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Déjantés du ciné
4 mars 2009

L'enfant de Luc et Jean-Pierre Dardenne

L_enfant Réalisé par Luc et Jean-Pierre Dardenne
Titre international : The child
Année : 2005
Origine : Belgique
Durée : 95 minutes
Avec : Jérémie Rénier, Déborah François, Jérémie Ségard, Fabrizio Rongrone, Olivier Gourmet, Anne Gerard, Bernard Marbaix,...

Fiche IMDB

Résumé : Bruno, 20 ans, et Sonia, 18 ans, vivent de l'allocation perçue par la jeune fille et des larcins commis par le garçon et sa bande. Sonia vient de donner naissance à Jimmy, leur enfant. L'insouciant Bruno doit alors apprendre à devenir père, lui qui jusqu'alors ne se préoccupait que de l'instant présent.

Une jeune fille, presque une adolescente, sort de la maternité, un bébé dans les bras. Elle avance, avance... La caméra lui colle au visage, au corps, suit le moindre de ses mouvements... Elle monte un escalier, frappe à la porte de ce qui semble être son logement. Un inconnu lui répond agressivement que l'appartement lui a été loué pour quelques jours et lui ferme violemment la porte au nez... La jeune fille refrappe, elle crie, demande sa carte GSM... La porte claque... La jeune fille frappe à nouveau... On lui balance son GSM au visage.. Et la caméra, collée à elle, capte toujours ses gestes...

C'est la première scène fracassante de L'enfant, film que les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne ont réalisé en 2005 et qui ont aux deux cinéastes belges permis d’obtenir leur deuxième palme d’or au festival de Cannes, après celle reçue pour Rosetta en 1999. D’ailleurs, cette séquence d’introduction ressemble à la scène brutale qui ouvre l’excellent Rosetta.

Ce film est dans la droite lignée de leurs œuvres précédentes, comme Rosetta bien sûr, mais aussi les formidables La promesse (1996) ou Le fils (2002) : les frères Dardenne pratiquent toujours un cinéma toujours aussi physique, âpre et éprouvant, scrutant impitoyablement la société avec un regard particulièrement incisif et dénué de toute complaisance.

Dans L’enfant, le héros est un jeune père immature, Bruno, magistralement interprété par Jérémie Rénier (acteur fétiche des frères Dardenne, déjà génial dans La promesse et qu’on a pu revoir avec plaisir dans leur dernier et magistral opus à ce jour, Le silence de Lorna tourné en 2008), qui ne vit que dans l'instant, ne travaille pas (et n'en ayant d'ailleurs pas envie), vient d'avoir un bébé avec sa très jeune copine, Sonia, superbement incarnée par la révélation du film, la frémissante Déborah François et qui décide de vendre le nouveau-né pour de l'argent.

L’enfant suit pas à pas les déboires de ce jeune couple immature, presque deux gosses (ce sont aussi des enfants), issus d'une banlieue belge défavorisée et observe les répercussions que cet enfant nouveau-né va entraîner. Le film s'intéresse surtout au jeune père irresponsable qui va commettre un acte monstrueux, irréparable : la vente de son bébé, et à son chemin de croix vers la rédemption et le pardon, autant celui de sa copine Sonia que celui du spectateur.

L’enfant reprend donc le schéma cher aux frères Dardenne, déjà utilisé dans Rosetta et que les cinéastes réappliqueront, de manière un peu différente, dans Le silence de Lorna : un personnage, poussé à bout par une société injuste, commet un acte atroce mais en subit les conséquences tragiques, aussi bien au niveau des évènements dramatiques que cet acte implique qu’au niveau de sa propre conscience.

Au fur et à mesure que le film avance, après cet acte, le fardeau de Bruno devient écrasant, insupportable. Mais les frères Dardenne se gardent bien de le juger : ils le regardent seulement agir, jusqu'à ce qu'il comprenne lui-même la monstruosité de son acte.
Si les frères Dardenne font toujours un cinéma aussi brut, aussi ancré dans une sombre réalité, si le tableau est d'une noirceur absolue et parfois insupportable, une lueur d'espoir (déjà présente dans Le fils et qu’on retrouvera sous un autre aspect dans Le silence de Lorna) parvient à naître, comme le démontre la splendide scène finale, intense moment d'émotion et citation directe au génial Pickpocket (1959) de l’immense Robert Bresson.

Au final, L’enfant se révèle être un film sans concession, dénué de toute musique (sauf Le beau Danube bleu qu’on peut entendre sur l'autoradio de la voiture), qui agresse sans cesse le spectateur et ne lui laisse aucun répit, et qui dresse le désespérant tableau, mais traité sans aucun misérabilisme, d'une société injuste dominée par l'argent (une autre grande thématique bressonienne, qu’on retrouve de manière très développée dans Le silence de Lorna, où la notion d’argent est omniprésente), l'apparence et le culte de l'instant. C'est aussi le formidable portrait d'un jeune homme, encore un enfant, qui va prendre conscience de ses erreurs et apprendre à devenir adulte et responsable.

En tout cas, la deuxième palme d'or décerné au film est amplement méritée par les frères Dardenne. C’est aussi le troisième film présenté à Cannes en 2005 ayant pour sujet la paternité (et son refus), après les très réussis Broken flowers de Jim Jarmusch et Don't come knocking de Wim Wenders. L’œuvre des frères Dardenne est d’une extrême cohérence et tous les films qu’ils ont réalisés font apparaître les contradictions d’une société encore très inégalitaire qui pousse les laissés pour compte à des actions parfois extrêmes pour simplement survivre.

Leur dernier film, qui est peut-être encore supérieur à L’enfant, Le silence de Lorna, présenté au festival de Cannes en 2008 et qui a reçu très curieusement le prix du scénario (alors que le film est surtout significatif par la puissance de sa mise en scène) est assurément l’un de leurs plus beaux et marquent un léger changement dans leur méthode : la caméra observe toujours le comportement d’un personnage (une jeune albanaise originaire du Kosovo qui contracte un mariage blanc avec un ressortissant belge pour obtenir la nationalité belge) qui va être amené à commettre un acte irréparable, mais elle se fait plus distante et est moins collée à l »hroïne. Le regard, toujours aussi acéré, est moins froid, moins sociologique, ce qui permet une identification plus facile avec l’héroïne du film et par conséquent une charge émotionnelle plus forte, d’autant que le film lorgne clairement du côté du film noir.

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