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Déjantés du ciné
30 mai 2011

Compte rendu du festival Hallucinations collectives

 

Compte rendu de la première édition du festival Hallucinations collectives à Lyon : (qui a eu lieu du 20 au 26 avril 2011)

 

Synthèse sur le festival :

 

En cette année année 2011, l'équipe de ZoneBis, qui a organisé pendant trois années de suite l'étrange festival de Lyon, avait décidé de faire peau neuve en changeant entre autre le nom du festival. Au revoir donc à l'étrange festival et bienvenue à Hallucinations collectives.

Côté programmation, on a été gâté avec la possibilité de voir trente deux long métrages ! Et quels films. Sans être exhaustif, il était possible d'assister à la projection de films rares sur les écrans français comme Schramm de Jörg Buttgereit, un des films les plus intéressants sur les serial-killer (un dossier dédié au cinéma de Buttgereit a d'ailleurs été rédigé sur ce blog), l'atmosphérique Pique-nique à Hanging rock, le délirant Poultrygeist , le curieux film d'horreur Parents ou encore le traumatisant Threads, un film particulièrement marquant sur les conséquences de la bombe atomique.

 

Ce festival a en outre été marqué par deux compétitions – ce qui est nouveau par rapport à l'étrange festival : une de longs métrages et l'autre de courts métrages. La compétition des longs métrages qui comprenait tout un tas d'avant-première notamment Heartless, le dernier film du trop rare Philip Ridley (Darkly noon) ; J'ai rencontré le diable de Kim Ji-Woon (Deux soeurs, A bittersweet life) qui a remporté plusieurs  prix cette année au festival de Gérardmer ; The loved ones de l'australien Sean Byrne qui a lui aussi reçu plusieurs prix à ce même festival ; Balada triste de trompeta, le nouveau film du truculent Alex de la Iglesia ; le comico-gore Tucker et Dale fightent le mal ou encore Bedevilled un film très gore présenté notamment l'an dernier au festival du film fantastique de Neuchâtel (le NIFFF). C'est Alex de la Iglesia qui a décroché la timbale.

En plus de cette compétition de longs-métrages, le festival a permis de regarder d'autres films divers et variés en avant première. Ce fut le cas par exemple de Last caress, le nouveau giallo des français François Gaillard et Christophe Robin, auteurs d'un Blackaria déjà prometteur ; du polar esthétisant Les nuits rouges du bourreau de Jade de Julien Carbon et  Laurent Courtiaud ; d'Insidious, le nouveau film de James Wan, auteur de Saw et du politiquement incorrect Calibre 9 du français Jean-Christian Tassy.

 

Côté ambiance, le festival Hallucinations collectives s'est déroulé dans une atmosphère très sympathique. Si l'on ne peut que regretter et s'étonner que les séances n'étaient pas pleines au niveau des entrées, on a eu la chance de voir de très bons films sur grand écran, ce qui demeure un plaisir qui n'a rien à voir avec le fait de regarder un film sur sa télévision, aussi grande soit-elle.

L'esprit cordial qui a soufflé sur ce festival m'a permis de discuter en toute simplicité avec des spectateurs ou avec des membres de l'association ZoneBis. J'en profite pour remercier une nouvelle fois Anne-Laure, qui m'a délivré une accréditation presse et m'a permis de pouvoir interviewer les réalisateurs et le directeur photo du film Last caress.

Venons-en désormais aux critiques des six films qu'il m'a été donné de voir. Six films vus pendant un festival, cela n'est pas énorme en soi. Mais quand on sait que je n'étais présent sur place que pendant le week-end de Pâques, on comprend mieux pourquoi j'ai passé la plus claire partie de mon temps au cinéma Le Comoedia.

En tout cas, au regard de la rareté et de la qualité générale des films qui ont été vus, ce premier festival Hallucinations collectives s'est révélé extrêmement enthousiasmant. On attend déjà avec impatience la prochaine édition.

 

Les films visionnés au cours du festival :

 

Panic sur Florida beach (1993)de Joe Dante, présenté le samedi 23 avril 2011 au cinéma Le Comoediaà 15h15.

 panicAvant de rentrer dans le vif du sujet, on a eu droit au teaser bien déjanté du festival Hallucinations collectives, qui a été réalisé par le cinéaste Frédéric Grousset, auteur du film Climax.

 En introduction de Panic sur Florida beach, un membre de l'association Zonebis signale que le film fait partie de la thématique du festival liée à la bombe. Le film se déroule pendant la guerre froide, durant l'épisode de la crise de Cuba. C'est le film le plus personnel de Joe Dante. C'est un peu son enfance qu'il évoque dans ce film (voir le personnage de l'enfant dans le film). Le réalisateur américain rend un hommage aux films des années 50. Par ailleurs, le personnage du réalisateur de films joué par John Goodman permet à Joe Dante de rendre hommage à William Castle. Le film Panic sur Florida beach va ressortir d'ici peu [le 1er juin, ndlr] en blu ray chez l'éditeur Carlotta.

 La critique du film :

Bien connu des fans de films d'horreur (Piranhas, Hurlements, Gremlins 1 et 2, Vote ou crève), Joe Dante est pourtant bel et bien un auteur à part entière. S'il utilise les films de genre, avec souvent un ton comique, ce n'est que pour mieux faire passer ses idées.

