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Déjantés du ciné
18 juillet 2008

SAMEDI 05 JUILLET 2008 (avant dernier jour du NIFFF)

theladyvampireThe lady vampire (Nobuo Nakagawa, 1959, Japon)

Avis de Locktal :

Complètement différent du magnifique Hell et de l'excellent A wicked woman, ce film de Nakagawa n'est pas son meilleur, même si son côté un peu kitsch peut séduire.

Hommage sympathique au cinéma gothique de la Hammer, notamment le génial Le cauchemar de Dracula de Terence Fisher (1958), The lady vampire dispose d'un postulat de départ intéressant qui mélange le mythe des vampires (occidentaux) avec une variation sur le célèbre roman d'Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray.

A mille lieux des thèmes du cinéma japonais, ce film semble être une tentative de faire un fim de vampire selon les canons occidentaux, ce qui donne un aspect extrêmement curieux à l'oeuvre.

Plutôt bien réalisé, The lady vampire reste assez classique (on est en effet très loin de Hell, du même Nakagawa) et ressemble un peu aux films de vampire mexicains des années 1950-60, comme ceux de Fernando Mendez (Les proies du vampire ; Le retour du vampire ; ... ).

Le film souffre du surjeu de ses acteurs et d'un certain manque de cohérence, mais demeure un spectacle gothique tout à fait recommandable dans lequel Nakagawa n'hésite pas à injecter un peu d'érotisme et d'insolite (comme le personnage du nain, assez amusant).

La fin du film est un tantinet décousue, multipliant à un rythme effréné des péripéties qui partent un peu dans tous les sens, mais c'est aussi ce qui contribue au charme kitsch d'un métrage dénué de prétention (qui reste cependant une oeuvre mineure de Nakagawa).

Avis de Nicofeel :

Réalisé en 1959 par le cinéaste Nobuo Nakagawa, The lady vampire est, comme son nom l’indique, une histoire de vampire. On se retrouve avec une femme qui revient parmi les siens vingt ans après avoir disparue, avec la même apparence que vingt ans auparavant. Cette femme retourne dans son milieu familial avec son époux et sa fille.

Sur un postulat de base fantastique assez classique, Nobuo Nakagawa réalise un film gothique qui fait beaucoup penser aux films fantastiques anglo-saxons de la même époque, à savoir ceux produits notamment par la Hammer. Sauf qu’ici les acteurs, dont celui qui interprète le rôle du vampire, sont tous en sur-jeu.

Dès lors, les scènes sont parfois involontairement comiques (comme lorsque le vampire perd sa cape). Pour ne rien arranger, les décors font bien kitchs. Nakagawa a quelque peu raté sa cible. Il semblerait qu’il n’ait pas été très l’aise pour réaliser un film qui rappelle les productions occidentales de l’époque.

Spectacle désuet non dénué d’un certain charme, The lady vampire est tout de même un film bien mineur dans la filmographie de Nabuo Nakagawa.


eskalofrioEskalofrio (Isidro Ortiz, 2007, Espagne)

Avis de Locktal :

Typique de l'actuelle vague horrifique du cinéma espagnol, Eskalofrio, projeté en présence du réalisateur Isidro Ortiz, est un film plutôt efficace qui bénéficie d'une trame de départ intéressante.

On y suit les aventures de Santi, jeune homme victime d'une maladie rare le rendant allergique à la lumière (ce qui le rapproche un peu des vampires), qui quitte Barcelone pour la campagne espagnole, en compagnie de sa mère. Là-bas, il semble qu'une chose tapie dans la forêt et dans l'obscurité effraie la population locale, mystère que Santi va être amené à découvrir par la force des choses.

Habile mélange de drame sur la différence et de survival, Eskalofrio entretient un suspense constant qui maintient le spectateur en haleine jusqu'à un twist final surprenant mais vraisemblable.

Ortiz met l'accent sur ses personnages, notamment Santi, qu'il décrit comme un « freak » provoquant le rejet des autres à cause de sa différence.

Si la mise en scène s'autorise parfois quelques effets clippesques inutiles, elle reste d'une grande rigueur et parvient à créer une ambiance lourde qui croûle sous le poids du secret.

