La crise de Coline Serreau (critique film + blu ray)

Titre du film : La crise

Réalisatrice : Coline Serreau

Date de sortie au cinéma : 2 décembre 1992

Origine : France

Durée : 1h35

Avec : Vincent Lindon, Patrick Timsit, Zabou Breitman, Michèle Laroque, Maria Pacôme, Yves Robert, Nanou Garcia, etc.

Editeur : Tamasa Distribution

Date de sortie en blu ray et en DVD : 10 octobre 2023

FICHE IMDB

Synopsis : Brillant avocat parisien, Victor apprend deux mauvaises nouvelles : sa femme le quitte et son patron le licencie. Bouleversé, il cherche du réconfort auprès de ses proches... Le hic, c'est que tout le monde est bien trop plongé dans ses propres problèmes. Tout le monde sauf Michou, un chômeur sans le sou, aussi attachant qu'insupportable...

En 1985, la réalisatrice Coline Serreau rencontre un énorme succès avec la comédie Trois hommes et un couffin, qui bénéficie de bonnes critiques et d'un excellent bouche-à-oreille. Dans une France encore joyeuse le film totalise dix millions d'entrées dans les salles de cinéma.

Dans les années 90, le soufflé est retombé : la réélection de Mitterrand ne suscite plus les mêmes espoirs, le chômage explose... La crise (1992) de Coline Serreau est en cela une formidable radiographie de la société de cette époque. Les sujets abordés sont nombreux et toujours d'actualité : capitalisme tout puissant, chômage, racisme, problèmes de couple, individualisme, féminisme, écologie, malbouffe, gauche déconnectée du peuple, etc. On ne s'ennuie pas dans La crise. Cinéaste engagée, Coline Serreau utilise sa meilleure arme pour faire passer des messages : la comédie.

S'inspirant des grands maîtres de la comédie hollywoodienne (la screwball comedy) des années 30 et 40, Coline Serreau propose au spectateur une comédie atypique. Les acteurs parlent très vite – ils donnent parfois l'impression d'être hystériques – et les scènes se succèdent à la vitesse grand V. Par ailleurs, à l'image de ces comédies américaines, les femmes ont des personnalités fortes.

La crise est une oeuvre (entre autres) féministe bénéficiant d'actrices épatantes et de dialogues percutants. Coline Serreau entend faire comprendre que la femme n'est pas vouée à être la boniche de l'homme. Elle a droit à sa vie, comme tout le monde. Le film nous offre des seconds rôles savoureux, magnifiques représentants de la gente féminine. Michèle Laroque joue ainsi une bourgeoise qui souhaite ramener à la raison son mari : “Je suis vulgaire, tant mieux”. De son côté, Zabou Breitman interprète une femme souhaitant garder sa liberté, ce qu'elle fait comprendre à son copain collant : “Ta vie c'est ta vie, ma vie c'est ma vie.” Mais le personnage le plus marquant reste sans conteste celui joué par Maria Pacôme. L'actrice, jouant le rôle de la mère du personnage principal, décide de quitter son foyer pour vivre enfin la vie qu'elle désire. Sa longue tirade est devenue culte : “Je m'en fous de tes problèmes […] Toi, il te reste une longue vie devant toi pour résoudre ta crise ; moi il me reste très peu de temps pour résoudre la mienne. Alors tu permettras que pour une fois je m'occupe de mes affaires avant les tiennes. »

Si cette sensibilité féministe est bienvenue, La crise ne se limite pas à cet aspect. Le film regorge de thématiques qui n'ont pas pris une ride aujourd'hui et sont (malheureusement) toujours actuelles. Vincent Lindon incarne le rôle de Victor, un avocat de renom qui perd le même jour sa femme et son boulot ! Dans une société où l'individualisme est de plus en plus présent, tout le monde n'a que faire de ses problèmes. Ce long métrage montre parfaitement que chacun s'intéresse à sa situation, point barre.

Le seul qui accepte d'écouter Victor, c'est Michou, un chômeur pot-de-colle à la fois touchant et agaçant, qui révèle les failles et les raisons de la solitude de Victor. Le duo Victor-Michou permet de confronter les riches et les pauvres, et de s'ouvrir aux autres. C'est d'ailleurs ce même Michou qui évoque en toute simplicité la montée du racisme en France : “Moi je pense que c'est beaucoup plus facile d'être contre le racisme quand on habite à Neuilly que quand on habite à Saint-Denis.” Coline Serreau s'en prend ouvertement à ces milieux bourgeois qui méprisent les classes populaires et sont également racistes. Le film comporte certains dialogues, pas piqués des hannetons, qui auraient peut-être du mal à passer aujourd'hui (les préjugés sur les portugaises par exemple), même si le ton est ouvertement humoristique.

Critique évidente d'une société qui a complètement perdu les pédales, La crise est en même temps un formidable plaidoyer pour la liberté et pour la communication entre les êtres (ah la scène du téléphone dont Francis Veber s'est inspiré pour Le diner de cons). Du reste, cela n'est pas un hasard si la dernière partie du film marque une cassure par rapport au reste. Les dialogues sont plus posés, les personnages commencent (enfin) à se parler et à s'écouter. Les relations sont plus sereines. Coline Serreau a l'antidote pour guérir cette société de fous : il faut ralentir son rythme de vie et profiter du moment présent. Elle termine son long métrage avec un motif d'espoir. Les spectateurs ont manifestement été sensibles à ce film puisqu'il a obtenu près de 2,5 millions d'entrées.

Caractéristiques du blu ray édité par Tamasa Distribution :

L’image : L’image du film n’a jamais été aussi belle avec ce master restauré 4K. Dans ces conditions, on apprécie aisément le gros travail effectué sur la photographie du film.

Le son : il est très bien réparti dans l’espace et on entend très distinctement les acteurs et la musique classique du film.

Les compléments : L’éditeur Tamasa Distribution a agrémenté son édition de plusieurs bonus. Le plus intéressant est sans conteste un entretien récent avec Coline Serreau intitulé “Coline Serreau raconte La crise” (27 minutes 52). La réalisatrice raconte les origines du film, sa façon de travailler, les thèmes du film et ses partis pris. Elle revient plus longuement sur les acteurs où elle a un avis bien tranché sur chacun d'eux. Si elle ne voulait pas au départ Timsit, elle souligne que Michèle Laroque “était brillantissime et agréable. “ Ce bonus est vraiment très plaisant à regarder, Coline Serreau fourmillant d'anecdotes et de souvenirs.

Le second complément de ce blu ray est un entretien avec Vincent Lindon (34 minutes 42) datant de 2003. Ce bonus avait déjà été intégré sur le blu ray de La belle verte. Vincent Lindon évoque sa rencontre avec Coline Serreau et comment il a travaillé avec elle. Evoquant son métier d’acteur et la façon dont il l’appréhende, il fait preuve de beaucoup d’humour.

Le blu ray dispose également d'un clip vidéo intitulé “Contre l'oubli” (3 minutes 39). Il s'agit d'un plaidoyer pour un couple de juristes, Vera Chirwa et son mari Orton, militants des droits de l'homme, emprisonnés à vie au Malawi. Mise en scène par Coline Serreau et interprété par Jacques Higelin, ce court métrage montre toute l'humanité de la réalisatrice de La belle verte.

Les compléments se terminent avec le film annonce de La crise.