Dans Panic sur Florida beach (Matinee en version originale), qui est sans nul doute un de ses films les plus personnels, Joe Dante a choisi tout à la fois de rendre hommage aux films d'horreur des années 50 et de glisser un message politique.

Le film se déroule en 1962, en pleine crise des missiles de Cuba. Pour un réalisateur de films à petit budget, Lawrence Woolsey, c'est le moment idéal pour présenter son nouveau film, Mant, avec comme principal protagoniste un homme devenu un homme-fourmi, suite à des radiations nucléaires.

On voit bien dès le départ que le cinéaste fait un parallèle audacieux entre le film dans le film (l'homme victime de radiations atomiques) et les événements qui ont lieu pour les protagonistes du film. Ainsi, les principaux personnages craignent fortement le risque nucléaire qui est réel. On a droit dans les premières minutes du film à une intervention de Kennedy par le biais d'un flash spécial à la télévision et à la fin du film à un communiqué des soviétiques. La peur de la bombe atomique apparaît à plusieurs reprises et se traduit par des actions collectives, comme le fait de dévaliser des magasins. Fidèle à sa méthode, Joe Dante fait passer son message en utilisant l'humour, en montrant par exemple des gens qui achètent de tout en masse, et même du PQ ! Dans le même ordre d'idée, les règles qui sont données aux enfants en cas d'attaque nucléaire, à savoir mettre les mains derrière la tête et se recroqueviller, tient du ridicule ! Et puis le coup de l'abri anti-atomique dans le cinéma, qui fait quasiment carton-pâte, est vraiment une bonne grosse blague. On n'y croit pas une minute. D'ailleurs, dans cet abri, on retrouve deux jeunes qui pensent uniquement à s'embrasser. Comme quoi, on en reste à l'essentiel !

Cela dit, à sa façon, Joe Dante évoque le climat paranoïaque qui atteint les Etats-Unis à cette époque. Une des paroles au début du film dans le film résume très bien la situation ressentie alors en Amérique : « Où est-on en sécurité aujourd'hui ? ».

Le réalisateur s'attaque également au côté puritain des américains avec par exemple tous ces gens qui se liguent contre les films d'horreur, qu'ils considèrent comme des films anti-moraux. Ici, les parents d'élèves, les associations religieuses et les « citoyens pour les distractions saines » s'en prennent à Lawrence Woolsey, le réalisateur de films que l'on voit dans Panic sur Florida beach.

D'ailleurs, par ce film, Joe Dante fait une véritable déclaration d'amour au cinéma, et notamment au cinéma d'horreur d'antan. Les références au cinéma d'horreur avec de grosses bestioles sont multiples. La plus évidente est l'excellent Des monstres attaquent la ville (qui lui-même était une façon de représenter la menace communiste) de Gordon Douglas avec des fourmis géantes. Surtout, par le biais du réalisateur de films d'horreur, le truculent et opportuniste Lawrence Woolsey (interprété par un détonant John Goodman), Joe Dante entend nous parler d'un cinéma révolu où le spectateur était placé au centre de l'action. Ainsi, on a droit à une présentation de Mant (le film dans le film) en atomo-vision – façon humoristique de rappeler le risque nucléaire – et à de nombreuses interactions entre le film et le spectateur (les fauteuils qui bougent, un homme déguisé en costume d'homme-fourmi). Sans compter, l'affiche de Mant qui joue sur la crédulité du spectateur : « 50 % homme, 50 % fourmi, 100% terreur ».

De plus, le film nous offre quelques dialogues savoureux : « Il [l'homme-fourmi] est dans un no man's land biologique entre l'homme et la fourmi. » ; un personnage à Lawrence Woolsey : « Merci mister Hitchcock ! ».

Avec Panic sur Florida beach, le réalisateur Joe Dante évoque tout bonnement son enfance par le biais notamment du jeune garçon, qui passe sa vie au cinéma, et prend plaisir à regarder des films d'horreur. Joe Dante se plaît aussi à reconstituer une époque aujourd'hui révolue, en l'abordant par le biais des amours adolescentes. Comme dans son film Gremlins, les principaux personnages du film sont des adolescents, et l'humour reste omniprésent. La musique du film, qui joue bien sur ce côté rétro, est signée par l'excellent Jerry Goldsmith.

Joe Dante n'en n'oublie pas pour autant d'évoquer de manière directe durant tout son film le danger du nucléaire. Ce n'est pas un hasard si le début du film commence par une image de la bombe en noir et blanc et si le film dans le film se termine par la bombe. C'est une façon de nous dire que si l'on dérape sur le plan politique, on risque de grands dangers.

Au final, voilà une belle comédie qui constitue un véritable plaidoyer sur un cinéma aujourd'hui révolu (quoique, le coup du caddie qui bouge tout seul est en fin de compte un Rubber avant l'heure !) et dans le même temps se permet de faire passer un message politique très clair. Sans conteste, il s'agit de l'un des films majeurs de son auteur, qui comporte plusieurs degrés de lecture.


 calibre9Calibre 9 (2011, film vu en avant-première mondiale dans le cadre du festival) de Jean-Christian Tassy, présenté le samedi 23 avril 2011 au cinéma Le Comoedia à 17h30.

 Juste avant le film, le « boss » de Zonebis, Cyril Despontin, signale que le film Calibre 9 a été sélectionné pour ce festival dans une rubrique intitulée Nouvelles visions (c'est le cas également pour Last caress), qui souhaite donner sa chance à de jeunes réalisateurs français. Le film a été totalement fini une demi-heure avant la projection !