Cette sobriété permet au spectateur d'entrer dans le film, d'autant plus qu'il a appris à connaître Santi, dont il suit constamment le point de vue.

Sans aucun doute, Eskalofrio est un film bien maîtrisé, souvent passionnant et qui aborde avec subtilité le thème des enfants sauvages.

Il manque cependant un supplément d'âme qui permettrait au métrage de se démarquer réellement du tout venant de la production horrifique espagnole. En effet, le spectateur, s'il suit le film sans déplaisir, pourra avoir à sa vision un sentiment de déjà-vu, dû à un scénario intéressant mais qui manque un peu d'originalité.

Néanmoins très supérieur à Fausto 5.0, film assez médiocre datant de 2001 qui avait cependant permis à Ortiz d'obtenir le grand prix du festival du film fantastique de Gérardmer 2002, Eskalofrio reste une bonne surprise qui prouve l'excellente santé du cinéma fantastique espagnol, même si Jaume Balaguero ou Nacho Cerda demeurent plus originaux.

Avis de Nicofeel :

Cette séance s’est déroulée en présence du réalisateur qui a répondu à plusieurs questions des spectateurs à la fin du film.

Réalisé en 2007 par l’espagnol Isidro Ortiz, auteur du film Fausto 5.0 qui a remporté le grand prix de Gérardmer en 2002, Eskalofrio (qui signifie frisson) est un film d’horreur qui met à l’honneur des personnages qui semblent à l’écart de leurs congénères.

Ainsi, on se retrouve avec un jeune homme, Santi, qui ne peut pas s’exposer à la lumière du soleil (comme les vampires) et va devoir déménager avec sa mère dans un village d’Espagne en montagne afin de résider dans un endroit moins dangereux pour lui sur le plan climatique.

Si le film d’Isidro Ortiz met un peu de temps à décoller, il s’avère malgré tout assez intéressant à suivre avec diverses pistes qui sont explorées. D’ailleurs, le spectateur mettra un peu de temps à comprendre qui est à l’origine des meurtres qui ont lieu dans ce village de montagne.

Le film bénéficie par ailleurs d’un twist final tout à fait crédible.

En revanche, on regrettera un côté clippesque parfaitement dispensable lorsque l’on nous montre les nuages dans le ciel. De plus, la présence du père du héros en plein milieu du film est inutile puisqu’elle n’apporte rien.

Au final, si le film d’Isidro Ortiz s’avère globalement satisfaisant, par contre il ne se démarque pas de la production horrifique espagnole actuelle.

sukiyakiSukiyaki western Django (Takashi Miike, 2007, Japon)

Avis de Locktal :

Ce nouveau film du prolifique japonais Takashi Miike est un mélange détonnant de western italien et de chambara japonais.

Dès la première scène, délirante, du film, qui voit un pistolero interprété par Quentin Tarantino dégommer quelques cow-boys, le spectateur est plongé dans un univers insolite, presque pop, qui allie avec bonheur paysages westerniens, personnages truculents ou déjantés, sabre de samouraï,... le tout dans une explosion de couleurs saturées qui apparente le film au pop-art et à la contre-culture, n'hésitant pas à être anachronique par instant.

Cela dit, Miike ne se contente pas de juste livrer un hommage au western, mais développe une intrigue proche des tragédies shakespeariennes (d'ailleurs, l'un des personnage, chef du clan rouge, veut qu'on l'appelle Henry, en hommage à Henry V de Shakespeare), comme Roméo et Juliette, qui voit deux clans s'entretuer pour la possession d'une petite ville cachant un trésor : le clan des rouges (tout de rouge vêtu) et le clan des blancs (tout de blanc vêtu).

Arrive alors en ville un étranger sortant de nulle part (comme l'homme sans nom des westerns de Sergio Leone ou le Django de Sergio Corbucci), adepte de la gâchette, qui va élever le conflit en prenant la défense d'une jeune femme appartenant au clan des rouges et son jeune fils, né de son union avec un membre du clan des blancs.

