La comtesse de Julie Delpy
Réalisé par Julie Delpy
Année : 2010
Origine : France
Durée : 94 minutes
Avec : Julie Delpy (Elizabeth Bathory), Daniel Brühl (Istvan Thurzo), Anamaria
Marinca (Anna Darvulia),etc.
FICHE IMDB
Résumé : L'histoire de la comtesse Elizabeth Bathory, accusée d'avoir pris des bains de sang de vierges, lesquelles auraient été assassinées pour l'occasion.
Après sa comédie romantique Two days in Paris, l'actrice Julie Delpy
revient derrière la caméra. Mais avec une thématique où on ne
l'attendait pas vraiment. En effet, elle a décidé de raconter à sa façon
l'histoire de la légendaire comtesse Elizabeth Bathory (1560-1614), qui
a été accusée en son temps d'avoir tuée près de 600 vierges et de se
baigner dans leur sang pour rajeunir.
Pourtant, en regardant de près, Julie Delpy ne s'est pas contentée de
reprendre le mythe de la comtesse Bathory. La cinéaste française s'est
clairement appropriée cette histoire pour en faire un film personnel. On
reconnaît clairement la patte de Julie Delpy ou à tout le moins celle
d'une cinéaste. Car l'horreur, si elle est montrée, n'est pas ce qui
intéresse sur le fond Julie Delpy. Ce qui demeure prédominant dans le
film est le côté romanesque.
Là où le film est remarquable c'est sa
capacité à éviter une dichotomie qui aurait pu paraître : on aurait d'un
côté une femme sanguinaire et de l'autre des gens qui sont bien sous
tous les angles. Au contraire, Julie Delpy nuance le propos et nous
offre une vision alternative de la comtesse Bathory. Si l'on a droit à
quelques scènes horrifiques, c'est avant tout pour montrer le désarroi
et la folie qui ont gagné une femme déçue sur le plan amoureux. Le film
insiste beaucoup sur un grand amour de cette femme, qui n'a pas pu se
concrétiser, en raison des pesanteurs sociales. Du coup, Bathory, qui
avait fréquenté un homme âgé de presque 20 ans de moins qu'elle, a pensé
qu'elle avait été rejetée en raison de sa vieillesse et qu'elle avait
donc besoin de rajeunir ou à tout le moins de paraître moins âgée. D'où
la théorie de se baigner dans le sang de vierges, ce qui constituerait
une véritable cure de jouvence.
Le rôle principal, celui d'Elizabeth Bathory, est tenu par Julie Delpy
elle-même. En plus d'être réalisatrice du film, elle réussit également
le tour de force d'être de faire la bande son du film.
Aux côtés de Julie Delpy, on retrouve l'acteur Daniel Brühl (vu dans Two
days in Paris) dans le rôle de Istvan Thurzo, l'amour éternel de la
comtesse. Et puis la fidèle servante de la comtesse, la très intrigante
Anna Darvulia, accusée de sorcellerie, est jouée par Anamaria Marinca
(vue notamment dans 4 mois 3 semaines 2 jours). Tous les acteurs sont
très bons. Ils n'en font jamais trop et rentrent parfaitement dans leurs
rôles, avec beaucoup de sérieux. Ce triangle amoureux impossible
fonctionne parfaitement avec une comtesse qui ne peut pas vivre avec
l'être aimé, ce dernier n'étant pas libre de ses actions et au milieu on
a une jeune femme qui restera toujours fidèle à sa comtesse, bien que
consciente des actes effroyables qu'elle commettait.
En plus de son aspect romanesque, le film n'est pas sans intérêt par son
choix de rappeler que tout ceci n'est qu'une histoire et que l'Histoire
est racontée par ceux qui ont vaincu et qui ont donc la possibilité de
l'arranger à leur façon. La comtesse Bathory était-elle folle ? A-t-elle
réellement été l'origine du meurtre d'autant de jeunes vierges ? C'est
ce qu'on dit mais est-ce la réalité. Le film insiste bien sur la
richesse de la comtesse et a contrario de la pauvreté d'un roi qui se
trouvait débiteur de la comtesse pour une somme importante. Il va donc
sans dire que certains avaient tout intérêt que la comtesse soit
considérée comme folle et qu'elle soit du même coup dépouillée de ses
biens. Rien de tel pour spolier quelqu'un sans que cela fasse grand
bruit.
Côté mise en scène, Julie Delpy opte pour une réalisation de forme assez
classique. Cela n'est pas vraiment exceptionnel mais pour un film quasi
historique, une mise en scène « tappe à l'oeil aurait été
particulièrement malvenue.
Si la réalisation ne laisse pas une impression franchement marquante, en
revanche on reste tout de même plus que positif par la photographie du
film, très réussie, qui joue sur la froideur des décors et qui permet
donc d'accroître le sentiment de désarroi, de tristesse des personnages
principaux. C'est aussi une façon de marquer un peu plus les esprits en
montrant qu'il ne s'agit pas d'un film d'horreur mais bien d'un pur
drame, caractérisé par le désespoir de plusieurs des personnages du
film. La fin, toute en subtilité, évoque une fois de plus cette idée.
Nous n'assistons pas à un procès spectaculaire de la comtesse Bathory
mais au contraire à la manifestation d'une femme qui pleure avant tout
son amour perdu et pas tant son emprisonnement forcé.
En synthèse, La comtesse est un film appréciable qui nous apporte une
version très subtile du mythe de la comtesse Bathory. On est loin des
représentations sanguinolentes des films d'horreur.