De son côté Jean-Christian Tassy fait savoir que son film a bénéficié du budget d'un court métrage, lequel a donc été gonflé en long métrage. Il regrette que l'image lui paraisse si sombre par rapport au résultat vu sur son ordinateur.

 La critique :

Tourné pour un budget dérisoire et marqué de facto du sceau de l'amateurisme, Calibre 9 est pour autant ce que l'on appelle communément un film coup de poing.

Disons-le d'emblée, Jean-Christian Tassy a voulu faire un film anarchiste et critiquer notre société actuelle où il y aurait d'un côté les nantis, qui ont le pouvoir et l'argent et de l'autre les pauvres, qui seraient exploités par les nantis, vivent dans de grands immeubles vétustes et n'ont finalement que leurs yeux pour pleurer.

Le rôle principal du film, tenu par un excellent Laurent Collombert, est celui de Yann Moreau (clin d'oeil à l'un des copains de lycée de Jean-Christian Tassy), qui est recruté comme urbaniste dans une commune. Une voix off, où l'on entend parler Laurent Collombert, présente son personnage qui est un cadre moyen avec des rêves moyens. Un bon Français en somme dixit la voix off.

Yann Moreau nous fait rentrer dans le quotidien de la mairie qui l'emploie. Et là, franchement, ce que l'on voit est tout bonnement hallucinant. Le maire se prend pour un grand seigneur. Il entend avoir des relations sexuelles avec sa secrétaire. Comme cette dernière refuse, il lui urine dessus ! De la même manière, pour montrer sa pseudo supériorité, le maire traite sa femme de ménage comme une moins que rien. Selon lui, cette « négresse » est mieux ici qu'à se prostituer dehors. Dans le genre antipathique et fasciste, on a un poids lourd. Alors même si le jeu de Philippe Bussière qui interprète le rôle du maire paraît quelque peu forcé, cela n'est pas très grave car le réalisateur entend avant tout s'attaquer à l'un des piliers de notre République, le personnage de maire. Au niveau des symboles, on est également bien servi avec un maire qui fait éclater le portrait de Nicolas Sarkozy (portrait qu'ont chacun des maires dans leur commune, puisqu'il s'agit du président de la République) en jouant au golf dans son bureau. Le clou de ce spectacle anarchiste et revendicatif est atteint lorsque le réalisateur décide de reprendre une des plus célèbres déclarations de Nicolas Sarkozy le 25 octobre 2005 et de l'adapter à son sujet.

Du côté de Yann Moreau, s'il veut rentrer dans le système dans lequel fait partie son maire, il doit, dans le cadre de son travail d'urbaniste, falsifier des documents et accepter des pots de vin (la réduction du trottoir de 50 centimètres qui permettrait des économies de l'ordre de 200 000 €). Ce sont notamment les patrons du BTP qui sont dans le film les personnes qui donnent pots de vin afin d'obtenir diverses autorisations. Comme l'indique la voix off, ces gens ne cherchent qu'à faire du profit.

La description de notre société actuelle par Jean-Christian Tassy n'est pas piquée des hannetons. On prend un sacré uppercut en pleine tête. Et ce n'est pas fini.

Manifestement fan de films organiques tels que Videodrome de Cronenberg, Tetsuo de Tsukamoto, voire même Baby blood d'Alain Robak, le réalisateur du film a l'idée d'adjoindre dans la main de Yann Moreau, lorsqu'il décide de se rebeller, un calibre 9 millimètres (d'où le titre du film), lui permettant ainsi de supprimer moults personnes peu recommandables. A ce moment, on pense inévitablement au salary man de Tsukamoto qui en marre de sa condition et devient un homme-machine. La voix off prend cette fois la voix de Nathalie Hauwelle qui interprète Sarah, une prostituée décédée et dont l'âme est venue se loger dans un calibre 9 millimètres. La voix de Sarah guide Yann Moreau dans ses faits et gestes. L'influence au sympathique Baby blood (où une chose s'était logée dans le ventre d'une femme et la commandait plus ou moins) est évidente. D'ailleurs, comme dans Baby blood, le film est traversé de quelques scènes humoristiques, avec ce Yann Moreau qui parle à son arme et est pris pour un fou (voir la scène il décide d'acheter un sandwich).

Entre des personnages hauts en couleurs, une position anarchiste jusqu'au boutiste et un brin d'humour, le film de Jean- Christian Tassy vaut le détour.

Pour autant, malgré ces qualités indéniables, le film est assez loin d'être parfait. Hormis Laurent Collombert qui est toujours dans le bon ton, les autres acteurs sont souvent dans une sorte de sur-jeu. Cela dit, peut-être est-ce délibéré pour accroître le côté foutraque de l'ensemble ?

Surtout, l'utilisation de nombreux accélérés pendant les scènes d'action aboutit à un manque certain de lisibilité de celles-ci. Le montage est par ailleurs un peu trop « cut ». Sans vouloir faire du Jean Rollin, le réalisateur aurait pu être un peu plus posé dans ses scènes d'action.

Et puis, comme le reconnaît le réalisateur, certaines scènes dans l'obscurité sont vraiment très sombres, à tel point que l'on a un peu de mal à distinguer ce qu'il se passe à l'écran.