Sur ce postulat, Miike s'en donne à coeur joie et livre une succession de scènes délirantes proches de la BD, tout en respectant grosso-modo les codes du western, notamment du western italien, et en laissant parfois affleurer l'émotion, particulièrement avec les personnages de la jeune mère, pure figure tragique qui ne peut qu'être sacrifiée, et de son fils, tiraillé entre les deux clans, ne faisant partie ni des blancs ni des rouges.

Sur un rythme frénétique, Miike multiplie les canardages avec toute l'inventivité qu'on lui connaît, se référençant constamment à Leone (notamment à Pour une poignée de dollars, avec ses deux clans, film d'ailleurs lui-même inspiré de Le garde du corps / Yojimbo d'Akira Kurosawa), Corbucci (à Django et sa mitrailleuse), à Tarantino aussi et son célèbre Kill Bill (par exemple lors de la parodie des relations entre le maître et sa disciple, le maître étant incarné par Tarantino himself !),... Le cinéaste japonais invente des personnages farfelus, comme le shérif schizophrène ou encore l'as de la gâchette Benten, sorte de Calamity Jane ultra-rapide, tandis que d'autres, à l'instar des chefs des deux clans, semblent tout droit issus de l'univers des mangas japonais, de par leur look et leurs postures.

Miike réussit enfin un canardage final dantesque, avec un duel qui n'est pas sans rappeler l'un de ses propres films, le délirant Dead or alive, avec la même utilisation jubilatoire des anachronismes...

Au final, Sukiyaki western Django est une oeuvre généreuse, respectant les codes du western tout en étant totalement miikien, à conseiller particulièrement aux adeptes du western-spaghetti (dont je fais parti !). Le film se conclut d'ailleurs sur une surprise qui ne pourra que ravir les fans du Django de Corbucci et qui explique son titre. Et puis, ce n'est pas tous les jours qu'on pourra voir des acteurs japonais parler en langue anglaise et interpréter un western (ou qu'on pourra voir Tarantino parler en japonais !).


Avis de Nicofeel :

Avec Sukiyaki western Django, Takashi Miike, auteur d’Audition mais surtout d’œuvres bien barrées comme Ishi the killer ou Gozu, verse dans l’hommage au western italien.

On se retrouve avec deux clans, joués par des acteurs asiatiques ( !), les blancs et les rouges, qui luttent pour devenir les maîtres d’un village et par extension obtenir le trésor qu’il contient.

Takashi Miike respecte globalement la trame du western, mais il n’hésite pas à se faire plaisir en balançant au spectateur des scènes dont il a le secret : Quentin Tarantino a droit au début du film à une présence en forme de guest-star dans une scène délicieusement kitch ; un garçon se trouve être le fils d’un homme du clan des blancs et d’une femme du clan des rouges (ce garçon arrose une rose qui est à la fois blanche et rouge !) ; le chef du clan des rouges souhaite qu’on l’appelle Henri car il se prend pour un personnage shakespaerien ; les armes utilisées par les protagonistes sont parfois anachroniques, etc.

Au final, très bien mis en scène et allant à cent à l’heure, Sukiyaki western Django est très plaisant à suivre. Les fans de western italien seront comblés. Takashi Miike prouve une nouvelle fois qu’il est très éclectique dans ses choix.

tokyoTokyo ! (Michel Gondry, Léos Carax, Bong Joon-ho,  2008, France/Japon/Corée du Sud)

Avis de Locktal :

Ce film à sketch réalisé par trois cinéastes venant d'horizons différents et complètement dissemblables est une formidable surprise qui offre une vision pour le moins insolite de la ville de Tokyo.

Tokyo ! se divise en trois segments excentriques alliant surréalisme, fable et romantisme avec une belle virtuosité, tout en se livrant, et cela pour chacun des trois segments, à une critique sociale particulièrement acérée et finalement universelle.

Le premier sketch, réalisé par le français Michel Gondry (qui tourne surtout aux Etats-Unis), est une excellente surprise, venant d'un cinéaste généreux mais parfois inégal (La science des rêves est sympathique mais loin d'être génial par exemple, tandis que Eternal sunshine of the spotless mind garde toute sa force poétique intacte) qui s'est ici transcendé dans une vision très réaliste du Tokyo d'aujourd'hui (qui pourrait d'ailleurs s'élargir à toutes les grandes métropoles, comme Paris ou New York par exemple).

