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Déjantés du ciné
2 mars 2008

There will be blood de Paul-Thomas Anderson

TWBBTitre du film : There will be blood

Réalisateur : Paul-Thomas Anderson

Année : 2008

Origine : Etats-Unis

Durée du film : 2 h 38

Acteurs principaux : Daniel-Day Lewis, Paul Dano, Dillon Freasier

FICHE IMDB

Résumé : Une fresque autour du portrait d'un homme qui fait fortune dans le pétrole, du début du XXème siècle à la fin des années 20.

Après avoir réalisé des films comme Magnolia et Punch drunk love, on attendait impatiemment le retour derrière la caméra de Paul-Thomas Anderson. L'attente n'aura pas été vaine. Il signe avec There will be blood une oeuvre magistrale qui a été récompensée au festival de Berlin par le prix du meilleur réalisateur (Ours d'argent) puis aux Etats-Unis par 2 oscars, l'un pour la photographie et l'autre pour Daniel-Day Lewis.

There will be blood est une fresque (un peu comme un Barry Lyndon de Kubrick), une sorte de chronique sociale qui s'intéresse au destin d'un homme, Daniel Plainview, et de toutes les personnes qui gravitent autour de lui. Daniel Plainview est interprété par un magistral Daniel-Day Lewis, lequel a obtenu l'oscar du meilleur acteur pour sa performance d'acteur qui est tout bonnement époustouflante. Daniel Day-Lewis est Daniel Plainview. Le film de Paul-Thomas Anderson s'intéresse à la personnalité de cet homme, nullement aimable, de la découverte de son premier puits de pétrole au début du XXème siècle jusqu'à la crise de 1929.

Daniel Plainview est un personnage qui est obsédé par le pétrole. Dès les premières minutes du film, on le voit avec le visage barbouillé de pétrole. Il pense au pétrole puis seulement à son fils. Mais est-ce réellement son fils ? Le film ne donnera pas de réponses à cette question. Peut-être n'est-ce qu'une façon pour Daniel Plainview de se donner une apparence plus humaine. Car le pétrole reste son unique but : il  entend parler d'un gisement probable de pétrole en Californie et il décide de s'y rendre. Il rachète pour une bouchée de pain toutes les terres avoisinantes, qui sont des terres arides où rien ne pousse, fait construire des puits de forage et devient très riche.

therewillbeLa grande force du film de Paul-Thomas Anderson est de nous brosser le portrait d'un homme, Daniel Plainview, prêt à tout pour réussir. Le côté extrême du personnage est assez impressionnant à voir : il se fait passer au départ pour un entrepreneur qui soi-disant va permettre à chacun de réussir (il dit qu'il va créer une école, qu'il va faire venir de l'eau et permettre l'agriculture sur cette terre aride, etc.)  il décide de se séparer (provisoirement alors) de son fils lorsque celui-ci perd le sens de l'ouie, il se fait baptiser (sans pour autant qu'il se mette à croire en Dieu) afin que son pipeline puisse passer par une ferme qu'il ne possède pas, etc. Daniel Plainview est au sens propre du terme un être exceptionnel. C'est un véritable entrepreneur qui refuse qu'on lui dicte sa conduite à tenir. Il sait où il va et il ne se fie qu'à son point de vue.

D'ailleurs, le pétrole est aussi la métaphore de sa faillite dans ses relations avec autrui : plus le pétrole est extrait, moins il s'intéresse à sa famille (qui ne se résume qu'à son fils) et aux gens qui le cotoient. On a même l'impression que ce n'est plus du sang qui coule dans ses veines mais bien de l'or noir. Cette idée est explicitement indiquée par Daniel Plainview qui déclare à son frère que plus il fréquente les gens, moins il les aime. Il les déteste même et souhaiterait être seul au monde. Mais Daniel Plainview n'est pas forcément le seul à être ambigu, voire détestable. Car finalement Plainview ne cache à personne son caractère difficile et sa volonté d'être le meilleur (quitte à devoir couper les  ponts avec des gens qui l'aiment, comme le montre bien l'une des scènes de fin du film).

De son côté, Eli Sunday, interprété de façon plus que convaincante par Paul Dano, est un personnage très trouble. C'est lui qui vient annoncer en utilisant le prénom de Paul à Daniel Plainview l'existence d'un endroit rempli de pétrole. Puis il se présente en tant qu'Eli lorsque Daniel Plainview se rend à la ferme des Sunday. Eli est celui qui se prend pour une sorte de prophète, un prédicateur (on pense au Malin de John Huston ou encore à Elmer Gantry le charlatan de Richard Brooks) qui harrangue les foules afin de les amener à croire en Dieu.

Cependant, Eli n'est pas désintéressé du côté matériel du monde puisqu'il n'a de cesse à parler à Daniel Plainview d'argent qu'il doit lui donner, au nom de l'Eglise. Du début de leur rencontre à la fin du film, il parle d'argent à Daniel Plainview d'argent qu'il lui doit. Les processions d'Eli sont particulièrement exteriorisées et ont un côté théâtral évident. La critique de Paul-Thomas Anderson de la religion comme opium du peuple est très claire. Surtout que la fin du film permet d'en savoir plus sur le personnage controversé d'Eli.

therewillbe2En plus d'une excellente distribution, There will be blood bénéficie d'une mise en scène très fluide et d'une superbe photo de Robert Elswit, récompensée par un oscar (le début du film est sidérant avec aucun dialogue avant plusieurs minutes et une mise en scène qui privilégie les jeux d'ombre et de lumière) qui permettent d'apprécier l'immensité des paysages américains. On voit l'entreprise exceptionnelle qui est effectuée par Daniel Plainview dans un environnement qui est au départ hostile ; les plans majestueux de Paul-Thomas Anderson s'opposent aux plans arides de la terre dont est extrait le pétrole et la mer où décide de se baigner Daniel Plainview.