Au final, malgré des défauts qui résultent sans doute du manque de moyens du film, Calibre 9 demeure un film unique, notamment par son incroyable charge politique. On n'est pas forcé d'adhérer au propos, mais toujours est-il que le cinéaste, qui n'y va pas avec le dos de la cuillère, a réussi une œuvre qui marque les esprits.

Le film reste tout à même à conseiller à un public averti, d'autant que certaines scènes sont sacrément violentes.

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A la fin de la projection, Jean-Christian Tassy était présent pour répondre aux questions du public.

En introduction, le réalisateur signale qu'il n'a fini qu'hier le mixage de son film.

Par le jeu des questions-réponses, on apprend que :

- Jean-Christian Tassy a voulu faire un film de contre-culture. Il espère que son film, qui est volontairement provocateur, sera édité en DVD.

- Jean-Christian Tassy a été contacté par le festival de Montréal.

- Le plus dur pour le tournage a été de trouver des costards.

- Le réalisateur a fait son film en 45 jours... sur deux ans !

- Le film est une accumulation de petits miracles, dixit Jean-Christian Tassy. Ainsi, ce sont de vrais militaires qui sont venus amicalement sur le tournage, dont l'un deux avec un bazooka.

- Pour le réalisateur, il y a encore trop de voix off et trop de musique. Il faut dire que c'est la première fois qu'il le voit en salles.

- Au départ, Calibre 9 avait été pensé comme un moyen métrage.

- Le casting s'est dessiné au gré des rencontres de Jean-Christian Tassy et des connaissances de ces personnes.

- Pour tourner dans la rue avec de vrais 9 millimètres, le réalisateur avait demandé des autorisations, qui ont débouché sur le blocage d'une rue.

- Pour les anecdotes sur le milieu de l'urbanisme que l'on voit dans le film, il s'agit de touches de réalité.

 

 piquenique_hr2Pique-nique à Hanging rock (1975) de Peter Weir, présenté le samedi 23 avril 2011 au cinéma Le Comoedia à 19h45

 Pour débuter cette séance de cinéma, on a eu droit à nouveau au teaser du festival Hallucinations collectives.

 En introduction de Pique-nique à Hanging rock, un membre de l'association Zonebis nous signale que ce film a permis au cinéma australien de s'exporter.

 La critique :

Cinéaste bien connu pour ses films américains avec entre autres Witness, Le cercle des poètes disparus (oscar du meilleur film étranger en 1991), The truman show ou plus récemment de Master and commander, Peter Weir a mis en scène ses quatre premiers films (Les voitures qui ont mangé Paris, Pique-nique à Hanging rock, La dernière vague, Le plombier) dans son pays d'origine, l'Australie. Ses quatre premiers films comportent tous une tonalité fantastique, avec l'étrangeté comme thématique commune.

Parmi ces films, Pique-nique à Hanging rock détient la palme de la bizarrerie. Le film se déroule dans l'Australie du début du XXème siècle. Au tout début du film, un carton nous explique que des jeunes filles, faisant partie d'un pensionnat privé, ont mystérieusement disparu lors d'une excursion.

On comprend dès lors que le film ne va nullement jouer sur une quelconque révélation du scénario. Non, cela n'est pas le but du film. Dans Pique-nique à Hanging rock, il est question surtout de ressenti.

Avec une photo particulièrement soignée, Peter Weir présente à chaque plan de véritables tableaux. L'un des personnages principaux du film, la belle blonde solaire Miranda, est d'ailleurs comparé à un moment donné à un ange de Boticelli. On est subjugué par la beauté de toutes ces jeunes filles qui partent pique-niquer dans le bush australien, juste aux abords d'un énorme rocher. Quatre jeunes filles décident d'escalader l'énorme rocher. La montée sur ce site accroît le côté atmosphérique du film. On a l'impression d'être en pleine rêverie. Le temps semble comme suspendu. Ce n'est pas un hasard si, sur ce site de Hanging rock, les montres se sont arrêtées à l'heure de midi. Dans cet univers paisible, la nature n'a pas l'air inquiétante. Elle est plutôt accueillante. Il y a même quasiment une fusion entre la nature et entre ces jeunes filles. Peter Weir a l'excellente idée d'utiliser des effets de surimpression où l'on voit les jeunes filles se laisser transporter dans cette nature.

Ces jeunes filles vivent une sorte d'extase, elles semblent en communion avec la nature, et les sublimes accords de flûte du virtuose roumain Gheorghe Zamfir ne font que confirmer ce sentiment. On a quasiment l'impression que les actrices ne jouent pas, mais qu'elles vivent leur rôle. Ce qui bien évidemment contribue à donner au film son aspect atmosphérique.

Passés ces moments d'insouciance et de quiétude, une grande partie du film va ensuite consister à tenter de retrouver ces jeunes filles et de comprendre comment elles ont pu disparaître. Mais aucun élément ne viendra expliquer leur étrange disparition.

D'un point de vue thématique, il serait utile comparer l'impression de liberté de ces jeunes filles et leur vie au pensionnat. A l'éducation stricte de ces jeunes filles, qui sont comme dans leurs habits corsetées par les règles qu'on leur impose, se distingue leur sentiment de bien-être avec la nature. En fait, on peut penser que l'ascension du site d'Hanging rock représente pour ces adolescentes un éveil (à la sexualité ?). Il faut bien voir que le blanc, couleur de la pureté, et qui sied à merveille pour ces jeunes filles vierges, est omniprésent dans le film : on a droit à des draps blancs, des cygnes blancs (possible personnification de nos jeunes filles disparues), des filles habillées dans une dentelle blanche. La disparition de ces jeunes filles pourrait donc être perçue comme une volonté d'émancipation. Les hypothèses sont nombreuses et chacun peut y aller de sa propre interprétation.