Gondry, bien épaulé par le charme et le naturel que dégagent ses jeunes acteurs japonais, s'intéresse à un jeune couple arrivant à Tokyo et squattant chez une amie qui les hébergera le temps qu'ils trouvent un appartement. Si l'homme du couple, apprenti cinéaste (peut-être un alter ego de Gondry, vu le film qu'il essaie de réaliser avec trois bouts de ficelle et en employant des moyens dignes de Georges Méliès, un peu comme dans les propres films de Gondry), trouve assez vite un job, ce n'est pas le cas de sa fiancée, qui subit les brimades de l'amie qui les loge et de son compagnon qui lui reproche notamment de ne pas avoir d'ambition.

La jeune fille, blessée, passe ses journées à chercher un appartement et court dans tous les sens, horrifiée par le prix extrêmement élevé des loyers mais aussi des garanties demandées. C'est une fille qui pourrait ressembler aux jeunes d'aujourd'hui, parachutés dans la vie active et qui trouvent très difficilement, s'ils n'ont pas vraiment de moyens importants (ce qui est souvent le cas), ce qui doit les définir socialement au sein d'une grande, à savoir un logement et un job.

La jeune fille ne trouve évidemment ni l'un ni l'autre, courant constamment après du vide, les portes se fermant devant elle au fur et à mesure.

Gondry, généreux et surréaliste, a alors l'idée saugrenue de la transformer en meuble, en chaise en fait, cet état lui permettant d'être enfin utile à la société, elle à qui on a reproché d'être inutile et sans ambition.

Le cinéaste retrouve avec ce petit film toute la poésie et l'originalité qu'il avait développées dans son génial Eternal sunshine of the spotless mind, en n'excluant aucunement le côté cruel de la situation, dans une mise en scène sobre et pleine de compassion envers ses protagonistes, et notamment son héroïne. Ce sketch a également le mérite de surprendre véritablement le spectateur dans sa dernière partie, surréaliste et étonnante.

Leos Carax, après 9 ans d'absence suite à l'échec commercial de son pourtant formidable Pola X, effectue son grand retour avec un deuxième sketch fracassant et incroyablement anarchique. Epaulé par son fidèle acteur Denis Lavant, jubilatoire dans le rôle d'une créature des égoûts qui arpente Tokyo en terrorisant les passants et en n'ayant aucune notion du bien et du mal, Carax livre une fable jusqu'au-boutiste particulièrement radicale, qui interroge violemment le spectateur sur l'état délabré de la société contemporaine.

Dès un plan-séquence d'ouverture magistral, où le spectateur voit déambuler un Denis Lavant méconnaissable, affublé d'une grande barbe rousse, qui bouscule sans le moindre remords les gens, les terrorise, les vole,... sur la célèbre musique de Godzilla d'Inoshiro Honda, le spectateur comprend immédiatement que Carax va réaliser une oeuvre haineuse, sans aucun compromis, offrant un tableau très pessimiste de la société actuelle.

Le film se déroule à Tokyo mais pourrait tout aussi bien se passer ailleurs, dans toute autre grande ville (comme d'ailleurs le sketch de Gondry). Carax en profite pour montrer comment la différence peut troubler et comment ce qu'on ne comprend pas se fait inexorablement éliminer. Il se livre à une critique acerbe des institutions, constamment dépassées, engoncées dans leur suffisance, rouillées, qui sont incapables de réagir face à ce qui est nouveau, à l'image d'une cour judiciaire paralysée qui ne fait qu'une parodie de procès.

Nommé Merde par les médias (!), notre créature des égoûts, après avoir tué sans raison de nombreuses personnes avec des explosifs (certaines images de ce désastre, où l'on voit de nombreux corps étendus et ensanglantés le long de rues interminables, font inéluctablement penser aux résultats de la bombe atomique sur Nagasaki ou Hiroshima), comparaît devant une juridiction : défendue par un avocat interprété par un Jean-François Balmer déchaîné (qui fait penser au célèbre avocat Jacques Vergès), elle emploie un langage inconnu (seulement compris par son avocat) et reste imperturbable, stoïque, répondant avec une simplicité désarmante aux questions de la cour. Aucune explication ne vient expliquer les actions de Monsieur Merde, qui n'éprouve également aucun regret, ce qui a évidemment le don d'agacer les institutions qui finissent par le condamner à la mort par pendaison.

