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Déjantés du ciné
15 juin 2016

Elle de Paul Verhoeven

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Titre du film : Elle

Réalisateur : Paul Verhoeven

Année : 2016

Origine : France

Durée : 2h10

Avec : Isabelle Huppert (Michèle), Laurent Lafitte (Patrick), Anne Consigny (Anna), Charles Berling (Anna), Virginie Efira (Rebecca), etc.

FICHE IMDB

Synopsis : Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. À la tête d'une grande entreprise de jeux vidéo, elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d'une main de fer. Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu.

 

Avec Tricked (2012), Paul Verhoeven s’intéressait à un père de famille infidèle, manipulé par d’autres personnes. Ce film mettait en avant une société très libre où les gens n'ont pas d'interdits.

S’inscrivant dans la continuité de cette œuvre, Elle (2016) dresse le portrait de Michèle, une femme forte, de tempérament, qui ne respecte personne autour d’elle et agit uniquement en fonction de ses désirs. Cette femme célibataire est un jour agressée à son domicile. Mais elle ne prend pas l’attitude d’une victime. Au contraire.

De façon rationnelle, elle cherche à régler son compte à son agresseur. Tout cela peut paraître finalement assez logique.

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Pourtant, ne comptez pas sur Verhoeven pour mettre en scène un long métrage classique. Le réalisateur de Basic instinct s’amuse à détourner les codes du thriller et à jouer de sa supposée passion pour la violence et le sexe, qui lui colle à la peau.

De manière plus générale, comme c’est le cas dans nombre de ses films, Verhoeven en profite pour s’attaquer aux travers de notre société contemporaine. Dans un monde où tout va très vite et où les valeurs morales s’estompent de plus en plus, le champ des possibles s’ouvre à tous. Et ce n’est pas forcément le meilleur de l’être humain qu’il nous est donné de voir.

Michèle entretient ainsi une relation particulièrement ambiguë avec son agresseur. On est dans une sorte de traque mais on ne sait pas précisément qui traque l’autre. On est dans un jeu du chat et de la souris, dans du dominant-dominé avec un côté sado-masochiste, avec l’étrange sensation que cela n’est pas pour déplaire à Michèle.

Cette dernière n’est d’ailleurs pas vraiment frileuse dans sa relation avec autrui : elle a pour amant le mari de son associée (qui au passage est sa meilleure amie) ; elle séduit son voisin qui est pourtant lui aussi un homme marié et elle semble sans limites à de nombreux points de vue. Autour d’elle gravitent toute une panpolie de personnages complètement zinzins : sa mère, très âgée, fréquente un gigolo pour assouvir ses désirs ; son père est un psychopathe en puissance, emprisonné après des faits macabres ayant fait la une des journaux. Verhoeven décrit une société d’amoraux et de névrosés – violeurs, personnages adultérins, psychopathes – agissant sous le seul principe de leur bon-vouloir. Aucune barrière morale ne semble en mesure de les arrêter. Comme le dit très justement Michèle, « la honte c’est pas un sentiment suffisamment fort pour commettre quoi que ce soit ».

Le film montre de manière évidente que derrière le vernis de gens respectables, se dissimulent des gens torturés et pervers.

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Au passage, le cinéaste égratigne sans vergogne la religion. Il se moque de ces gens se faisant passer pour de bons chrétiens, alors que sommeille en eux ou dans leur entourage de véritables psychopathes, prêts à commettre des actes horribles. L’aspect volontairement comique de certaines scènes n’a d’autre but que de désacraliser une religion servant à beaucoup de paravent. L’habit ne fait pas le moine, c’est le moins que l’on puisse dire.

Verhoeven ne se limite pas à constater l’aspect sans foi ni loi de notre société. Il s’intéresse également aux causes. Au premier rang desquelles il place les jeux vidéo. Cela n’est pas un hasard si Michèle dirige une société de jeux vidéo. En favorisant la violence et le sexe, ces jeux influencent de manière néfaste les gamers, en leur faisant croire que les pratiques vécues dans le jeu sont transposables dans notre monde contemporain. Nullement cathartique, ce déchaînement de violence et de sexe exacerbe des sentiments, qui devraient être au contraire jugulés.

En plus de thématiques fort riches, Elle bénéficie d’acteurs principaux de qualité. Dans le rôle de Michèle, Isabelle Huppert déploie toute la diversité de son jeu d’actrice, avec un naturel assez impressionnant. Quant à Laurent Lafitte, si son personnage est moins exubérant, il n’en reste pas moins tout à fait ambigu, voire inquiétant.

Au final, Elle apparaît comme un drame psychologique, bien plus fin qu’il n’y paraît. Le jury de Cannes a manifestement manqué de discernement, en lui accordant aucun crédit. C’est sans doute le côté direct de cette œuvre qui a laissé sur le carreau les festivaliers.

A 77 ans, Verhoeven se porte bien et n’a pas changé d’un iota. Il vilipende avec toujours autant d’à-propos une société à la dérive. Vivement son prochain film.

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