Toujours est-il que Pique-nique à Hanging rock constitue un véritable chef d’œuvre. C'est un film envoûtant, hypnotique, qui ne peut pas laisser insensible. La dernière image avec cet au revoir de Miranda reste durablement gravé dans la mémoire du spectateur et est symbolique de ce film tout à la fois naturaliste et étrange.

Le succès tant critique que public de Pique-nique à Hanging rock va permettre à l'Australie de produire et d'exporter de très bons films fantastiques (La dernière vague, Harlequin, Patrick, Long week-end, Mad Max, etc.) dans les années suivantes.

 

lastcaress7Last caress (2011, film vu en avant-première mondiale dans le cadre du festival) de François Gaillard et Christophe Robin, présenté le dimanche 24 avril 2011 au cinéma Le Comoedia à 17h30.

 La critique :

Genre très en vogue en Italie dans les années 60 à 80, correspondant à un mélange de d'horreur (des meurtres violents), de policier, d'érotisme, et parfois de fantastique, le giallo a quasiment disparu au cinéma.

Et pourtant, quelques cinéastes entendent bien faire renaître ce genre. C'est le cas des belges Hélène Cattet et Bruno Forzani avec l'expérimental Amer (2009) ou encore avec les français François Gaillard et Christophe Robin avec le poétique Blackaria, hommage au venin de la peur de Lucio Fulci.

Justement, les camarades Gaillard et Robin nous reviennent avec leur nouveau film, sobrement intitulé Last caress. Tourné avec un budget relativement restreint, Last caress est comme Blackaria, un giallo.

Si Blackaria jouait sur une ambiance quasi psychédélique et sur une narration éclatée, la donne est très différente dans Last caress. Le scénario est en effet beaucoup plus linéaire, même si des flashbacks sont toujours présents.

Par son titre, le look de son tueur (un homme avec de grosses lunettes de soleil) et l'arme principale de celui-ci (un gant serti de pointes) font clairement penser à un giallo, le film La mort caresse à minuit de Luciano Ercoli.

Mais la principale référence du film reste le jubilatoire Torso de Sergio Martino avec ce tueur qui recherche un mystérieux tableau dans un manoir et en vient du coup à éliminer un à un les différents personnages qui se dressent sur sa route. Comme dans Torso on assiste dans Last caress à des meurtres brutaux (le maquillage et les SFX de David Scherer sont plus que probants) qui se révèlent très graphiques. L'une des forces de ce néo-giallo réside dans sa capacité à mettre en scène des meurtres aussi violents que soudains. Le tueur qui paraît gigantesque à l'écran (beau travail sur le cadrage) n'est pas là pour plaisanter et il massacre méthodiquement, avec un sadisme certain, ses victimes.

Le film ne joue pourtant pas uniquement sur un côté sérieux. En effet, les deux réalisateurs ont eu l'idée d'alterner, avec une réussite globalement au rendez-vous, des scènes tendues avec des scènes plus décontractées. A l'instar de Torso, le film Last caress fait montre d'un second degré évident avec des victimes qui paraissent pour le moins assez décérébrées et un tueur qui est souvent inquiétant, mais parfois amusant par ses réactions (la fois où il se prend pour un sommelier, l'idée de jouer avec ses futures victimes comme le coup de la clé).

Et puis les dialogues suivent cette même impression avec une volonté certaine d'amuser le spectateur. A titre non exhaustif citons les deux phrases suivantes prononcées par nos personnages qui s'apprêtent à subir les sévices de notre tueur, et qui ont le mérite de divertir le spectateur : « Calme-toi Greg, tu te conduis comme un capitaliste individualiste » ; « T'es chiante, t'es conne et t'es agressive ».

Les acteurs se sont manifestement faits bien plaisir à jouer le rôle de personnages superficiels, qui ne sentent jamais que le danger est omniprésent. Ils ne pensent qu'à s'amuser, à boire ou à baiser (voir cette belle séquence où une relation sexuelle a lieu en même temps qu'un meurtre, mélange d'Eros et de Thanatos).

Si le côté slasher est bien réel (Torso, le film qui a constitué la trame narrative de Last caress, est considéré comme l'un des ancêtres du slasher), il n'en demeure pas moins qu'une partie du film se démarque complètement de cette tendance par le biais d'autres sources d'inspiration. L'autre source majeure d'inspiration du film est le chef d’œuvre de poésie morbide que constitue L'au-delà de Lucio Fulci, qui fait l'objet ici d'une citation récurrente (la femme aux yeux blancs) et surtout d'une réinterprétation intéressante de sa fin lors d'une scène onirique qui vaut le détour.

Les réalisateurs François Gaillard et Christophe Robin rendent également hommage dans Last caress à d'autres films du cinéma horrifique. On pense particulièrement au couvent de la bête sacrée de Norifumi Suzuki avec ces séquences de flagellation par des nonnes qui sont bien réussies sur le plan visuel. On peut aussi penser à La terreur des morts-vivants de Norman J. Warren avec cette femme brûlée vive sur un bûcher et aussi par ce film qui oscille entre sorcellerie et giallo.

