

Réalisateur :  Alex Iordachescu

 

Durée du film : 90 minutes

 

Date de sortie du film : prochainement (film de 2009)

 

Avec : Guillaume Depardieu (Jonathan Vogel), Alysson Paradis (Alice Karr), Carlo Brandt (Stivlas Karr), etc.

 

Avis de Nicofeel :

Réalisé par Alex Iordachescu dont c'est le premier film, L'enfance d'Icare traite de la thérapie génétique. C'est le dernier rôle au cinéma de Guillaume Depardieu qui interprète un véritable rôle de composition qui rappelle étrangement sa vie. En effet, Guillaume Depardieu est Jonathan Vogel, un homme handicapé venu se faire soigner par un docteur de clinique qui utilise un nouveau procédé. A la base on lui déclare qu'il a de la chance car un individu sur 100 000 a un génome compatible avec le traitement et c'est son cas.

Jonathan Vogel est le premier humain sur lequel on fait de tels tests. Il va apprendre à ses dépens que si la science peut guérir de certaines maladies, on ne sait jamais quelles sont les conséquences finales avec dans notre cas un mal qui est guéri mais qui crée une nouvelle maladie avec le besoin de recourir à la chimiothérapie (car prolifération de cellules) : ce sont bien là les limites actuelles de la science, prouvant à quel point il faut faire attention.

Le film laisse une impression mitigée car si sa thématique est intéressante, il se déroule sur un rythme lent et surtout on a rapidement l'impression qu'il tourne un peu en rond. On comprend vite que Jonathan s'est porté volontaire (« on a signé un pacte » dixit le professeur) pour le programme mais le traitement n'améliore pas son état de santé. L'intrigue aurait sans conteste mérité d'être plus développée.

A fortiori, on constatera qu'il y a une belle incohérence vers la fin : alors qu'il y a un accident de voiture assez grave, Jonathan n'est nullement blessé.

Au demeurant, si l'on sent qu'il se trame quelque chose et que l'ambiance est froide et plutôt pesante (ce sentiment étant accru par la musique ambiante du groupe suisse les Young gods) dans ce film, il ne se passe pas grand chose.

Quelques éléments méritent tout de même d'être signalés comme les relations particulièrement ambiguës entre le professeur et sa fille Alice. On notera également avec intérêt le fait que le film montre les liens entre science et économie puisqu'il y a des actionnaires qui attendent des résultats et surtout des profits des recherches du docteur de cette clinique.

Quant aux acteurs, ils ne sont pas à mettre en cause du semi-échec du film car il se révèlent assez bons.

Au final, L'enfance d'Icare est un film qui part avec de bonnes intentions mais qui s'égare un peu en route en raison d'une intrigue qui aurait mérité plus de clarté et de développements.

Après la séance, Alex Iordachevscu a répondu aux questions des spectateurs. Locktal lui a demandé les raisons du titre du film. Le cinéaste lui déclare que son film est l'histoire d'une chute qui vient en héritage même si elle n'a pas été demandée. Le cinéaste rappelle l'histoire du mythe d'Icare et fait le parallèle avec son film.

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Avis de Locktal :

Réalisé par le jeune cinéaste Alex Iordachescu en 2009, L’enfance d’Icare aborde les thèmes des limites de la science et le traitement de la maladie.

Comme le souligne le cinéaste lui-même, l’espace du film est constitué de la clinique, de la forêt qui l’entoure et de la route qui y mène, la clinique étant comme le cancer qui ronge la société.

Si le traitement de la maladie a certes évolué, elle peut également donné naissance à d’autres maladies, d’autres tumeurs, comme le cancer encore une fois.

Les décors et l’environnement du film (plantes transgéniques, labyrinthe de la forêt faisant penser au labyrinthe du Minotaure) donnent une atmosphère étrange, Alice qui est la fille du savant étant elle-même peut-être transgénique. Irodachescu utilise d’ailleurs de manière intéressante les éléments naturels, les englobant d’une brillance particulière qui leur donne un aspect presque surnaturel.

Guillaume Depardieu, qui interprète le rôle principal, constamment taciturne, est très juste et a le courage de mettre son handicap (l’amputation de sa jambe) au service du film.

Le cinéaste établit également un parallèle entre son film et le traitement transgénique des plantes qui les fait devenir parfois monstrueuses.

Face à la science qui se prend pour Dieu, le héros interprété par Guillaume Depardieu finit par fuir, s’échapper de cet engrenage qui ne fait que transformer sa maladie au lieu de la guérir.

