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Déjantés du ciné
4 septembre 2020

Videodrome de David Cronenberg

videodrome, afficheTitre du film : Videodrome

Réalisateur : David Cronenberg

Année : 1983

Origine : Canada

Durée : 1h28

Avec : James Woods, Debbie Harry, Sonja Smits, Leslie Carlson, Jack Creley, etc.

FICHE IMDB

Synopsis : Le patron d'une petite chaîne érotique sur le câble capte par hasard un mystérieux programme-pirate dénommé Vidéodrome, qui met en scène tortures et sévices sexuels. Son visionnage provoque peu à peu des hallucinations et autres altérations physiques. La frontière entre réalité et univers télévisuel devient bien mince, et la folie guette...

 

Au début de sa carrière, David Cronenberg était catalogué comme réalisateur de petits films d’horreur. On songe ainsi à Frissons et Rage. Pourtant, rapidement, le cinéaste canadien va prendre son envol avec des œuvres d’une toute autre ambition. C’est le cas de Videodrome, un véritable chef-d'œuvre, pas forcément très connu en comparaison du succès rencontré plus tard par La mouche (1987).

Ce qui frappe aujourd’hui d’emblée en regardant Videodrome, c’est le côté visionnaire de ce film qui date tout de même de 1983. Ce long métrage préfigure toute l’évolution de notre société et en particulier la dépendance de l’homme à la télévision.

videodrome1Videodrome est d’une incroyable modernité. Outre le côté addictif de l’homme au tube cathodique, le film évoque des dérives qui sont malheureusement désormais du domaine de la réalité et non de la fiction. Ainsi, le personnage principal, Max Renn (incarné par un excellent James Woods) est le patron d’une chaîne érotique du câble, qui cherche des sensations fortes à donner à ses spectateurs pour faire grimper l’audimat. Dans l’approche de son métier, Max Renn évoque clairement l’évolution à venir de la pornographie. Fini les films des années 70-80 disposant d’un (vrai) scénario et mettant en scène souvent des acteurs dans une ambiance bon enfant. Dans son approche mercantile et cradingue, Max Renn fait penser au porno actuel, avec ses scénettes sans âme. On est dans de la pornographie de grande consommation.

L’étrange acuité de Videodrome quant à notre monde actuel se retrouve également dans les inoubliables séquences de tortures auxquelles on assiste. Elles font évidemment penser de prime abord à des snuff movie, et encore une fois au côté voyeuriste et malsain de certaines personnes. Mais plus proche de nous, avec ces uniformes orangés, les victimes nous rappellent les prisonniers de Guantanamo.

Et alors qu’en 1983, les nouvelles technologies n’en sont qu’à des balbutiements (pas question alors de parler d’internet), l’un des protagonistes de Videodrome déclare au début du film que nous devrons tous prochainement utiliser un faux nom dans les médias, on songe forcément aux pseudos pullulant sur internet.

Rétrospectivement, Videodrome se bonnifie comme le bon vin.

Mais son intérêt ne s’arrête pas là. En 1983, Cronenberg trace son sillon d’une horreur viscérale, avec un incroyable étalage des corps. Il faut voir l’étonnant rapport entre l’homme et des matières organiques : la fusion entre une arme et la main, la cassette vidéo s’intégrant dans le corps, une télévision subissant des excroissances organiques prenant la forme de lèvres géantes. Ces scènes restées à la postérité sont étonnantes et prouvent l’arrivée dans un monde nouveau. « Longue vie à la nouvelle chair » apprend-on à plusieurs reprises.

Voilà déjà des raisons suffisantes de voir Videodrome. Mais le pouvoir d’attraction de ce film ne s’arrête pas là. On suit dans cette œuvre la quête de Max Renn, cherchant à découvrir ce qui se trame derrière l’émission pirate intitulée Videodrome. Et on n’est vraiment pas au bout de nos surprises. Entre une paranoïa ambiante, une notion de complot ou tout simplement un personnage perdant progressivement pied avec la réalité, le choix est laissé à la libre appréciation du spectateur. De même que la fin radicale du film.

videodrome2A fortiori, le personnage de Nicki Brand, joué par une Debbie Harry adepte SM, existe-il vraiment ? Ce n’est peut-être qu’un fantasme de Max Renn qui se serait laissé berné par un trop-plein de télévision. L’un des thèmes du film a d’ailleurs pour but de montrer notre rapport addictif à la télévision, finissant par engendrer des réactions sur notre psychique. Ce qui expliquerait ces étonnantes transformations du corps humain.

Pour terminer, signalons aussi que Cronenberg se garde bien de juger les actes des uns et des autres. En revanche, il place le spectateur dans une situation inconfortable de voyeur, ce qui est quelque peu malaisant au regard des images parfois choquantes que l’on voit. Le spectateur est lâché comme Max Renn dans un univers inconnu peuplé de plaisir (le rapport sexuel) et de souffrances (la passion morbide) avec en toile de fond une passion pour les images projetées. Même si le procédé utilisé est très différent, dans cette attraction de l’image, on peut faire un parallèle avec l’autre grand cinéaste canadien : Atom Egoyan.

Signalons au passage l’excellente distribution. James Woods est parfait dans le rôle de ce patron peu scrupuleux d’une petite chaîne érotique, qui va faire des découvertes au-delà de son imagination (quoique ? Tout est peut-être « fake »). Quant à Debbie Harry, elle dégage à l’écran quelque chose dans sa belle robe rouge. L’actrice parvient à être séductrice, sans jamais trop en faire. C’est tout à fait crédible que Max Renn tombe dans ses filets et soit là encore totalement addict à cette femme.

Au final, on est clairement avec Videodrome dans une œuvre somme qui délivre à chaque nouveau visionnage de nouvelles informations. La preuve qu’il s’agit d’un film majeur et extrêmement riche.

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