Cette pendaison donne naissance à une scène quasi-surréaliste où Monsieur Merde agonise pendant une éternité, devant un parterre de témoins impassibles, regardant cette exécution sans émotion, comme s'il s'agissait d'un spectacle. Carax dénonce dans cette séquence aussi bien les dérives d'une télé-réalité qui transforme tout en spectacle que l'application de la peine de mort, dans une scène aussi clinique que dans le magistral Tu ne tueras point de Krzysztof Kieslowski.

Mais Carax est généreux et son héros, qui représente la haine et l'anarchie du cinéaste à l'encontre d'un système qui ne change pas et qui est uniquement basé sur les politiques de la peur et la sécurité (Merde est un moment pris pour un terroriste d'Al-Quaida, tandis que la photo de Nicolas Sarkozy apparaît un moment à l'écran !), ressuscite et réapparaît comme par enchantement aux Etats-Unis pour arpenter les trottoirs de New York avec une nouvelle aventure intitulée ironiquement « Merde in USA ». On sent d'ailleurs tout l'amour que porte Carax aussi bien à Nicolas Sarkozy qu'à la politique américaine !

Très peu aimable, le film de Carax est déroutant, insolite et vraiment anarchique, ce qui démontre que le cinéaste maudit, condamné à cause de ses échecs commerciaux (mais non artistiques) successifs, n'a rien perdu de sa hargne et de sa lucidité. Véritable pavé dans la mare, ce sketch est à voir absolument.

Enfin, le troisième sketch, réalisé par le sud-coréen Bong Joon-ho (auteur des remarquables Memories of murder et The host), s'intéresse aux ermites, à savoir les gens qui ne sortent jamais de chez eux, qui effectuent tous leurs achats à distance, sans se soucier de ce qui se passe à l'extérieur, égoïstes, repliés sur eux-mêmes et indifférents aux problèmes du monde.

Dans une ville comme Tokyo (mais cela peut s'élargir à toute grande ville), les gens sont en effet de plus en plus indifférents, d'autant plus qu'avec l'arrivée d'Internet ils peuvent tout commander à distance, sans jamais se déplacer.

Bong Joon-ho profite de ce postulat pour offrir un constat social alarmant, mais hélas de plus en plus courant : l'absence de communication malgré le développement incroyable des moyens de communication.

Le héros, un ermite qui n'est pas sorti de chez lui depuis 10 ans, rencontre une jeune livreuse de pizza venue lui apporter une commande, et pour la première fois, lève son regard sur elle, déclenchant chez lui un déclic qui le transformera et le poussera à enfin mettre son nez dehors.

L'amour se matérialise chez notre ermite en cette jeune livreuse excentrique dont le corps est illustré de petits tatouages représentant des boutons qu'il faut apparemment presser, comme un automate, pour que la fonction démarre.

Doté d'une grande poésie, le film permet à Bong Joon-ho de faire le récit d'une rencontre amoureuse, thème qu'il n'avait encore jamais abordé, mais en le nimbant d'une bonne dose d'originalité tout en restant constamment émouvant.

A partir du moment où le protagoniste se décide enfin à sortir dehors pour déclarer sa flamme à la jeune livreuse, Bong Joon-ho sort pour la première fois de l'appartement et le spectateur découvre ainsi en même temps que le héros du film, un Tokyo presque apocalyptique, dépeuplé, où tous les gens, par peur des autres, restent cloîtrés chez eux.

Avec peu de moyens, le cinéaste sud-coréen donne une vision saisissante de ce que pourrait devenir la société à l'heure d'Internet, à savoir une société individualiste où chacun préfère rester dans son petit confort quotidien, indifférent à tout ce qui se passe, sans jamais chercher à faire un pas vers les autres. Une vision certes cauchemardesque, mais qui n'est pas tout à fait invraisemblable, les gens s'isolant de plus en plus.