Néanmoins le film souffre d’un problème de rythme et peine parfois à intéresser le spectateur aux thématiques développées par le métrage, même si celles-ci sont passionnantes à la base, d’où la monotonie qui en émane.

A noter que le cinéaste était présent lors de la projection et a amené quelques éclaircissements quant à l’élaboration du film.

 

 

The codename is Asia strikes back :

 

Réalisateur : Sogo Ishii 

 

Durée du film : 30 minutes

 

Date de sortie du film : 1983

 

Avis de Nicofeel :

The codename is Asia strikes back est un moyen métrage d'une durée de 30 minutes que Sogo Ishii est venu mixer en direct dans la salle de cinéma la plus importante du festival de Neuchâtel, à savoir la première salle du théâtre du passage.

Ce moyen métrage de 1983, qui s'accorde parfaitement à la filmographie de Sogo Ishii, cinéaste qui oeuvre dans ce que l'on appelle communément le cyperpunk (au même titre que son compatriote Shinya Tsukamoto), est un véritable trip sensoriel. Le plaisir d'avoir droit à un mixage en direct rend donc The codename is Asia Strikes back d'autant plus prenant. C'est d'ailleurs la première fois que Sogo Ishii mixe ce court métrage de 30 minutes sans son groupe.

Dans ce moyen métrage, il n'y a pas de paroles mais uniquement des images et un son particulièrement marquant. La bande son est tout à la fois rock n'roll et métalleuse.

Il n'y a pas vraiment de logique dans ce métrage. C'est donc, comme dit précédemment, avant tout un spectacle sensoriel, même si la charge contre l'armée et la guerre est évidente. En effet, on voit de nombreuses explosions et le fait qu'il y a la guerre.

Pour donner un côté encore plus frontal à son métrage, Sogo Ishii a délibérément choisi de filmer caméra à l'épaule de manière quasi systématique – hormis lors d'un beau plan séquence qui permet de découvrir un souterrain amenant au lieu de vie des militaires.

Ces hommes, qui sont de sacrés têtes de guerriers,  nous sont présentés armés, et notamment de fusils. Il y a un vrai côté cyperpunk avec ces personnages capables de se régénérer.  Sogo Ishii insiste là dessus en ralentissant l'image, permettant de voir les mouvements démultipliés les personnages en laissant une trace. Ces hommes ont des super-pouvoirs, comme le prouve par exemple leurs résultats aux tirs.

Avec des sortes de surimpressions et des transparences, Sogo Ishii travaille beaucoup l'image. En jouant sur la répétition et sur la musique métalleuse qui donne un rythme entêtant, le cinéaste japonais nous immerge dans son moyen métrage.

C'est aussi une façon pour lui d'indiquer que la guerre rend fou les gens, à tel point que les soldats que l'on observe en arrivent à se tirer dessus. Il y a une vraie symbolisation de la guerre et de la bombe. Sogo Ishii exprime sans détour la bêtise de la guerre et de ses conséquences. A tel point qu'à la fin du métrage les survivants se rendent compte qu'il n'y a pas d'ennemis. No comment.

 

Avis de Locktal :

Réalisé en 1983, ce moyen métrage est typique de l’univers cyberpunk de Sogo Ishii, qui mixait lui-même en direct la bande sonore du film, en live.

The codename is Asia strikes back se déroule au son d’une bande-son punk électrique et stridente, qui donne naissance à des images marquantes qui défilent sur un montage éclaté.

Le film, au rythme endiablé renforcé par la bande-son, semble suivre le quotidien d’une bande de militaires reliés électriquement entre eux et enfermés dans un bunker.

Quasiment sans dialogue, The codename is Asia strikes back utilise en fait des sous-titres qui apparaissent anarchiquement sur l’écran, comme pour appuyer le dérèglement d’une société dans laquelle les gens ne se parlent plus directement. D’ailleurs, tout le film pourrait être le résultat d’une hystérie collective.

Le groupe de militaires finit par éclater, comme souvent dans les films de Sogo Ishii, qui en profite pour dénoncer le militarisme excessif.

Deux des protagoniste, un homme et une jeune femme, parviennent à sortir du bunker pour découvrir le monde extérieur qu’ils ne semblent pas connaître.

Le dernier plan, tétanisant, montre le héros coupant les pont avec la jeune femme et partant seul vers un monde inconnu, malgré les dangers (qui sont peut-être fantasmés, puisqu’on ne voit jamais le moindre ennemi). Cet ultime plan rappelle celui de Crazy thunder road.

Au final, The codename is Asia strikes back est une expérience intéressante, décuplée par le mixage live de Sogo Ishii.

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