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Déjantés du ciné
2 juillet 2019

Le daim de Quentin Dupieux

ledaim1Titre du film : Le daim

Réalisateur : Quentin Dupieux

Année : 2019

Origine : France

Durée : 1h17

Avec : Jean Dujardin (Georges), Adèle Haenel (Denise), etc.

FICHE IMDB

Synopsis : Georges, 44 ans, et son blouson, 100% daim, ont un projet.

Le dernier film de Quentin Dupieux est sans doute moins hallucinant que ses précédents longs métrages, notamment Rubber (2010) et son pneu tueur ! Pour autant, l’univers fantaisiste, foutraque et déjanté de ce cinéaste insaisissable est toujours bien présent. A tel point que si l’on n’accepte pas le point de vue adopté par le réalisateur, on risque fort de rester au bord du chemin et de trouver son nouveau film très ennuyeux.

Ca serait bien dommage car Le daim dispose d’indéniables qualités. A cet effet, Jean Dujardin, acteur oscarisé, est au top de sa forme. Avec un talent indéniable, il joue le rôle de Georges (on ne connaîtra jamais son nom de famille), un homme qui a semble-t-il quitté sa famille du jour au lendemain et décidé de faire table rase du passé en s’installant dans les Pyrénées.

Si Quentin Dupieux a l’habitude de mettre en scène des films totalement fous, cette fois-ci il change de paradigme : exit les scènes surréalistes ou des digressions scénaristiques n’ayant – à première vue – ni queue ni tête. Désormais, en lieu et place de films fous, il filme tout simplement...la folie. Georges est un homme perdant pied avec la réalité au fur et à mesure qu’il rentre dans un incroyable délire. Il faut le voir au début du film acheter un blouson en daim plusieurs milliers d’euros, comme s’il s’agissait de la septième merveille du monde.

ledaim3Mais la suite est encore plus grave. Georges s’invente carrément une nouvelle vie, comme s’il refusait tout ce qui le caractérisait jusque-là. Il a l’impression qu’il est devenu quelqu’un avec son blouson en daim. Il déclare à plusieurs reprises qu’il a un « style de malade ». Mais c’est plutôt lui qui est malade ! Car comment dire autrement de quelqu’un qui parle à son blouson comme s’il s’agissait d’une personne à part entière. Évidemment, chacun pourra voir dans cette relation exclusive une forme de critique de la société de consommation. C’est un fait.

Cela étant, l’intérêt du film va bien au-delà de ce simple constat. Comme indiqué précédemment, Quentin Dupieux filme la folie comme s’il s’agissait d’un cas clinique. Georges, qui est de quasiment tous les plans, sombre progressivement dans un délire n’ayant visiblement aucune limite. Ainsi, alors qu’il ne connaît rien au monde du cinéma, il s’improvise cinéaste du jour au lendemain en filmant avec un caméscope anachronique tout ce qui l’entoure. D’une certaine façon, on assiste à une mise en abîme du cinéma puisque Dupieux filme Georges qui lui-même filme, comme s’il s’agissait d’un vrai cinéaste. Et à partir du moment où il fait croire à son entourage et se persuade qu’il est un réalisateur, il devient de plus en plus inquiétant.

Dans sa folie, il entraîne une jeune femme, Denise (Adèle Haenel), très intéressé par le projet de Georges. Elle se propose d'ailleurs en tant que monteuse amatrice. Un des autres centres d’intérêt du Daim part de l'idée que Georges crée à partir de rien le scénario de son film. Ou plutôt il crée au gré de ce que lui demande de faire son blouson (à savoir qu’il devienne le seul à posséder un blouson dans le monde entier! Rien que ça!), le fameux daim, et au gré de ses sorties nocturnes. Quentin Dupieux change la perception que le spectateur a de Georges : ce dernier passe du statut de « pauvre type », de looser ultime à celui de dangereux psychopathe, prêt à tout pour obtenir des financements et disposer de matière pour son film.

Quentin Dupieux dresse alors un étonnant (mais pertinent) parallèle entre l’évolution du psychique Georges à mesure qu’il s’habille de plus en plus en daim (le blouson, le chapeau, le pantalon, les gants, les chaussures). C’est comme si l’animal qui sommeillait en lui se réveillait, laissant transparaître des pulsions dangereuses, où le sentiment n’a pas cours. Cela n’est pas un hasard si Dupieux nous montre à de nombreuses reprises un véritable daim.

On pourrait donc voir dans le port de ce blouson en daim, qui prête au départ à sourire, une sorte de malédiction. La fin du film, avec Denise reprenant le flambeau n'est pas sans rappeler la transmission d'une malédiction dans un film d'horreur.

ledaim4Quoi qu’il en soit, sous son apparente futilité voire stupidité (on peut tout à fait rester hermétique au style Dupieux), Le daim est un des films les plus aboutis de son auteur. Dupieux livre une analyse clinique, sans concession, d’un homme ayant perdu le sens des réalités et sombrant vers le côté obscur de la nature humaine. Si le ton du film est résolument orienté vers l’humour, les thématiques développées : la folie, la solitude, la société de consommation, le meurtre gratuit, ont de quoi faire réfléchir.

Outre son scénario très astucieux, Le daim peut se targuer d’une excellente distribution : Jean Dujardin, très l’aise dans le rôle de Georges, tient là une de ses meilleures interprétations. Adèle Haenel lui rend parfaitement la pareille avec sa passion quasi morbide de voir où va l’entraîner Georges.

En somme, Dupieux coche toutes les cases, faisant de son film une œuvre riche et ayant plusieurs degrés de lecture. Encore faut-il être réceptif car Le daim est tout de même réservé à un public ayant l’esprit (très) ouvert. Si c’est le cas, je vous recommande chaudement ce long métrage étonnant à l'humour bien décapant !

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