Rempli de citations de films d'horreur d'antan, Last caress ne se contente pas de rendre hommage à ces films. Ce long métrage dispose de son identité propre qui lui permet de justifier sa raison d'être.

Il faut dire qu'outre des meurtres bien graphiques, le film peut se targuer d'une belle photographie signée Anna Naigeon (qui interprète également une des victimes du tueur dans le film). L'éclairage du film est soigné et donne au film son aspect volontairement rétro. Plusieurs couleurs sont mises en avant, notamment le rouge, couleur du sang et le bleu qui participe quant à lui à l'aspect onirique du film.

La musique du film, signée par le groupe Double Dragon, apporte également sa pierre à l'édifice. En effet, le film se marie bien avec cette musique électro qui est tantôt inquiétante, avec des morceaux qui rappellent les musiques de John Carpenter, tantôt atmosphérique.

Au final, si Last caress constitue un film très référentiel pour les amateurs de films d'horreur, il n'en demeure pas moins un long métrage de qualité. Son budget relativement modeste ne s'en ressent nullement à l'écran. Les films d'horreur de qualité n'étant pas légion par les temps qui courent, voilà un film à regarder pour toute personne fan de bon cinéma.

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A la fin du film, les deux réalisateurs étaient présents pour répondre aux questions du public.

Question : Les films Torso et L'au-delà sont-ils explicitement cités dans le film ?

Oui, même plus que ça. Ce sont des sources naturelles d'inspiration. Le film reprend des éléments de Torso et il y a une réinterprétation de la fin de L'au-delà.

 

Question : Comment s'est passée votre collaboration avec Le chat qui fume, votre producteur ?

Le chat qui fume a été très content car le film comporte du sang et des femmes à poil. Le chat qui fume nous a beaucoup aidé. Il a été présent tout au long du tournage.

 

Question : Comment a été pensée l'histoire ?

On a cherché à trouver un squelette narratif autour de Torso et de L'au-delà pour la fin onirique.

 

Question : Le film est plus gore que Blackaria et les effets sont très réussis. Quel budget représente Last caress ?

Sans rentrer dans les détails, le budget était bien supérieur à celui de Blackaria. On est passé d'un budget inexistant sur Blackaria à un budget minuscule sur Last caress.

 

Question : Est-ce l'appareil canon photo 5D a été utilisé pour le tournage ?

Oui. On a tourné en format full HD pour la première fois. C'est difficile car il n'y a pas de stabilisateur : il n'est pas possible d'utiliser des ralentis ; c'est difficile de faire des panoramiques. Du coup c'est un cinéma très photographique où l'on travaille plus sur la composition des cadres que sur les mouvements.

 

Question : Il semble que vous ayez réutilisé les mêmes acteurs que sur Blackaria ?

Oui, c'est quasiment les mêmes personnes. C'est une équipe très familiale. Tout le monde s'aide.

 

Question : Quels sont vos futurs projets ?

Il y en a beaucoup. Nous avons peur de répondre car le film est présenté dans un mois au marché de la vidéo à Cannes.

 

Question : Qui sont les pleureuses ?

Il s'agit d'un groupe qui s'est occupé de la musique ambiante du film. On a été très content de travailler avec les pleureuses.

 

A noter qu'une interview exclusive des réalisateurs et du directeur photo de Last caress est disponible sur ce blog.

 

 tucker_and_dale_vs_evil_00_686x1024Tucker et Dale fightent le mal (2011, film vu en avant-première dans le cadre du festival) d'Eli Craig, présenté le dimanche 24 avril 2011 au cinéma Le Comoedia à 19h45.

 Le film a été précédé d'un court métrage très drôle intitulé Otologie où le réalisateur de ce court a su astucieusement jouer sur le décalage entre l'image et le son pour caractériser un homme qui a de graves problèmes d'audition. Très amusant et parfait pour nous mettre dans l'ambiance décontractée de Tucker et Dale fightent le mal.

 La critique :

Film canadien réalisé par Eli Craig, Tucker et Dale fightent le mal est une petite comédie horrifique. Ce genre de films étant particulièrement développé actuellement, on se dit immédiatement que l'on risque d'avoir à faire à un film qui la joue ambiance cool, ce qui pourrait générer un sous Shaun of the dead (excellente comédie horrifique qui rend parodie les films de zombie).

Eh bien pas du tout. D'abord, il ne s'agit pas d'un film de zombie mais plutôt d'un slasher. Ensuite, et c'est ici la grande qualité du film, Tucker et Dale fightent le mal dispose d'une idée originale, qu'il va utiliser jusqu'au bout.

Le cinéaste a choisi d'inverser les rôles : les jeunes sont habituellement les victimes dans les films d'horreur. A l'inverse les personnages locaux, qui sont bien souvent des brutes épaisses, sont les tueurs. Pour ce long métrage, Eli Craig a pris délibérément le contre-pied des films d'horreur. Ainsi, Tucker et Dale, deux gentils péquenauds, ont décidé de passer leurs vacances dans une cabane qu'ils ont aménagée. Ils croisent sur leur route des jeunes qui ne respirent pas l'intelligence (une constante dans les films d'horreur), comme le prouve le fait qu'ils soient effrayés d'avoir oublié des bières !

Par un enchaînement de circonstances défavorables, les jeunes – qui ont vu Tucker et Dale ramener avec eux leur amie Allison (en fait ils ont essayé de la sauver) – pensent qu'il s'agit de dangereux psychopathes.

