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Déjantés du ciné
29 janvier 2014

Prisoners de Denis Villeneuve

prisoners1Titre du film : Prisoners

Réalisateur : Denis Villeneuve

Année : 2013

Origine : Etats-Unis

Durée : 2h33

Avec : Hugh Jackman (Keller Dover), Jake Gyllenhaal (l'inspecteur Loki), Paul Dano (Alex Jones), Terence Howard (Franklin Birch), Viola Davis (Nancy Birch), Maria Bello (Grace Dover), Melissa Leo (Holly Jones), etc.

FICHE IMDB

Synopsis : Dans une petite ville des Etats-Unis, deux jeune filles sont victimes d'un enlèvement.

 

Le canadien Denis Villeneuve, auteur du très éprouvant Incendies, réalise avec Prisoners son premier film américain. Si le budget est plus conséquent, ce qui lui permet notamment de faire jouer moults stars actuelles (Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Paul Dano), les thématiques développées ne sont pas sans rappeler celles de son précédent long métrage.

Prisoners est un polar sombre. Le début du film est symptomatique de cet état de faits. On voit un cerf – animal inoffensif et parfaitement innocent – qui se fait tuer par un homme qui justifie son acte en priant Dieu en débitant le notre père. Il ne se sent dès lors pas franchement responsable de l'acte qu'il vient de commettre.

La suite du film montre que notre société actuelle recherche forcément des responsables quant à des actes commis. On a beau se situer en 2013, l'ombre du 11 septembre 2001 plane toujours dans une Amérique meurtrie et qui continue de panser ses plaies en se refermant de l'intérieur.

Dans Prisoners, Keller Dover est un bon père de famille nationaliste, militariste (voir le sous-sol de sa maison qui regorge d'armes) qui entend coûte que coûte protéger sa famille. Dès lors, quand sa petite fille, Anna, disparaît sans raisons, il cherche à retrouver le ou les coupables.

prisoners3Le film s'interroge sur une société américaine rentrée dans une véritable paranoïa. Keller Dover n'a manifestement pas foi en les institutions. Il s'énerve de constater que l'enquête policière patine et que le principal suspect, Alex Jones, soit relâché, faute de preuves. Keller Dover décide alors de se faire justice lui-même et kidnappe Alex Jones, persuadé qu'il est le coupable. Cet homme commet dès lors des actes inadmissibles en torturant un autre homme dont il n'est absolument pas certain qu'il est réellement le coupable. Pire : il entraîne dans sa quête abominable le père de la deuxième disparue.

De victime en raison de la disparition de sa fille, Keller Dover passe au statut de bourreau. La façon dont il s'en prend à Alex Jones est vraiment terrifiante. Le réalisateur Denis Villeneuve n'y va pas avec le dos de la cuillère dans le traitement de son histoire. La violence va crescendo à tel point qu'elle devrait amener les personnes convaincues du bienfait de la vengeance personnelle à réviser leur position.

On ressent bien d'un bout à l'autre du film la douleur des différents personnages du film. Mais cela ne justifie pas tout. Chacun est responsable de ses actes et si les Etats-Unis sont une démocratie avec des règles bien établies, il y a bien une raison à cela. Notre faculté de raisonner, de faire preuve de modération, de compassion, est bien ce qui nous différencie des animaux. Mais la volonté de faire du mal est également une capacité de l'homme.

De même, Prisoners pointe du doigt un fanatisme religieux qui est perverti et est particulièrement dangereux. Entre Keller Dover qui n'a de cesse d'évoquer Dieu et à l'inverse le kidnappeur qui justifie ses actes par le fait que Dieu n'a rien fait pour lui à un moment donné, il est utile de rappeler que les religions sont là pour rassembler les hommes et non pour justifier des actes individuels inacceptables.

En plus de ses thématiques développées très riches, Prisoners est un polar de qualité. Il bénéficie d'une très belle photographie et d'un environnement qui accroît le côté sombre de cette histoire. La petite ville choisie pour le tournage paraît peu accueillante, et ce d'autant plus avec cette pluie omniprésente. Sans compter cette maison abandonnée qui sert de lieu de torture pour Keller Dover.

Et puis évidemment l'enquête policière est très intéressante à suivre. Sur ce point, le film n'est pas sans rappeler Zodiac de David Fincher. Prisoners, film à la tension permanente est bien plus orienté par l'aspect psychologique que par la succession de meurtres. Si la violence est bien de la partie, elle est évoquée hors champ la plupart du temps. Le calvaire d'Alex Jones est bien ressenti par le spectateur mais celui-i voit principalement le résultat sur son évolution physique. Quelle horreur que d'entendre ses cris de douleur !

prisoners2Sur le plan scénaristique, Prisoners ne dévoile ses éléments que par petites touches, de telle sorte que l'on doit attendre la toute fin du film pour connaître son dénouement.

Au niveau de la distribution, celle-ci constitue clairement un des points forts du film. Hugh Jackman interprète brillamment le rôle de Keller Dover, un père de famille aveuglé par l'amour qu'il porte à sa famille, à tel point que tout est acceptable à ses yeux pour tenter de récupérer sa petite fille. Par le biais de ce personnage, le film s'interroge sur la morale des gens. Pour rendre la pareille au personnage de Keller Dover, l'acteur Jake Gyllenhaal endosse le rôle de l'inspecteur Loki qui de son côté cherche au contraire à régler son enquête de la façon la plus honnête et la plus réglementaire qu'il soit. Mais progressivement, il finit par craquer et se lance lui aussi dans une entreprise beaucoup moins justifiable (voir un interrogatoire musclé qui donne lieu à une conclusion désastreuse). Dans cette distribution de qualité, comment ne pas citer l'interprétation de Paul Dano qui est parfait dans le rôle d'Alex Jones, un jeune homme simplet qui nous fait ressentir la souffrance dont il est la victime.

En dépit de sa longue durée (plus de 2h30), Prisoners constitue un thriller psychologique de qualité qui a le mérite de donner beaucoup de profondeur à ses personnages et de placer l'homme au centre de cette histoire.

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