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Déjantés du ciné
6 juin 2022

Vous ne désirez que moi de Claire Simon (critique film + DVD)

vousnedésirez0Titre du film : Vous ne désirez que moi

Réalisatrice : Claire Simon

Année : 2022

Origine : France

Durée : 1h35

Avec :‎ Swann Arlaud, Emmanuelle Devos, Christophe Paou

Editeur : Blaq Out

En DVD le 5 juillet 2022

Synopsis : Compagnon de Marguerite Duras depuis deux ans, Yann Andréa éprouve le besoin de parler : sa relation passionnelle avec l’écrivaine ne lui laisse plus aucune liberté, il doit mettre les mots sur ce qui l’enchante et le torture. Il demande à une amie journaliste de l’interviewer pour y voir plus clair. Il va décrire, avec lucidité et sincérité, la complexité de son histoire, leur amour et les injonctions auxquelles il est soumis, celles que les femmes endurent depuis des millénaires…

 

Marguerite Duras (1914-1996) est une des femmes de lettres les plus célèbres du XXème siècle. Celle qui a renouvelé le genre romanesque a connu l’un de ses plus succès avec L’amant en 1984 (prix Goncourt), adapté plus tard au cinéma par Jean-Jacques Annaud. A cette époque, Marguerite Duras vit depuis quatre ans une relation taboue avec Yann Andréa, bisexuel et de 38 ans son cadet. Yann Andréa vivra avec Marguerite Duras jusqu’à sa mort en 1996.

vousnedésirez1Auteur de nombreux documentaires et films de fiction, Claire Simon s’est intéressée à cette histoire passionnelle entre Duras et Andréa. Pour ce faire, elle a choisi avec Vous ne désirez que moi d’adapter à l’écran le livre Je voudrais parler de Duras (2016, éditions Fayard), issu des entretiens entre Yann Andréa et la romancière Michèle Manceau, proche de Marguerite Duras.

Le défi est immense puisqu’il s’agit de captiver le spectateur alors que la majeure partie du film est constitué d’entretiens dans un lieu clos avec deux personnages, Yann Andréa joué par Swann Arlaud et l’intervieweuse Michèle Manceaux interprétée par Emmanuelle Devos. Malgré le matériau de base très littéraire, la réalisatrice Claire Simon a la bonne idée de refuser tout académisme. Alors que la facilité aurait pu l’amener à filmer avec des champs / contre champs, elle choisit d’avoir une caméra très fluide qui effectue sans cesse des va-et-vient entre l’intervieweur et l’interviewée. On a droit ainsi à de nombreux plans séquence qui mettent en avant les acteurs.

Si l’on est forcément amené à faire attention aux déclarations de Swann Arlaud qui se fond parfaitement dans le personnage de Yann Andréa, on est tout autant attentif aux visages de celui-ci et aux réactions d’une Emmanuelle Devos qui ne se contente pas d’être simplement présente pour enregistrer les propos d’Andréa. A plusieurs reprises elle le relance pour en savoir plus : « Là faut que tu dises les choses au plus sincère de toi-même » ; « Je croix que là faut que t’en dises plus […] Faut que tu développes. »

vousnedésirez2Mais au juste, de quoi parlent ces entretiens exclusifs de Yann Andréa ? De sa relation passionnée et tourmentée avec Marguerite Duras. Tout au long du film, on sent à la fois de l’admiration mais aussi une forme de rejet pour une femme qui l’a transformée. Car Yann Andréa – qui s’appelait Yann Lemée avant que Marguerite Duras décide de l’appeler ainsi – est conscient qu’il est sous le joug de Marguerite Duras. Elle exerce une fascination sur lui et par amour, il a tout accepté d’elle : il s’habille selon ses souhaits, mange ce qu’elle souhaite et fréquente les gens qu’elle veut. Il y a une relation de domination qui s’est instaurée entre les deux résumée à la fois par le titre du film que par cette déclaration de Duras : « Je veux vous décréer pour vous créer. »

Cette relation de la femme dominante et de l’homme dominé est très intéressante puisqu’elle fait écho, de manière inversée, à ce que vivent généralement les femmes dominées dans une société patriarcale. La cinéaste Claire Simon inscrit son film dans une perspective féministe évidente. Cela n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart des membres de l’équipe du film, du script au directeur de la photographie, sont des femmes. Cela n’étonnera personne que Claire Simon est membre du collectif 50/50 ayant pour but de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel.

Heureusement, le film ne se limite à évoquer cette relation de domination entre deux êtres. Il évoque aussi sans détour la relation sexuelle entre ces deux personnes. Une relation d’autant plus étonnante que Yann Andréa répète à l’envie qu’il est homosexuel. Mais la passion de Yann Andréa pour son aînée est plus forte que tout. Il accepte de s’abandonner à elle. Au milieu du film, de retour chez elle, Michèle Manceaux imagine cette relation sexuelle lorsqu’elle s’endort, par le biais de dessins suggérés, qui prouvent toute la finesse de ce long métrage.

Vous ne désirez que moi est une belle réussite de Claire Simon que l’on doit aussi bien à l’excellence de l’interprétation qu’à sa mise en scène donnant parfois l’impression d’assister à un documentaire, comme dans son excellent film Les bureaux de Dieu (2008). Toutefois, ce film ne s’offre pas directement au spectateur. Il demande un minimum d’attention pour l’apprécier pleinement.

vousnedésirez3Caractéristiques du DVD édité par Blaq Out:

L’image : Elle est excellente, qu’il s’agisse des séquences diurnes ou nocturnes du film.

Le son : Un son en dolby digital 5.1 et en 2.0 tout à fait correct. On appréciera que le film soit disponible en audio-description et qu’il y ait la possibilité de le visionner avec des sous-titres pour sourds et malentendants.

Les suppléments : Ils constituent un complément idéal au film, même s’ils vont parfois un peu loin dans l’explication. Le premier bonus est un entretien avec Claire Simon et Swann Arlaud (15 mn18). Claire Simon revient notamment sur la genèse du film et sur la relation complexe entre Marguerite Duras et Yann Andréa. Le second bonus est un entretien entre Judith Fraggi, à qui l’on doit les dessins dans le film, et Claire Simon (11 mn29). Judith Fraggi explique la difficulté de trouver des dessins à la fois crus et tendres. Elle explique la genèse de ces dessins faits à l’encre (et non à l’aquarelle). Le troisième bonus est un entretien avec Céline Bozon, la directrice photo, et Claire Simon (10 mn24). Il s’agit clairement du bonus le plus abscons, si l’on n’est pas initié. Quelques idées intéressantes mais manquant de structuration. Le dernier bonus présente les dessins de Judith Fraggi (1 mn23) dans des cadres. En fait, il manque seulement dans ces bonus une interview d’Emmanuelle Devos.

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