Lost in the night de Amat Escalante (critique film + DVD)

Titre du film : Lost in the night

Réalisateur : Amat Escalante

Année : 2023

Origine : Mexique

Durée : 2h

Avec : Juan Daniel Garcia Trevino (Emiliano), Ester Exposito (Monica Aldama), Barbara Mori (Carmen Aldama), Fernando Bonilla (Rigoberto Duplas),

Editeur : Blaq Out

En DVD le 6 février 2024

Synopsis : Dans une petite ville du Mexique, Emiliano recherche les responsables de la disparition de sa mère. Activiste écologiste, elle s’opposait à l’industrie minière locale. Ne recevant aucune aide de la police ou du système judiciaire, ses recherches le mènent à la riche famille Aldama.

Depuis La région sauvage (2016), œuvre fantastique aux relents sexuels, on n’avait plus de nouvelles d’Amat Escalante. Avec Lost in the night (2023) le cinéaste mexicain effectue donc son grand retour au cinéma. Nanti d’un titre lynchien, le film est d’ailleurs dans la droite lignée de l’étrangeté des œuvres du cinéaste américain.

De prime abord, Lost in the night suit l’enquête d’un jeune homme, Emiliano, parti à la recherche de sa mère disparue depuis maintenant trois ans dans des conditions énigmatiques (enfin pas pour le spectateur…). Le film d’Amat Escalante demande une certaine attention, privilégiant l’aspect psychologique avec une violence sourde.

Lorsque Emiliano s’introduit dans la villa luxueuse de la famille Aldama, on a la sensation de se trouver à mi-chemin entre Théorème (1968) de Pasolini et Parasite (2019) de Bong Joon-Ho. Emiliano va chambouler l’équilibre précaire de cette famille conflictuelle.

Le réalisateur a manifestement pris un malin plaisir à s’entourer d'un casting d’acteurs connus jouant des rôles proches de leurs propres vies. Ainsi, la mère de famille, Carmen Aldama est une ancienne vedette de soap, dotée d’un ego surdimensionné. Elle est interprétée par Barbara Mori, actrice mexicaine de telenovela. Le meilleur reste à venir avec la jeune fille, Monica, influenceuse sur Instagram avec des sujets aussi futiles que graves (simulation de suicide). Elle est interprétée par Ester Exposito, actrice et mannequin espagnole, véritable star de la série Elite sur Netflix. Or, comme son personnage, c’est une star des réseaux sociaux… Quant au père, Rigoberto (l’acteur Fernando Bonilla), c’est un plasticien prêt à tout pour obtenir le succès, aux dépens de toute notion de morale. Avec tout ce joli monde, Escalante s’en prend ouvertement à la notion de célébrité et à la futilité des choses.

Cette famille détonne forcément dans la campagne mexicaine avec son côté "m’as-tu-vu". A fortiori, le lieu de vie des Aldama, une magnifique villa au bord d’un lac, est le symbole de leur prétendue supériorité.

Il est évident que Lost in the night va bien au-delà d’un film d’enquête et de la vengeance qui en découle. C’est surtout un long métrage sur deux mondes qui s’opposent, le peuple et les nantis. Il s’agit d’une véritable lutte des classes auquelle on assiste dans ce Mexique contemporain. Cela n’est pas un hasard si la mère d’Emiliano est une activiste écolo et c’est encore moins un hasard si les soupçons d’Emiliano l’amènent vers la famille Aldama. Il y a tout lieu de penser que pour Amat Escalante la famille Aldama est le symbole des fantômes du passé : le colon espagnol, présent au Mexique depuis le XVIème siècle.

De la même façon, le réalisateur s’en prend ouvertement à une police corrompue. Dans ce domaine, on est toujours dans le rapport de force. Ce sont évidemment les riches qui ont les cartes en main et utilisent une police très partiale pour effectuer leurs basses besognes. La violence n’en est que plus écœurante.

Y-a-t-il malgré tout une raison d’espérer dans cette « perdition dans la nuit » ? Oui Amat Escalante croit dans le pouvoir de la jeunesse et tout simplement dans l’amour. A cet égard, s’il ne nous livre pas un film aussi sexuel que La région sauvage, il montre une scène de masturbation entre deux tourtereaux qui vaut le détour. In fine, la conclusion du film comporte un réel motif d’espoir.

En synthèse, Lost in the night est un long métrage multi-genres, à la fois film d’enquête, lutte des classes, corruption policière, critique des réseaux sociaux. Si on accepte le style maniéré de ce film, il peut s'avérer fort intéressant. D’autant que sa dernière partie ne fait pas dans la dentelle et comporte son lot de séquences dérangeantes. Voilà un film percutant qui ne peut laisser indifférent.

Caractéristiques du DVD édité par Blaq Out :

L’image : elle est très satisfaisante, y compris dans les séquences les plus sombres du film.

Le son : il est tout à fait classique avec un dolby digital 5.1 et 2.0 de bonne facture.

Les suppléments : le seul bonus est un entretien avec le réalisateur Amat Escalante (24mn11). Le cinéaste explique que son film a pris du temps en raison du covid-19. Il a souhaité brasser différents genres, à l’instar de La région sauvage qui comportait un aspect de science-fiction. S’il précise parfois ses intentions, Amat Escalante ne souhaite pas révéler d’éléments du film, de peur de « spoiler ».