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Déjantés du ciné
8 novembre 2016

Moi, Daniel Blake de Ken Loach

moidaniel1Titre du film : Moi Daniel Blake

Réalisateur : Ken Loach

Année : 2016

Origine : Royaume-Uni

Durée : 1h39

Avec : Dave Johns (Daniel Blake), Hayley Squires (Katie), Briana Shann (Daisy), Dylan McKiernan (Dylan), etc.

FICHE IMDB

Synopsis : Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, est contraint de faire appel à l’aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Mais bien que son médecin lui ait interdit de travailler, il se voit signifier l'obligation d'une recherche d'emploi sous peine de sanction.

 

Après deux fictions sympathiques (La part des anges, Jimmy's Hall), le grand Ken Loach est de retour. Le jury cannois ne s'y est pas trompé en lui délivrant la palme d'Or.

Dans It's a free world (2008), il dénonçait de façon virulent les pratiques douteuses d'agence de recrutement, profitant de la détresse d'immigrés ayant besoin d'un emploi pour se faire de l'argent sur leur dos.

Dans Moi, Daniel Blake, Ken Loach se place comme souvent du côté des opprimés. Daniel Blake, menuisier de 59 ans, victime d'une crise cardiaque, se trouve en convalescence. Or, son allocation « invalidité » est suspendue car il serait en capacité de travailler !

Ken Loach critique ouvertement cette situation ubuesque où une personne est déclarée apte au travail, suite à une évaluation d'un cabinet indépendant disposant d'un questionnaire standardisé, alors que son médecin la considère comme malade. Pour toucher cette fois le chômage, Daniel Blake doit donc s'inscrire à des formations obligatoires et solliciter des employeurs... alors qu'il ne peut pas travailler. Cette situation est intolérable, surtout pour des gens qui sont proches de la retraite et dont l'état de santé est précaire.

moidaniel3L'évolution de la société britannique, mais aussi des autres sociétés dites « développées », est tout aussi préoccupante. Ken Loach pointe du doigt ces nouvelles technologies qui laissent sur le bord du chemin nombre de personnes. La fameuse fracture numérique, chère à notre ancien président, n'a jamais été aussi vraie. Daniel Blake, travailleur manuel par excellence, doit apprivoiser internet pour faire une demande d'allocation chômage par internet alors qu'il ne connaît pas l'outil informatique. Et l'administration n'en a cure si des gens ne savent pas comment faire. C'est à se demander si ça ne l'arrange pas. D'ailleurs, les centres d'appel sont là pour renseigner les gens ou plutôt les décourager : temps d'attente interminables, réponses évasives, sont au programme. Il n'y a plus de relation entre un citoyen et un fonctionnaire concerné. Désormais, l'administration est désincarnée, sans aucune considération pour autrui : les gens ne sont plus que des numéros perdus dans un système.

Si Moi, Daniel Blake est une fiction, on a pourtant l'impression d'assister à une scène de la vie courante, tant les choses décrites paraissent réalistes. La politique des prestations sociales de l'Etat britannique en faveur des plus démunis fait franchement froid dans le dos. On a vraiment de la peine pour ces gens, qui se retrouvent dans des situations terribles, alors qu'elles cherchent plus que tout à s'en sortir.

Comme l'a indiqué en entretien Ken Loach, le point de départ de son film est « le thème universel de ces gens qui se battent pour survivre. » Malgré toutes les embûches se dressant sur son chemin, Daniel Blake reste plus que jamais un homme volontaire, faisant preuve d'opiniatreté et même d'humour face à une administration standardisée, faisant preuve d'une bêtise sans nom.

Et si le propos du film est extrêmement noir, il a le mérite de mettre en lumière des situations inacceptables. Faire réfléchir le spectateur, l'inviter à se rebeller ou à faire évoluer la société, telles sont sans doute des vœux chers à Ken Loach en mettant en scène Moi, Daniel Blake : « Le cinéma est porteur de nombreuses traditions, l'une d'entre elles est de présenter un cinéma de protestation, un cinéma qui met en avant le peuple contre les puissants, j'espère que cette tradition se maintiendra. »

Heureusement, la situation est grave mais pas désespérée. Il subsiste encore de maigres courants d'humanisme, de fraternité. Dans cette chronique sociale ô combien d'actualité, Daniel Blake connaît des moments difficiles mais il n'oublie pas pour autant d'aider des personnes, elles aussi dans le besoin. Il jette ainsi son dévolu sur Katie, une jeune mère célibataire avec deux enfants, qui débarque du jour au lendemain dans une ville inconnue, sans emploi, avec comme seule assurance un logement social vétuste. L'esprit d'entraide, totalement désintéressé, véhiculé tout au long du film par Daniel Blake, fait plaisir à voir. Il rend service à ses voisins et fait tout pour sortir d'un mauvais pas Katie, qui plonge progressivement, jusqu'à devoir prendre des décisions radicales.

moidaniel2De la même façon, le spectateur est amené à porter un regard plein d'empathie, lorsqu'a lieu la scène à la banque alimentaire. On y découvre d'un côté des gens démunis – acceptant de mettre de côté leur amour-propre – et de l'autre des bénévoles prêts à tout pour aider ces gens. Voilà qui permet de nuancer un peu le propos d'un film très dur.

La tension permanente du film, le sentiment d'incompréhension et de révolte, ne seraient pas aussi vivaces chez le spectateur sans son excellente distribution. On a franchement l'impression que les acteurs jouent leurs propres rôles. Comme quoi, même à son âge, Ken Loach demeure un formidable directeur d'acteurs. Évidemment, la performance la plus impressionnante est celle de de Dave Johns officiant dans le rôle de Daniel Blake. Cet humoriste de profession surprend par la justesse de son interprétation. Hayley Squires est également remarquable dans le rôle de la pauvre Katie, faisant tout pour sortir sa famille de la misère.

Avec Moi, Daniel Blake, Ken Loach signe un film engagé où la bêtise de l'administration n'a d'égale que son manque de considération pour autrui. Comme l'écrit Daniel Blake dans son courrier de réclamation auprès de l'administration « Je suis un homme. Pas un chien. »

Il devient plus que jamais urgent de remettre l'Homme au cœur de toutes les préoccupations.

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