Cela dit, l'amour qui s'est révélé à notre héros et qui le fin enfin courir vers sa bien-aimée pourra lui permettre de sortir de son enfermement. Il suffira alors d'un petit miracle, presser le bon petit bouton tatoué, afin que la jeune livreuse s'éveille, réagisse et constate elle aussi l'étendue des dégâts.

D'un romantisme frémissant, ce sketch est une très belle réussite, confirmant le talent de Bong Joon-ho, cinéaste qui ne se laisse aucunement enfermer dans un seul genre de film.

Au final, ces trois visions poétiques, surréalistes, parfois dérangeantes ou émouvantes, de Tokyo parviennent à dresser un bilan pessimiste d'une société qui fige les individus et qui doit changer, tout en rendant un hommage sensible à la beauté de la ville de Tokyo. C'est donc un film à sketch cohérent (ce qui est loin d'être toujours le cas des films à sketch) dans sa thématique et indispensable, à découvrir absolument. Assurément un des plus beaux films du NIFFF, toutes sections confondues.

Avis de Nicofeel :

Tokyo est un film à sketchs réalisé par trois cinéastes : Michel Gondry, Léos Carax et Bong Joon-Ho. Chacun d’entre eux a livré sur un format court une vision de Tokyo.

Le premier sketch est celui de Michel Gondry. Il montre un couple de jeunes qui n’arrive pas à trouver un appartement et se fait loger provisoirement chez une amie. Au départ pas vraiment fantastique, le sketch se termine de façon bien étrange avec la jeune femme du couple qui se retrouve seule et finit par se transformer en chaise ! Ce sketch original symbolise les difficultés pour se loger à Tokyo.

Le second sketch, celui de Léos Carax, est pour sa part complètement anarchiste avec un personnage (joué par Denis Lavant) qui sort des égoûts et agresse la population, allant jusqu’à balancer des bombes. Particulièrement décalé, le film est une sorte de cri de rage envers la société avec ce personnage, qui se fait appeler monsieur Merde, qui semble insaisissable et qui déteste la population nippone (bien que le propos puisse être valable pour tous les pays, et notamment les Etats-Unis). Sketch à l’humour corrosif, ce Merde de Léos Carax a de quoi laisser songeur.

Enfin, le troisième et dernier sketch est celui de Bong Joon-Ho. Le cinéaste sud-coréen s’intéresse au problème de l’incommunicabilité avec ce personnage qui vit depuis 10 ans à Tokyo, dans son appartement, en totale autarcie. Seul l’amour peut visiblement changer le comportement de ce personnage. Là encore particulièrement étrange, le sketch est assez déroutant.

Au final, plutôt bien mis en scène, les trois sketchs souffrent du même problème : une démonstration trop surréaliste et décalée, même s’il est vrai que l’humour est souvent présent.

Le film a tout de même remporté un prix à l’issue du festival, précisément une mention spéciale du jury.


sleep_dealerSleep dealer (Alex Rivera, 2008, Mexique/USA)

Avis de Locktal :

Ce film singulier est le premier long métrage d'Alex Rivera. Le thème abordé par le cinéaste est d'actualité et fait le constat effroyable mais bien réel d'une société dominée par les grandes puissances qui ne cessent d'utiliser des Etats plus pauvres, sans jamais chercher à les faire sortir de la misère, profitant ainsi d'une main d'oeuvre bon marché qu'elles se doivent de ne pas favoriser afin que celle-ci reste bon marché, augmentant ainsi le capital déjà élevé de multinationales ne pensant qu'au profit et qu'à la rentabilité.

Sleep dealer est un film cyberpunk réaliste et ouvertement alter-mondialiste, doté de moyens limités mais d'un postulat d'une grande force. Le film se déroule entre le Mexique, dont les habitants sont maintenus dans l'ignorance et la pauvreté, notamment la ville-champignon de Tijuana, et les Etats-Unis, notamment la ville de Los Angeles, qui utilise à distance cette main d'oeuvre mexicaine et bon marché.

L’Internet est devenu un immense secteur où les gens doivent se connecter sans cesse, aussi bien pour le travail que pour le plaisir. Tout se construit à distance, grâce à des mechas commandés par des hommes directement branchés au secteur et qui contrôlent ces machines. Par ailleurs, les prises de branchement sont directement insérées dans le corps pour plus de rendement ou de plaisir, permettant ainsi plus de contrôle sur les hommes qui évoluent dans un régime totalitaire (proche de celui du célèbre roman de George Orwell : 1984) qui garde aussi son emprise sur le peuple par le rationnement de l’eau, denrée devenue rare.