Ils sont donc bien décidé à sauver leur copine et à mettre fin aux agissements de ces hommes qu'ils pensent être des ennemis.

Pour que son film soit le plus drôle possible, Eli Craig a pris le parti de grossir le trait : Dale est un homme qui est gentil, affectueux, peureux, et qui ne ferait pas de mal à une mouche. C'est tout le contraire des jeunes qui se révèlent particulièrement belliqueux, avec notamment celui prénommé Chad.

Le film marche vraiment bien par son second degré lors de scènes vues mille fois au cinéma. Ainsi, les meurtres de jeunes se succèdent mais à chaque fois, c'est de manière accidentelle ! Un des jeunes passe dans une broyeuse, un autre se retrouve empalé. C'est très gore mais l'aspect volontairement comique fait que l'on est amusé par ce que l'on voit à l'écran. D'autant que les dialogues prêtent également à sourire.

En voyant ces jeunes qui meurent dans des circonstances dignes d'une incroyable poisse, Tucker pense quant à lui qu'il s'agit d'un suicide collectif !

Les dialogues sont là pour asseoir définitivement le côté décalé du film. Quant Dale signale qu'il a massacré la fille qu'il a recueillie, les amis de cette dernière pensent qu'il vient de la tuer. En fait, il l'a massacré au jeu !

De la même manière, on pourrait penser que Dale soit horrifié de voir deux doigts découpés de son ami. Pas du tout, il se contente de dire que « C'est ses doigts de bowling ». Dans le dernier tiers du film, alors que l'instant est tendu entre les jeunes et nos gentils péquenauds, Allison déclare : « Je fais un thé, on s'assied et on discute. »

Les meurtres improbables et les séquences gore se succèdent dans un esprit bon enfant qui rend ce film des plus sympathiques !

Et puis, pour accroître l'aspect drôle et inattendu de son film, le réalisateur a choisi de placer au sein de celui-ci une improbable histoire d'amour entre Dale et Allison. Tout les oppose, l'un est loin d'être un canon de beauté, l'autre est une superbe blonde, craquante à souhait. L'un est loin d'être un génie, l'autre fait des études de psychologie à la fac. Et pourtant, malgré tout ce qui les oppose, la gentillesse de Dale va faire craquer Allison. Evidemment, comme les jeunes sont certains que Dale est un « méchant », ils croient qu'Allison est victime du syndrome de Stockholm et que dès lors, en tant qu'otage, elle est tombée amoureuse de son kidnappeur !

Le film joue sans cesse sur des quiproquos ou sur des scènes inversées par rapport à ce que l'on a l'habitude de voir dans ce genre de films. La fin ne déroge pas à la règle avec un Dale parti à la recherche d'Allison afin de la sauver de Chad, son ex petit ami. Décidément, dans ce film toutes les choses qui ont généralement cours dans un film d'horreur classique sont modifiées.

Quelques mots sur la mise en scène. Rien de transcendant n'est à signaler. Mais au moins le réalisateur évite le côté clippesque que l'on trouve dans beaucoup de productions actuelles.

Quant aux acteurs, par leur jeu proche de la caricature (ce qui est sans nul doute voulu), ils réussissent très bien à s'intégrer au sein de cette histoire qui est voulu comme parodique de bout en bout. Une mention spéciale est à délivrer à Tyler Labine, plutôt habitué à jouer dans des séries télé (Le diable et moi ; Sons of Tucson ; Mad love) et qui interprète ici brillamment le rôle de Dale, à tel point que chacune de ses interventions prête à rire.

La musique du film se met elle aussi au diapason, avec notamment quelques morceaux de country qui sont assez étonnants au regard de ce que l'on voit à l'écran !

Au final, Tucker et Dale fightent le mal est une comédie horrifique très drôle, fort rafraichissante, qui apporte un second degré des plus appréciables à un genre, le slasher, qui finit par être quelque peu sclérosé. En filigranes, le film s'attaque également aux préjugés que l'on peut avoir sur autrui. En somme, voilà un film sympathique qui constitue un programme idéal à regarder le soir entre amis.

 

threadsThreads (1984) de Mick Jackson, présenté le dimanche 24 avril 2011 au cinéma Le Comoedia à 22h00

 Pour la dernière fois, nous avons eu droit au teaser d'Hallucinations collectives.

 Avant que ne débute le téléfilm Threads, nous avons visionné un court métrage en noir et blanc qui invite la population à adopter la bonne attitude en cas de survenance de la bombe atomique. Ce court métrage aux allures de propagande est intéressant dans la mesure où il intervient au moment de la guerre froide, lorsque le rideau de fer est toujours présent. Par sa thématique, ce court métrage est en lien direct avec le téléfilm Threads.

 En introduction de Threads, un membre de l'association Zonebis nous signale qu'il s'agit d'un téléfilm qui date de 1984, à un moment où les tensions entre la Russie et les Etats-Unis étaient encore vivaces. Ce téléfilm très réaliste sur les conséquences de la bombe a été supervisé par des scientifiques. Présenté à la télévision par la BBC, Threads n'a jamais été diffusé au cinéma. Il n'existe de toute façon pas de copie cinéma. C'est donc la copie vidéo que nous avons regardé.

 La critique :

Produit par la BBC en 1984, Threads est un téléfilm de Mick Jackson. Ce cinéaste, qui a beaucoup œuvré pour la télévision, a connu son heure de gloire au cinéma en 1992 avec le très superficiel Bodyguard (souvenez-vous Kevin Costner et Whitney Houston avec son tube planétaire I will always love you).