La musique de Jonny Greenwood - le guitariste de Radiohead - est quant à elle particulièrement inspirée et devient très présente lors des moments clés du film, notamment par des accords de guitare stridants, qui donnent un aspect angoissant.

Au final, There will be blood restera sans nul doute comme un grand classique du cinéma américain. Un film désenchanté sur la condition humaine qui dresse le portrait d'un incroyable self-made-man qui s'avère être également un personnage aussi sombre sur le plan relationnel que le pétrole qu'il chérit tant. Robert Altman, à qui le film est dédié, peut être fier de son disciple. 

La bande annonce en VOST

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Commentaires
L
Je ne pense pas que cette scène soit surlignée. PTA la filme de façon à ce qu'elle soit comme suspendue et marque une césure, accentuée par les dissonnances de la bande-son de Johnny Greenwood<br /> Cette scène s'apparente plutôt à un présage funeste : le présage des Dieux à un homme qui se prend pour Dieu.<br /> Effectivement, PTA quitte le point de vue de son "héros" pour le prévenir. <br /> Entre le duel de deux fous grimaçants (Plainview et Eli), seul cet enfant peut incarner l'innocence : c'est notre référent, le seul personnage qui ressent vraiment. <br /> Mais cet enfant est aussi la seule part d'humanité de Plainview, et l'accident qui entraîne la surdité du bambin marque alors une cassure : la disparition de l'humanité de Plainview et sa transformation totale en monstre assoiffé.<br /> Il s'agit donc d'une scène extrêmement importante du film, d'où l'intérêt de la suspendre dans le temps et l'espace. C'est tout simplement le point de non-retour.<br /> Et le point de vue qui se recentre alors sur l'enfant est nécessaire, puisqu'elle désigne premièrement l'enfant comme la première victime de la soif de pétrole de Plainview et dans un deuxième temps la part d'humanité qui se détache à jamais de Plainview, marquant une scission indélébile. <br /> Ce n'est en aucun cas une scène visant à accentuer la dramaturgie du film. D'ailleurs, There will be blood n'est pas un film dramatique mais une fable grotesque rebâtissant le mythe du self-made man américain et se terminant sur un bateau à la dérive (la salle de bowling), décuplant la chute de Plainview, soit un grand saut dans le vide, comme la boule qui en atteignant son but (le trou, auquel fait écho la première scène du film oùPlainview creuse et creuse dans un trou sans fin) se retrouve dans les profondeurs du néant.
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N
La scène de l'enfant qui perd l'ouie est à mon sens une scène très forte du film qui n'est pas surlignée par le réalisateur. C'est un fait important, qui est d'ailleurs brillamment mis en scène (comme le reste du métrage par ailleurs).<br /> Je pense que ce film de Paul-Thomas Anderson est un réel chef d'oeuvre qui va marquer des générations entières de spectateurs.
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P
certes, je reconnais les qualités du film.<br /> Mais ( force est de constater), je dois avouer ma déception, née sans doute d'une dithyrambe telle que je m'attendais à voir le film du siècle ( pas moins), ce qu'il n'est définitivement pas ( oui, je suis difficile !!).<br /> pire, j'ose affirmer que certaines scènes visant à accentuer le côté dramatique me semblent inutiles (je pense notamment à la scène où l'enfant perd l'ouïe, ce que PTA se croit obligé de surligner d'une scène où l'on adopte le point de vue de l'enfant, nous martelant ainsi sa surdité, pourtant subtilement amenée jusqu'à ce plan).<br /> De plus, ce plan, en plus de son inutilité, rompt avec le fait que PTA choisi de nous monter exclusivement le point de vue de son héros, mais que là, pour des raisons qui m'échappent, il déroge à la règle.<br /> cependant, THERE WILL BE BLOOD reste un bon film, mais qui ne dépasse pas ce statut malgré tout.
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T
Toujours sous le signe des grands maitres américains, on peut citer john HOUSTON comme influence. Je pense à son dernier film LE PRECHEUR (de mémoire en 1980) qui rappelle beaucoup le personnage d'Eli.
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L
Avec cette ouuvre magistrale, Paul-Thomas Anderson signe son premier très grand film, parfaitement maîtrisé et utilisant ses références (Altman, à qui le film est dédié, Scorsese) de manière plus fine que ses films antérieurs (même si avec l'excellent Punch-drunk love, le cinéaste avait déjà pris ses marques).<br /> There will be blood est un pur film pulsionnel, composé que d'images-pulsions, selon l'expression de Deleuze. <br /> Le film évoque le grand cinéaste américain King Vidor par son côté démesuré (et pulsionnel), et évidemment le grand chef d'oeuvre de Coppola qu'est Le parrain II (dans sa façon de montrer un personnage purement individualiste qui finit par se retrouver seul). Par ailleurs, la blessure à la jambe de Daniel (un hallucinant Daniel Day-Lewis) représente le mal qui s'insinue au fur et à mesure en lui (comme dans le génial Val Abraham de Manoel de Oliveira).<br /> Bref, un très grand film, plein d'humour bien noir, qui est sans aucun doute le meilleur à ce jour de Paul-Thomas Anderson, qui s'achève dans une dernière scène magnifique (métaphore de l'Amérique).<br /> A noter que la bande-son est excellente.
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