Un jeune mexicain originaire s’un petit village, après l’assassinat de son père, décide d’aller tenter sa chance afin de subvenir aux besoins de sa famille dans la ville de Tijuana, représentée comme une mégapole surpeuplée. Il y rencontrera une jeune écrivain qui essaie d’informer le peuple de ce qui se passe par le biais du secteur et le soldat mexicain responsable de la mort de son père, et découvrira l’injustice d’une société profitant de la pauvreté pour accentuer ses propres richesses tout en maintenant le peuple dans la misère.

Sur une trame aussi riche et passionnante, Alex Rivera se laisse hélas aller à une multiplicité d’effets clippesques inutiles qui nuisent fortement au métrage. Si le cinéaste a des idées parfois formidables, comme le fait de se brancher directement au secteur afin de contrôler des machines travaillant à distance, et que le problème abordé n’est absolument pas contestable dans le fond et surtout extrêmement lucide et vraisemblable, sa mise en scène frénétique, alternant continuellement ralentis, accélérés, effets de style, censée renforcer le constat désespéré fait par Rivera, n’est pas à la hauteur du propos, parasitée en outre par des images numériques peu crédibles. A l’instar d’un Fernando Meirelles (cinéaste brésilien à mon sens surestimé, auteur de La cité de Dieu et de The constant gardener), Rivera pèche par la forme qu’il a décidée de donner à son film.

Sans doute dopé aux images MTV, Rivera use et abuse d’effets qui finissent par lasser le spectateur, pourtant intéressé par le sujet du film. On y décèle çà et là une influence de Cronenberg, notamment l’excellent Existenz, pour le côté visuel de Sleep dealer, avec les prises directement insérées dans les corps et l’ambiance cyberpunk, mais Rivera est loin d’avoir la maîtrise de l’immense cinéaste canadien et livre un produit mode qui vaut surtout pour son côté subversif et avéré.

Si les images du film, assez sales, parfois floues, sont tout à fait adaptées à la thématique, montrant un Mexique misérable totalement à la merci des Etats-Unis, on ne peut pas en dire autant du montage de ces images, heurté et haché, qui rend parfois la vision du film illisible, diluant les plans dans une sorte de bouillie visuelle assez agaçante pour l’œil.

Au final, Sleep dealer est une œuvre intéressante dans son fond mais assez déplaisante dans sa forme, qui finit par épuiser le spectateur croûlant sous un déluge de données confuses, ce qui nuit fortement à la portée du film et finalement en atténue les effets. Dommage…

Avis de Nicofeel :

Réalisé en 2008 par le cinéaste mexicain Alex Rivera, Sleep dealer, est un thriller cyberpunk altermondialiste.

Il montre une société où l’eau est détenue par des grands groupes industriels et où la liberté est bien réduite. Le film se déroule bien dans un univers cyberpunk avec des gens qui se relient à une sorte d’univers parallèle où ils échangent des données via des espèces de connecteurs qu’ils font installer sur eux, un peu comme dans Existenz de Cronenberg.

Précisément, on se trouve dans une société purement capitaliste où les informations qui figurent dans la mémoire de chacun, se vendent, à condition qu’elles trouvent preneur. C’est la loi de l’offre et de la demande. Dans ce monde où les pauvres vivent dans des conditions difficiles et sont exploitées, comme c’est le cas au Mexique où se déroule l’action du film, un jeune homme tente de se rebeller à sa façon en interceptant des données stratégiques. Il est alors poursuivi par les autorités mexicaines et va fréquenter des personnes qui vont progressivement se rallier à sa cause.

Doté d’un pitch très intéressant et d’acteurs qui se révèlent tous assez solides, Sleep dealer est pourtant une énorme déception. La mise en scène est épouvantable avec plusieurs effets clippesques, notamment des espèces de floutage de l’image, qui sont parfaitement inutiles. Le réalisateur se veut innovant mais il rate totalement sa cible. Par ailleurs, les effets spéciaux du film font très cheap et sont vraiment très laids.