De superficialité il n'est pas question dans Threads. Bien au contraire. Ce téléfilm, qui a bénéficié de l'appui de scientifiques, traite des conséquences de la bombe atomique sur notre environnement. Si bien entendu il s'agit d'une fiction, le traitement minutieux de ce quasi documentaire lui donne un aspect réaliste. On est très loin des films catastrophes des films hollywoodiens à la 2012 où, à grands coups d'effets spéciaux, on nous montre un divertissement qui se termine par un gentil happy end.

Sur Threads, le film se déroule à Sheffield, ville industrielle du Royaume-Uni. Il y a une tension grandissante qui nait en raison des affrontements entre la Russie et les Etats-Unis en Iran. Les gens ont peur et se ruent dans les magasins pour faire des provisions. Il y en a qui décident même de partir à la campagne, se sentant plus en sécurité.

Le téléfilm évoque bien ce sentiment d'angoisse qui s'élève progressivement dans la population britannique. Et à juste titre puisque les anglais vont devoir faire face à deux bombes atomiques, suite aux tensions entre la Russie et les Etats-Unis qui aboutissent à l'échange de missiles à tête nucléaire, pour un total de 3000 mégatonnes. Sur ce total, 210 mégatonnes sont envoyés au Royaume-Uni.

C'est rapidement le chaos dans le pays. La ville de Sheffield est en partie détruite, ses systèmes de communication sont coupés et les gens restent pour la plupart reclus chez eux.

Il y a d'abord les gens qui meurent directement suite au souffle des bombes (entre 2 et 9,5 millions d'habitants au Royaume-Uni). Et puis dix jours après l'arrivé de la bombe, il y a les gens qui tentent de survivre mais se retrouvent contaminés car l'eau est bien entendue infectée. Le téléfilm n'a certes pas pu se targuer de moyens qui sont donnés à des grandes productions, pour autant dans un ton grisâtre particulièrement adapté à la situation, il souligne bien l'état de désolation de la ville. Avec ces images en noir et blanc qui donnent un aspect historique à Threads, on pense à ce moment à Allemagne année zéro de Roberto Rossellini (1948) avec son principal protagoniste, un garçon de 12 ans, confronté aux conséquences de la deuxième guerre mondiale. Dans Threads, des millions d'enfants sont morts à cause des deux bombes. En outre, de nombreux enfants naissent avec des malformations.

Threads est d'autant plus réaliste qu'il est présenté sous la forme d'un journal de bord. On voit d'abord ce qui se passe juste avant la bombe, puis le jour où arrive à la bombe. Ensuite, les jours qui nous sont indiqués s'espacent, pour arriver jusqu'à nous dresser un portrait de la situation dans les mois suivants puis dans les années suivantes.

Comme on peut s'en douter, les choses ne font que s'aggraver. Au bout de quelques années, on apprend que la quasi totalité des gens sont morts, victimes de malnutritions et d'épidémies (choléra, dysentrie, leucémie). Le téléfilm devient de plus en plus difficile à regarder.

Il montre par exemple que les morts, de plus en plus nombreux, ne sont plus enterrés. Il y a des pillards et des violeurs. Il n'est plus question de vivre mais plutôt de survivre. Le ciel assombri par les poussières des bombes est symbolique de ce monde qui a sombré dans les ténèbres.

Pour les survivants, le monde se transforme en une sorte de loi de jungle, faisant disparaître les fils (threads en anglais) sociaux de notre société. L'homme revient quasiment à l'âge de pierre. Sur ce point, on notera que l'homme a de plus en plus de mal à parler anglais. Un des moyens essentiels pour communiquer est donc en train de disparaître.

Les personnages qui sont les référents du spectateur ne prêtent pas non plus à une quelconque joie, dans la mesure où ils sont victimes de la dislocation de la société et ont à subir entre autres des malnutritions, décès et viols. Threads propose à cet égard une conclusion sans concession, à des années-lumière des happy -end hollywoodiens, avec notre dernière héroïne qui donne naissance à un enfant qui est aussitôt mort-né.

Aussi bien par une image grisâtre que par une thématique très alarmiste, ponctuée d'images-chocs, Threads est un téléfilm très difficile à regarder. Il faut vraiment avoir le cœur bien accroché, et voir cette fiction aux allures de documentaire de fin du monde, en toute connaissance de cause.

Dans tous les cas, même si ce n'est pas franchement une partie de plaisir de voir un tel téléfilm, il n'empêche qu'il faut bien constater qu'il s'agit d'une œuvre forte, au propos très adulte, qui pose de vraies questions sur notre monde et la façon dont on le gère. La bombe atomique reste sans conteste un danger permanent. Le téléfilm prend une résonance particulière à l'heure actuelle, quand on voit ce qui arrive au Japon avec le danger du nucléaire.

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Threads constitue le dernier long métrage visionné pendant le festival Hallucinations collectives. Je ne termine donc pas ce festival sur une note spécialement drôle car Threads est un téléfilm plutôt dur à regarder. Pour autant, j'ai eu la satisfaction d'avoir assisté à une œuvre rare et marquante. Entre des rétrospectives de films essentiels et des avant-premières pour le moins intéressantes, ce festival a été une totale réussite. Vivement l'année prochaine et la deuxième édition du festival Hallucinations collectives !

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