Au final, malgré un scénario des plus enthousiasmants, le film d’Alex Rivera est un beau ratage, en raison d’une mise en scène clippesque insupportable et d’un budget trop étriqué.

De manière assez étonnante, le film a remporté le prix du meilleur film à l’issue du festival.

Nuit Italia Bizarra

Avis de Locktal :

La deuxième nuit organisée par le NIFFF, après celle intitulée Italia cannibale, présentait trois films italiens mélangeant épouvante et érotisme : Full moon of the virgins de Luigi Batzella, La louve sanguinaire de Rino De Silvestro et La clinique sanglante (ou Les insatisfaites poupées érotiques du docteur Hichcock) de Fernando Di Leo. Etant donné que nous avions déjà vu La louve sanguinaire et La clinique sanglante, nous n’avons visionné que le premier film de cette nuit cette fois-ci intitulée Italia bizarra, la fatigue après près de cinq jours de visionnage presque ininterrompu començant à se faire sentir.

batzellaFull moon of the virgins (Luigi Batzella, 1973, Italie)

Full moon of the virgins est un fort agréable hommage aux films de vampires de la Hammer, mélangeant malicieusement gothique et fantaisie. Réalisé par Luigi Batzella, auteur du très insolite mais passionnant Nude for Satan, ce film datant de 1973 est un pur film d’exploitation italien des seventies qui offre un spectacle divertissant mettant en scène deux frères jumeaux fascinés par le mythe des vampires et qui décident de se rendre en Transylvanie (la patrie de Dracula !) pour vérifier la véracité de ces légendes.

Le spectateur retrouve avec plaisir une ambiance gothique détendue mais prenante, saupoudrée d’un humour fort sympathique. La belle Rosalba Neri (déjà vue dans 99 femmes de Jess Franco ou encore La clinique sanglante de Fernando Di Leo) y interprète une comtesse vampire, lointaine cousine de Dracula, qui accueille les jumeaux afin d’en faire ses jouets. Batzella profite de la sensualité dégagée par l’actrice pour injecter une bonne dose d’érotisme soft typique de cette époque, afin de pimenter le film.

Si la trame reste assez obscure, avec une énorme bague rouge qui semble être la clé de l’immortalité de la comtesse, Batzella va jouer au maximum de la confusion engendrée par les deux frères jumeaux, créant ainsi un suspense plaisant et jamais ennuyeux. Le réalisateur, jamais à court d’idées, donne également naissance à plusieurs séquences délirantes, parfois un peu kitsch, qui mélangent agréablement les strates de temps et qui oscillent souvent entre rêve et réalité. En outre, Batzella peuple son film de personnages inquiétants qui renforcent encore l’étrangeté du métrage.

Le rituel satanique final vaut son pesant de cacahuètes avec une séquence très fun où la comtesse (Rosalba Neri, donc), inspirée de la sanglante comtesse Bathory (bien connue des fantasticophiles), sacrifie plusieurs vierges nues afin de préserver sa jeunesse et réveiller le prince des ténèbres, pour le plus grand plaisir du spectateur.

Défiant les règles de la logique, Full moon of the virgins ravira sans aucun doute les amateurs de bisseries, par son côté délicieusement kitsch et la présence de jolies starlettes dénudées, tout en présentant une craquante héroïne bisexuelle adepte des plaisirs saphiques ! Une très sympathique curiosité à découvrir…

Avis de Nicofeel :

Trois films étaient une nouvelle fois au programme de cette nuit : Les vierges de la pleine lune de Luigi Batzella, La louve sanguinaire de Rino di Silvestro et La clinique sanglante de Fernando Di Léo.

En raison de notre fatigue avancée et du fait que nous avions déjà vu les deuxième et troisième films susmentionnées, nous n’avons regardé que le film de Luigi Batzella, qui était par chance programmé en première position.

Film bien bis, Les vierges de la pleine lune traite du thème vampirique avec plusieurs starlettes qui n’hésitent pas à se dénuder. Le film est servi par des acteurs qui sont loin d’être au top mais ce film finit tout de même par emporter la décision, par son côté décontracté et son érotisme gentillet.

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